26
Ce bruit t’appartient-il ? Peut-être. Sans doute l’as-tu oublié ici avec ce parfum de terre et cet accent de la glèbe. Ce bruit que sculptent tous les silences. Tant de torsions pour lire tes semelles. Je bascule sous les arbres pour marcher sur le ciel, dormir tête bêche avec ton nuage. Ce trait de bleu qui part de ton œil peint le sol de mes jardins iris et sang. La porte bruisse, ce bruit t’appartient-il ?
27
Tu poses comme un amour en cage dans un coude d’oiseau. Repli de plumes, tu poses. Modèle souvenir, tu poses. Comme la glaise que je serai, informe tas de toi et tes mains qui m’oublient sur le tour des jours.
28
Le sel que tu jettes sur l’épaule du jour rend du cristal pour monnaie. Avec des sons fragiles et une onde dedans le dos. Ça craque et fendille la coque du matin et on se sent pelé doucement vers sa blancheur d’âme. Devenir fruit d’amande ou de cajou.
29
J’aurais aimé t’aimer. Tu es noir comme le vin geôlier des secrets et j’ai reçu l’éclat que tu fais quand ça tourne de l’œil. Tu dois avoir du goût pour les îles perdues sur le fil des fleuves. On les saute à cloche-pied. Je passe mes doigts sur ta bouche et moudre tous mes calculs d’épices. Cela te fait sourire… J’aurais aimé t’aimer.
30
Tu pousses en moi comme un vieux, très vieux chagrin. Celui que l’on reçoit quand on commence à vivre. Un gène de mélancolie, scellé entre veines et gorge, entre cris et glissade. Tends-moi ta peau, je dois écrire. Graver chaque instant qui passe, la seconde d’une écriture sale sous les ongles.
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Par-dessus l’univers, toutes les femmes du monde montent sur les épaules du cri. Courte échelle de poèmes dans les zeppelins d’azur. Se rendre à son nuage, le sien plus transparent encore-, à son point d’eau, la pente douce…
Texte : Anna Jouy – Issu du Recueil « Poèmes de la nuit à son matin ».