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Archives de Tag: Secrets de maisons

Secrets de maisons 7 : Les trois colombes

19 dimanche Fév 2017

Posted by lecuratordecontes in Marlen Sauvage

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Quelques mois plus tard, les deux chênes de la cour emmêlaient leurs feuillages davantage encore qu’au moment de la vente de la propriété. La tempête qui s’était abattue sur le pays les avait épargnés quand elle avait déraciné tous les arbres alentour situés pourtant sur le même couloir et peut-être les avait-elle rapprochés. Solène revoyait avec émotion ces témoins d’un passé où était engloutie la mémoire familiale. Le banc et les fauteuils de bois avaient disparu… La clôture à mi-hauteur d’homme séparait toujours la cour du pré où des vaches rousses paissaient tranquillement. A sa gauche, la façade de la fermette aujourd’hui trouée par une porte-fenêtre éclatait d’une blancheur factice : elle jura de colère ; à travers les larmes naissantes, elle savait bien le crépi grumeleux et jaune dessous, les fissures entre la brique et le torchis. Au moment de signaler sa venue, elle leva la main sur la droite vers la clochette de son souvenir et resta ainsi le geste suspendu devant l’absence de dispositif, tandis qu’au même moment la porte s’ouvrait sur une femme svelte, en tenue d’équitation, surprise de sa présence dans l’encadrement de la porte. Solène bredouilla quelques mots d’excuse, rappelant son appel et la proposition du propriétaire de passer ce jour-là. La femme activa la sonnette à gauche de l’entrée et lui demanda d’attendre son mari puis comme pour se justifier, elle ajouta qu’elle devait se rendre au haras.

Solène se demanda si la propriétaire ne se méprenait pas sur son identité, et si elle avait une idée quant à la raison de sa venue ; elle conclut que de toute évidence, cela lui importait peu. Elle patienta sur le seuil, détaillant le gravier blanc, visualisant la petite dalle de béton posée devant l’entrée durant des années, à laquelle était fixée une grille de métal destinée à gratter les semelles boueuses des sabots puis des chaussures. Perdue dans la remémoration de cette grille, elle fut tirée de sa rêverie par une voix. L’homme se tenait devant elle, jovial, la main tendue, et l’invita à le suivre sans plus de façon.

L’entrée étroite et sombre avait disparu. A peine dans la maison, le regard se perdait sur la droite dans une immense pièce éclairée par la baie vitrée, une salle carrelée, froide, blanche… Tout brûlait de blanc désormais ici. Le mur tapissé de bleu, aux patères accueillantes, débordant de manteaux, de parapluies et de chapeaux avait été abattu. Elle vacilla imperceptiblement. Pour retrouver son appui, elle ferma les yeux et l’homme s’inquiéta de son état. « Ah ! vous ne devez plus rien reconnaître ! Ça vous fait un choc ? J’en suis désolé ! » Elle s’excusa, et devant son désarroi, il lui proposa un verre d’eau qu’elle refusa aussitôt. En avant d’elle, la voix chantante de l’homme ne cessait de raconter les multiples travaux, le décaissement du sol ici, l’installation de matériau isolant ailleurs ou l’aménagement de l’espace. Quelques pas en arrière, elle promenait son regard sur la maison nouvelle, dont le fantôme surgissait de chaque mur, chaque plancher, chaque plafond. Il lui suffisait de fermer les yeux un bref instant.

La chambre parentale occupait les trois-quarts de cette nouvelle pièce, avec l’armoire en orme blond, le lit assorti, les rideaux lourds au tissu frappé de grandes fleurs, et elle revit ce matin d’août rempli d’effroi, la robe de chambre de son père abandonnée sur un fauteuil de velours rouge, le livre ouvert sur le chevet du côté où dormait sa mère, le désordre de la vie précipitée en quelques secondes dans l’inattendu ; elle revit le carrelage bleu du couloir qui desservait le séjour à gauche, avec sa cheminée simple, aujourd’hui prétentieuse – surmontée de deux personnages en biscuit coloré, le jardinier, la jardinière – autour de laquelle elle se tenait avec ses sœurs pour découvrir le nom donné à la maison par leur père en l’honneur de ses trois filles ; elle revit les larges dalles de pierre réchauffées de tapis élimés, le plafond de poutres peintes, mal dégrossies par endroits, puis la pièce attenante où l’on mangeait en famille, les meubles en noyer, les bibelots de verre ; le bureau ouvrant sur une chambrette éclairée par une fenêtre avec le pré pour tout décor ; la chambre verte au fond qu’elle préférait à toutes avec son lit haut et son matelas de laine, bosselé, et l’édredon jaune d’or qui rappelait les vacances de Pâques dans la maison des grands-parents ; la grande chambre installée dans l’ancienne étable – dortoir pour les petits-enfants –, à laquelle on accédait en descendant deux marches, transformée en atelier de peintre par sa mère ; la haute salle de bains noyée sous les miroirs, la cuisine aux meubles de chêne à chapeaux de gendarme désuets, et où le carillon sonnait chaque quart d’heure, la table ronde recouverte d’une toile cirée, les peintures sur les murs, la véranda d’où l’on admirait les asters bleus et roses semés sur le gazon et les deux chênes unis dans une même contemplation…

Plus rien de tout cela dans cette ferme quelconque, clinquante de mobilier neuf et sans vie. Elle osa une question, demanda à revoir le grenier. Un sourire spontané s’élargit sur le visage de l’homme qu’elle ne sut à quoi attribuer… Là encore il la précéda, montant les escaliers extérieurs qui avaient conservé la rampe métallique d’un vert pâle écaillé, s’excusant presque de ne pas avoir encore entrepris de travaux dans cette partie de la maison, puis il se tut d’un coup au milieu d’une phrase et s’effaça devant elle, d’un air complice. Que lui signifiait-il ? La grosse clé restée dans la serrure joua sous ses doigts sans effort, sans même un grincement. Solène détourna la tête vers l’homme mais il avait déjà disparu. Le plancher courait sur toute la longueur du bâtiment. Par les fenestrons en losange répartis sous les corbeaux de la toiture pénétrait une lumière dont les rais éclairaient à intervalles réguliers les lames disjointes. Elle y voyait danser des particules de poussière. Elle resta là, songeuse, un instant.

C’est ici que s’étaient entassées pendant des décennies des cartons de courrier, de papiers administratifs, de photos, de papèterie, de souvenirs de voyages… Le contenu d’une vie dans laquelle elle avait plongé pour tenter d’en comprendre les secrets. Là qu’elle avait retrouvé, annotée d’une écriture parfois illisible, la définition de la barbarie, extraite d’un vieux dictionnaire universel et dont elle se remémorait encore quelques passages « Là, règne le despotisme le plus brutal, la servitude la plus vile ; là se débattent les intérêts les plus sordides, les appétits les plus grossiers ; là tout ce qui est esprit, tout ce qui est intelligence est dédaigné… » Et en marge de la longue définition, des interrogations qui étaient autant d’allusions à la cruauté déployée durant les guerres fomentées par les hommes au siècle passé. Elle se promit de revisiter les notes retrouvées, de déceler entre les lignes la voix de son père, ses pensées, son cheminement, sa sagesse, peut-être, venue avec l’âge et la confrontation avec la mort.

Alors elle s’assit, le dos au mur de la façade, plongeant le regard dans l’obscurité du mur nord. Et elle pleura longtemps, silencieusement, retenant les sanglots par crainte d’être, au-dessous d’elle, dans la maison blanche, sinon entendue, devinée, découverte. Tout le discours de l’homme l’avait importunée, son comportement, ses excuses, sa sollicitude et cette fausse complicité. Lui qui l’avait assurée qu’il ne changerait rien dans la maison, qu’il la trouvait charmante ainsi ! Pourquoi était-elle revenue ? La mélancolie débordait d’elle ; elle lui lâcha la bride. Lavée de son chagrin, elle inspira profondément dans un soupir de soulagement, alors que dans le même instant, elle découvrait un point de lumière venu de l’endroit le plus éloigné d’elle, dans ce grenier vide et désolé. Elle s’y dirigea. Par terre, dans la poussière, une enseigne affichait en lettres noires sur un fond d’or patiné, le nom que son père avait donné à la maison quelques mois avant de mourir. « Les trois colombes ». L’avait-on vraiment oubliée ici au moment du déménagement ? Le propriétaire des lieux savait-il qu’elle se trouvait là ? Se pouvait-il qu’il ait deviné ce que venait chercher Solène quand elle-même l’ignorait ? Elle enfouit le bandeau rigide sous son blouson, soudainement réjouie, riant intérieurement de la rigidité de sa démarche, et s’éloigna rapidement de la maison, après un salut discret à l’homme debout sous les chênes centenaires.

Texte et photo : Marlen Sauvage
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Secrets de maisons 6 : Résidence du « Square Le Croisic »

22 dimanche Jan 2017

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On accédait à la résidence par un haut portail de fer forgé noir et or ouvrant sur un square (qui lui donnait son nom) planté d’un grand arbre – effeuillé en cet hiver précoce -,  de conifères rachitiques et d’arbustes buissonnants aux feuilles persistantes, vert pâle et crème, rouge et vert foncé. On se trouvait sur un boulevard de la capitale, à la fois populaire et chic, « middle class » selon la formule alors en vogue, où chacun dans le quartier pouvait se féliciter de vivre une vie de village et d’entretenir des relations de bon voisinage y compris avec les commerçants alentour. La façade de la bâtisse de cinq étages, trouée d’une multitude de hautes fenêtres, toutes protégées de balcons en fer noir et éclairées à la tombée du jour, racontait chaque soir l’histoire de ses occupants. Dans l’entrée qui nous intéresse, au n° 6, vivaient huit couples ou familles et une gardienne qui entretenait avec scrupule les parties communes, nettoyant à grande eau parfumée de menthe ou de tea-tree le carrelage des années cinquante, astiquant le miroir et son cadre doré, nourrissant l’unique plante verte, immense, qui trônait à gauche de la porte-fenêtre de son appartement.

Le jour de la troisième visite qui avait précédé l’achat d’un duplex aux grands volumes, aux plafonds moulurés, aux planchers de chêne blond, Clémence  était accompagnée de son fils de quatre ans, Eduard. L’enfant, d’abord impressionné par l’agent immobilier qui avait le verbe haut, se tenait sagement près d’eux, une main dans la main de sa mère. Comprenant que ce serait bientôt leur future maison, il s’enhardit à partir devant les adultes, tournant les poignées de porte, grimpant et descendant l’escalier menant à l’étage. Agacée, Clémence rappela Eduard près  d’elle et le petit garçon baissa le nez tristement vers le sol. Dans l’une des chambres à la cheminée de marbre gris, surmontée d’un magnifique miroir trumeau de deux mètres de hauteur, la chute d’un objet lourd surprit adultes et enfant. Rien ne se trouvant dans la pièce, tous trois restèrent interloqués, mais très vite l’agent immobilier invoqua les locataires du dessus : l’immeuble était ancien et bien que parfaitement insonorisé par ailleurs, il n’en restait pas moins que le conduit de cheminée unique pouvait résonner de chocs à proximité. On n’y pensa plus. Eduard se repéra vite dans les couloirs et cours intérieures menant à l’appartement, et sa mère le laissa finalement se familiariser avec les lieux tandis qu’elle discutait des dernières formalités de l’acquisition. En quittant la résidence, l’enfant sur ses talons, Clémence se félicitait de sa décision, elle en était même plutôt euphorique ; le jour fuyait et les lumières commençaient à illuminer la façade, elle se retourna vers le bâtiment quand elle aperçut la silhouette d’Eduard en grande conversation… avec personne ! Elle l’appela et le gamin courut à toutes jambes vers sa mère, « tu sais j’ai un ami, il s’appelle Riri. » Sa mère éclata de rire lui rappelant de ne pas importuner les gens ni de suivre les inconnus. « Oui mais lui il habite ici et quand moi je serai là on jouera ensemble. » Eduard se tourna alors et d’un geste de sa petite main salua Riri au loin. Clémence écarquilla les yeux, ne vit toujours rien et en conclut que son fils était riche d’un monde intérieur… à préserver.

Après leur installation au début de l’été, Eduard prit l’habitude de jouer dans un jardinet où il retrouvait Riri. Clémence le surveillait depuis la cuisine au rez-de-chaussée, s’inquiétant un peu de cette obsession, et comptant bien sur la prochaine rentrée scolaire pour régler le problème « Riri » avant que le petit Eduard ne fut complètement schizophrène ! Alors qu’elle le cherchait un soir pour le dîner, Clémence crut apercevoir une ombre près de son fils. Mais il s’agissait sans doute d’une plante en pot grimpant au mur de béton qui séparait la cour d’un autre espace de la résidence. Pourtant l’enfant répondait à quelqu’un clairement, et elle crut même l’entendre parler anglais ! Ceci la surprit d’autant plus qu’Eduard refusait de parler la langue de son père, répétant qu’il la détestait, ce qui pour Clémence signifiait toute sa frustration, son dépit, son chagrin d’être séparé de ce papa trop peu connu. Étrangement craintive, ce dont elle se surprit elle-même, Clémence se précipita pour arracher le gamin à cet extérieur devenu sombre et inquiétant.  Eduard, d’abord interloqué d’une telle violence, expliqua avec un grand calme à sa mère que Riri était inoffensif, et Clémence, levant les sourcils, se demanda si elle avait employé ce mot récemment pour que le petit garçon l’utilise aussi pertinemment. Il avait raison, après tout, Riri ne faisait aucun mal à Eduard puisqu’il n’existait pas ! Ce qu’elle confirma en anglais. Comme Eduard restait silencieux, elle insista. « Don’t you  feel like speaking English with me? » Eduard, buté, tapa du pied par terre, refusant et de répondre et d’avancer. Sa mère s’impatienta. Tirant Eduard par la main, elle sentit une force énorme s’interposer entre elle et son fils, qu’elle ne pouvait s’expliquer, mais qui maintenait son enfant dans une sorte de bulle à laquelle elle n’avait pas accès. Elle finit par céder, lâcha la main de son fils, lui demandant gentiment de l’excuser pour sa colère et de rentrer avec elle. Tout son corps tremblait inexplicablement.

« Je t’ai entendu parler anglais, Eduard », affirma-t-elle quand l’enfant fut de retour dans la cuisine, avec ce qu’il fallait de complicité pour le faire sourire, enfin, l’espérait-elle. Une casserole tomba du crochet où elle pendait et avant que Clémence ait pu la raccrocher, la série dégringola dans un bruit indescriptible sur le plan de travail. Eduard éclata de rire tandis que Clémence avait reculé, épouvantée. Elle vérifia les attaches et en conclut qu’elle avait heurté les casseroles en tentant de remettre la première. Mais sa raison commençait à être ébranlée. Eduard, lui, prenait un air mystérieux en fixant les ustensiles, ce qui agaça tellement Clémence qu’elle le gronda. Au même moment, un bruit sourd se fit entendre dans la pièce où Clémence  avait installé son bureau, celle à la cheminée de marbre gris. Elle s’y précipita et ne vit rien par terre, tout était en place. Elle sortit en vitesse, intimant à Eduard de rester sur sa chaise, monta à l’étage, frappant violemment à la porte de ses voisins auxquels elle demanda d’un ton exaspéré s’ils venaient de faire tomber quelque chose de lourd dans la pièce située au-dessus de chez elle. « Calmez-vous, Clémence, que vous arrive-t-il ? » Clémence expliqua les casseroles, le bruit répété dans la cheminée, bredouillant quelque peu, s’excusant de cette irruption dans leur  soirée, n’osant parler de ce qu’elle soupçonnait : « quelqu’un » intervenait contre elle des qu’elle grondait son petit garçon !

Redescendue chez elle, elle trouva Eduard sagement installé à table, sa frimousse adorable tournée vers elle qui, au bord des larmes, tentait de se ressaisir. Plus rien de notable ne se passa ce soir-là. Ni les jours suivants. Tout au moins Clémence cessa-t-elle de s’inquiéter pour ne pas céder à la panique. Elle emmena Eduard chez ses grands-parents la dernière quinzaine d’août  et en profita pour oublier ces désagréments.

A l’école Eduard se fit vite de petits amis qui furent ses invités aussi souvent que l’autorisait l’agenda de Clémence. La petite bande était connue des résidents de l’entrée n°6 qu’ils saluaient toujours poliment, leur proposant de partager leurs jeux, et chez qui au moment d’Halloween, ils allaient réclamer des bonbons le plus sérieusement du monde, Eduard y allant d’un « trick or treat » de plus en plus assuré  au fur et à mesure de leurs visites. Chacun félicitait Clémence pour la bonne éducation de son enfant et pour sa gentillesse.

Les années passèrent ; Eduard devint un collégien studieux, puis un lycéen engagé dans la vie de son lycée ; il maniait l’humour et la critique avec à propos et intelligence. Clémence en fit toutefois les frais au moment de sa « crise d’adolescence » ce qui leur valut de grandes discussions ponctuées d’éclats de voix invariablement suivis de chocs sourds dans la cheminée. Eduard gardait un air mutin qui agaçait prodigieusement Clémence, mais le jour où, exaspéré lui-même par la discussion, Eduard s’en prit à Riri, Clémence décida dans l’instant de l’emmener consulter un psychiatre et quelques mois plus tard, le jeune homme fut déclaré  « psychotique à tendance schizophrène », bien qu’aucun symptôme autre que les hallucinations auditives ne vienne alourdir le diagnostic.

Intelligent et travailleur, Eduard poursuivit d’ailleurs sans problème son cursus étudiant, se passionna pour l’informatique, le jazz, la randonnée et le saxophone jusqu’à ce qu’il quitte définitivement l’appartement de sa mère. Avec son départ cessèrent les chutes d’objets lourds dans la cheminée de marbre gris. Un an plus tard, à l’enterrement de la gardienne, Clémence découvrit que celle-ci avait une belle-famille anglaise, que son mari s’était appelé Henry, qu’avant le décès de ce dernier, tous deux avaient vécu dans « son » duplex durant des années et que Henry avait été  un passionné de bowling.

Au téléphone, elle raconta la cérémonie à Eduard, aujourd’hui installé en Angleterre. Elle le devina très ému, un grand blanc suivit l’annonce de sa découverte du passé de Madeleine Blanc, veuve  Green… Il s’excusa pour son trouble et rappela à sa mère ses moments de complicité avec celui qu’il appelait Riri, ses interventions quand elle le grondait et combien il s’était senti  désespérément seul de ne pouvoir confier ce secret à  quiconque, pas même à elle, enfermée dans son approche cartésienne de la vie, et hostile à tout ce qui pouvait sembler surnaturel, quand  tout cela lui paraissait faire partie de sa vie, de la vraie vie, souligna-t-il. Clémence raccrocha. Elle éprouvait le sentiment d’être  passée à côté de quelque chose d’essentiel, en tout cas à côté de son fils dans ses plus jeunes années. Se pouvait-il que l’on converse avec les morts, qu’il existe un univers parallèle accessible à certains et qu’Eduard ait été l’un d’eux ? Jamais elle n’avait prêté la moindre croyance à de telles thèses et l’émotion de son fils la bouleversait.

Elle ruminait tout ceci quand, mue par une pulsion qui la surprit elle-même, dans une urgence inexpliquée, Clémence, munie d’un marteau et d’un burin, se mit à  détruire la paroi de briques qui protégeait l’âtre de la cheminée de marbre gris. C’est presque sans surprise qu’elle découvrit alors un jeu de quilles et une énorme boule de bowling.

 

Texte et photo : Marlen Sauvage

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Secrets de maisons 5 : Route de Poisson

30 vendredi Déc 2016

Posted by lecuratordecontes in Marlen Sauvage

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C’était une vraie retraite. Retraite de leurs emplois respectifs, retraite de leurs habitudes et d’un mode de vie trentenaire, retraite loin des paysages marins pour s’enfoncer dans le centre du pays, à l’inverse de tous les couples de  leur âge… Que n’avaient-ils entendu sur la douceur de cette côte qui apaiserait toutes leurs douleurs de vieillards… Mais la perte de leurs plus chers amis précipitait cette fuite et à soixante-sept ans, ils s’estimaient encore assez jeunes pour venir bourlinguer le long des côtes si le cœur leur en disait. Ils quittèrent donc leur petite maison de bord de mer, presque sans regret, après l’avoir vendue à une famille charmante et filèrent vers le centre de la France. C’est là qu’Elle avait ses attaches. Dans cette région verdoyante, humide et fraîche au printemps, vallonnée, aux vaches paisibles et rousses. Revenir au pays, c’était en quelque sorte retrouver les copains de l’enfance, les souvenirs enfouis, les balades de jeunesse, se reconstruire des amitiés quand celles de la vie active venaient de disparaître. On les attendait ailleurs. La famille pourtant allègrement oubliée pendant toutes ces années de travail et de vie loin de ce coin de France, avait spontanément proposé qu’ils viennent vivre dans une maison inhabitée depuis des années, que l’on se refusait à mettre en vente on ne savait plus trop pourquoi, et qui se tenait sur la  route de Poisson.

Route de Poisson, Elle trouva le lieu plus sinistre que dans son  souvenir. Le virage, d’abord, dans lequel  se tenait la maison. Comme si la route avait été découpée au ras des murs. Le pignon aveugle protégé par un haut grillage triste. Les jardins en friche de l’autre côté de la route. Les champs autour à l’abandon. Pas de voisins, ou suffisamment loin pour se sentir isolés. Ils avaient l’habitude d’une vie de village et la proximité des gens ne les importunait pas. En ce mois de septembre et de brouillard, tout était enveloppé de refus. Ici ils ne se sentaient pas attendus mais ils feraient avec, le temps au moins de trouver un gîte plus accueillant. Harassés par le voyage, ils déposèrent leurs bagages dans l’entrée sombre, sas entre l’extérieur et la salle à manger traditionnelle, avec sa cheminée et ses meubles style Henri II. Elle se souvenait être venue ici enfant visiter une vieille tante, puis plus tard une de ses filles aujourd’hui décédée. Tout était resté en l’état, le mobilier, les rideaux, la vaisselle qu’Elle inspectait en ouvrant les portes du buffet massif. Elle ferait le ménage là-dedans plus tard. Pour l’instant, il s’agissait de grignoter un morceau de poulet froid et d’aller se coucher. La chambre à l’étage avait été préparée par une cousine bienveillante et ils se glissèrent avec lassitude dans des draps de lin usé.

Le lendemain et les jours suivants, absorbés par leur installation, ils trompèrent la sensation de lourdeur qu’ils éprouvaient dès leur retour dans la maison en s’activant ici et là. Elle changea tous les rideaux, enleva les tableaux aux murs – des scènes de chasse, des fleurs délavées  – et dégagea la vue de ce qui pouvait l’encombrer, installa quelques plantes  tandis qu’il réparait une étagère ici, redressait un volet là,  nettoyait le foyer de la grande cheminée. Quoi qu’ils fassent, l’escalier qui menait à l’étage et aux chambres restait invariablement raide, il usait leurs genoux et craquait sourdement. Les plafonds aux poutres basses menaçaient de les assaillir et c’était  pire encore une fois couchés. La vue sur le paysage en cette saison était bouchée du matin au soir, prise dans une ouate grise et sale qui leur tirait un soupir solitaire, car l’un et l’autre tentaient de faire bonne figure. Ils végétaient dans cette nouvelle vie, sans plus de goût à rencontrer Pierre ou Bernard, Ninon ou Monique, terrassés par un choix qu’ils regrettaient amèrement.

Un matin à l’ouverture des volets de la cuisine, au rez-de-chaussée, Elle trouva une botte de poireaux, quelques carottes et du persil enveloppés dans du journal. Jeta un œil au dehors, vers la route. Au loin  de ce côté Elle  apercevait le pont du chemin de fer. Pas de quidam. Pas de maison. Elle prépara une soupe, émue de ce présent. Un cadeau de bienvenue ? Quelques jours plus tard, Elle ouvrit un paquet de blettes, le surlendemain quelques pommes de terre, une autre fois un bouquet d’herbes du jardin, une boîte d’œufs frais. Et toujours personne à remercier.

La vie passa. Avec ses retrouvailles, ses rencontres, ses rituels. Ils ne s’habituaient pas à la maison grise, ainsi l’appelaient-ils, et cherchèrent un autre lieu de vie. Le seul moment de lumière restait cette offrande déposée sur le rebord de la fenêtre. Un jour, alors qu’Elle s’était levée plus tôt, elle entendit le son léger du portail sur la rue. A peine eut-elle le temps d’entrouvrir le volet et d’apercevoir une silhouette frêle s’enfuir à pas menus. Elle la décrivit pour le peu qu’elle en ait vu à une cousine proche, laquelle leva les yeux au ciel. Agaçait-elle le monde avec ses questions ?

Leurs recherches en vue de trouver une autre maison aboutirent enfin et ils se préparaient à un nouveau déménagement quand ils réalisèrent qu’aucun légume ou fruit n’apparaissait plus à l’ouverture des volets. Quinze jours passèrent. Au village voisin, on célébra l’enterrement d’une Amélie L., ce qu’Elle apprit par le journal et la rubrique nécrologique. Le nom l’interpela. Il était dans la famille, Elle en était certaine. C’était plus fort qu’elle, il fallait retrouver l’arbre généalogique enfermé dans un carton et vérifier son intuition. Une Amélie L. y apparaissait quatre vingts ans auparavant comme la fille orpheline d’une lointaine tante, veuve, puis morte dans l’année suivant la naissance de cette enfant. Un rapide calcul laissait entendre que le père n’avait pu être le mari décédé.  Elle imaginait l’opprobre dont avait dû souffrir la jeune mère enceinte – traitre à la famille, grue, femme de mauvaise vie… Selon sa généalogie, Amélie ne s’était jamais mariée et restait sans descendance. Une case isolée sous un seul nom de famille aujourd’hui tombé dans l’oubli.

Une anecdote lui revint alors en mémoire : elle avait six ou sept ans et visitait leur tante dans cette même maison, avec ses parents, pendant les fêtes de Pâques (on avait fait rouler des œufs colorés sur la pente du terrain de l’autre côté de la route) ; une jeune fille maigrichonne l’avait consolée d’avoir brisé le sien pendant le concours. A l’écart de la famille, elles avaient parlé longtemps toutes les deux, et Elle avait appris la façon dont on colorait les œufs en les cuisant dans de la pelure d’oignon, dans des betteraves ou dans des épinards… La voix douce de sa tante avait renvoyé la jeune fille. Elle avait crié, pleuré, s’agrippant à celle qui semblait tout comprendre de son chagrin et la traiter comme une vraie personne. Son prénom résonnait à ses oreilles… Pourquoi ce souvenir surgissait-il ? Qui était-elle ? Plus jamais Elle n’avait revu la jeune fille dans la famille et Elle avait fini par l’oublier. Qui pourrait la renseigner ? Il ne restait en dehors des cousines – qui de toute évidence ne se souvenaient de rien ou ne voulaient pas se souvenir – qu’un oncle reclus dans une maison de retraite voisine, Jean. Ce qu’elle apprit de cet homme fut édifiant… Âgé de  quatre-vingt-trois ans, il était le plus jeune frère du père adoptif d’Amélie qu’il avait toujours connue, aimée, et voulu épouser au grand dam de la famille tout entière opposée à cette éventualité. On n’épousait pas une cousine même « cousine par alliance ». Il avait fini par se marier avec une jeune fille de bonne famille dont il ne dit rien de plus, mais son regard vague l’emmenait vers Amélie, Elle en était certaine. La tante, qui avait adoptée Amélie à la mort de sa mère et l’avait toujours protégée de la jalousie de ses propres enfants nés après elle, avait inscrit celle-ci sur son testament, demandant que la vente de la maison lui rapportât la même somme au partage qu’à chacun d’entre eux. Durant des années après la mort de la tante, la maison vit passer les uns et les autres, les abritant quelques mois – ils étaient cinq – voire quelques années pour la dernière habitante, la fille aînée de la fratrie. Jamais il ne fut question de vendre la maison car rien ne devait échoir à cette fille de rien ! Amélie venait de mourir seule au monde. On disait d’elle qu’au fil du temps et d’une vie sans amour, elle était devenue « beurdin », cinglée… Jean reconnaissait dans les cadeaux de légumes et d’œufs la simplicité d’Amélie. Il avait bravé les interdits tenaces en se rendant à la messe d’enterrement. Personne d’autre que lui n’avait suivi le cercueil jusqu’à sa mise en terre. Il n’attendait plus que la mort pour finalement rejoindre celle qu’il n’avait pas eu le courage d’aimer au grand jour. La maison pouvait aujourd’hui être vendue…

Mais une question subsistait… Se pouvait-il qu’Amélie ait su qui Elle était et voulu par ses présents lui rappeler leur lien tendre et fugace ? Se pouvait-il qu’elle n’ait rien oublié ?

Texte et photo : Marlen Sauvage

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Secrets de maisons 4 : 9, rue des Clottins… épisode 2 et fin

11 dimanche Déc 2016

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Secrets de maisons

C’était un pistolet Manufrance, elle en reconnaissait le sigle sur la poignée noire, le M majuscule dont la jambe droite constituait la barre verticale du F, le tout entouré d’une couronne de lauriers. Un modèle compact très léger… Pour elle, cachée ici sous le plancher, c’était l’arme d’un résistant qui avait refusé de la rendre comme l’exigeaient les autorités après la Seconde Guerre mondiale. Un appel téléphonique à son grand-père maternel confirma son hypothèse. Après qu’elle eût renseigné les dimensions de l’engin et du canon, décrit les plaquettes finement quadrillées, il lui précisa qu’il s’agissait très probablement d’un pistolet automatique, un modèle dit Le Français, un 6,35 mm d’environ 300 g, issu de la manufacture d’armes de Saint-Etienne, très utilisé par la Résistance durant cette période de l’histoire. Et, en l’occurrence, non neutralisé : il pouvait donc encore fonctionner. Elle n’avait pas retrouvé de cartouches, mais il restait encore une bonne partie du plancher à enlever ! « Quelqu’un ici a dû être membre d’un réseau et pour des raisons sentimentales ou patriotiques, a conservé clandestinement ce pistolet… ce qui finalement est plutôt une bonne destinée pour une arme de maquisard ! », avait conclu son grand-père. Et plus sérieusement, il avait ajouté : « Tu détiens donc illégalement une arme de guerre, ma chérie ! » Qu’en faire ? Si elle n’affectionnait pas spécialement les armes à feu, elle n’en avait pas non plus une peur telle qu’elle craignît de la conserver chez elle. Elle décida donc de ne rien décider, trouvant même plutôt amusant que sa petite maison ait abrité pareil trésor durant d’aussi longues années.

En revanche, que le malaise de son voisin semblât lié à cette découverte la tracassait. Elle comprenait mal ce qui pouvait l’avoir mis dans cet état. Un souvenir dramatique de cette époque ? Ou cela n’avait-il été que coïncidence ? Elle avait surpris les prémisses d’un malaise lui semblait-il… Ayant fourni aux pompiers les coordonnées de Myriam, la fille de Michel la plus proche géographiquement, elle espérait que celle-ci ait pu se rendre à l’hôpital. Alors qu’elle pensait à l’appeler pour prendre des nouvelles de son père, elle rassembla les feuilles de journal jauni qui emballaient le pistolet et tomba en arrêt devant une photo en noir et blanc d’un pavillon des années trente tels qu’il s’en était beaucoup construit dans cette banlieue nord de Paris et ailleurs. Un pavillon comme le sien. Elle était certaine de le reconnaître. C’était celui situé au 7 de la rue des Clottins, celui qu’occupait Michel. On distinguait dans le prolongement de la maison la proéminence de la quincaillerie voisine – sa propre maison aujourd’hui – dont on pouvait d’ailleurs lire les premières lettres de l’enseigne et apercevoir la grille de la vitrine. En légende de la photo était mentionné : Le pavillon du crime. Elle sursauta. Elle lissa de ses mains le journal froissé pour parvenir à lire le fait divers raconté dans la demi-colonne, qui annonçait la suite de l’enquête menée dans la petite ville de M. après le meurtre non élucidé de Madame Suzanne A. C’était son fils de dix ans, Alain qui, rentré de l’école avait prévenu les secours. Alain… le prénom du fils aîné de Michel… ou plus exactement de Suzanne. Son cœur battait à tout rompre, elle chercha la date du journal et découvrit qu’il datait de… 1954 ! D’après les premiers résultats de l’enquête, la mère de l’enfant avait été tuée le jeudi précédent en début d’après-midi d’une balle de révolver, la maison ayant été retournée, laissant imaginer un cambriolage, quelques économies avaient été subtilisées ainsi qu’un coffret de bijoux et ni le criminel ni l’arme du crime n’avaient au moment de l’article été retrouvés. On racontait encore que les voisins les plus proches avaient été entendus dans les locaux de la gendarmerie, et lavés de tout soupçon, disposant à cette heure de la journée d’un alibi de poids : ils déjeunaient comme chaque jeudi au café de la gare, en compagnie du maire du village, et n’ouvraient leur magasin qu’à 15 h 30.

Marion savait que Michel devenu veuf avec deux garçons de 10 et 4 ans, s’était remarié à la fin des années 50. Son corps était traversé d’un long frisson. Lui revint en mémoire le regard de Michel lors de sa toute première visite avec l’agent immobilier : elle s’était demandé pourquoi cette insistance à la dévisager de l’autre côté de la haie du jardin. Il y avait six ou sept ans de cela, elle en avait conclu qu’il était bien normal de s’inquiéter de ses nouveaux voisins. Aujourd’hui, elle décelait autre chose dans ce regard, dans le souvenir de ce regard… Elle comprenait mieux pourquoi Michel avait tellement vanté la qualité du parquet de chêne, pourquoi il avait été réticent à le démonter… Bref tout lui semblait clair à présent. Elle ne parvenait pourtant pas à comprendre comment l’arme du crime avait pu se retrouver cachée sous le plancher… Avec la complicité du quincailler ? Le couple était mort, la veuve ayant rejoint son mari dans la tombe dix-huit mois auparavant…

« Mais qu’est-ce que je raconte ? Où est-ce que je divague comme ça ? Qui me dit qu’il s’agit de l’arme du crime ? Tu es complètement folle ma pauvre fille ? » se morigéna-t-elle en replaçant le révolver dans son emballage d’origine.

Une fois le parquet entièrement démonté, elle y avait passé des heures, sans trouver d’ailleurs de cartouches ni de balles, elle dîna d’un morceau de fromage et de pain. Dans son lit, elle poursuivait malgré elle ses élucubrations quant à l’histoire du meurtre, ne voyant décidément pas en Michel un assassin potentiel. Mais qui saurait jamais ce que cachait une personnalité, une vie, quels secrets les uns et les autres emportaient dans la tombe ?

La réponse à cette énigme lui parvint le lendemain soir avec la visite de Myriam. Née du deuxième lit et seule enfant du nouveau couple, Myriam souffrait de dépression chronique depuis la mort de sa mère deux ans auparavant. Bien que mariée, mère elle-même, elle ne parvenait pas à « tenir debout », expliquait-elle dans un désordre de gestes et de grimaces. L’appui inconditionnel de sa mère lui manquait. « Mais vous avez votre père, Myriam, il est si seul… »

Myriam raconta ce qu’elle n’avait pas connu ou dont elle n’avait que des souvenirs lointains : l’homme jaloux du premier fils de Suzanne, le père trop jeune qui avait eu son premier enfant à dix-neuf ans l’année de sa rencontre avec elle – sa tendresse excessive pour elle qui l’avait éloignée de la fratrie, les horreurs débitées par les frères au moment de la mort de sa propre mère, insinuant que « les meilleures partaient toujours en premier. Papa en avait été malade, il aimait ma mère, elle l’avait sauvé du pire. C’était une femme exceptionnelle. » Du pire ? « Oui, du suicide après la mort de Suzanne dans des circonstances terribles (Marion approuva malgré elle), tuée d’une balle de révolver en plein cœur… Son adorée, tuée par un… par un… maquisard. » Un homme qui s’était livré à la police une quinzaine de jours après le meurtre.

Marion apprit alors le passé de Suzanne, tondue, la croix gammée peinte sur le crâne, Suzanne ayant échappé à un lynchage, « la pauvre, tout cela pour avoir aimé un Allemand » répétait Michel quand il en parlait à sa seconde femme… « Pour lui avoir livré un homme », répliquait alors celle-ci. « Suzanne avait cinq ans de plus que mon père, mais elle était pour lui une femme-enfant, et il jugeait qu’à dix-huit ans, dans la tourmente de la guerre, elle avait payé suffisamment pour cette faute de jeunesse, ayant dû fuir à Paris à la première occasion, loin de son village, loin de sa famille. » Mais un ancien résistant l’avait retrouvée, traquée, tuée chez elle… la guerre n’était pas encore si loin… Michel avait eu à affronter l’opprobre du village. Suzanne avait jeté le doute sur lui, mais il ne lui en avait jamais voulu. Les deux garçons en revanche lui avaient toujours reproché de ne pas avoir fui, d’avoir subi le regard gêné des autres enfants quand ce n’était pas leur cruauté. Myriam confirma le passé de résistant de l’ancien quincailler, voisin du couple.

Ainsi le malaise de Michel s’expliquait-il. Il n’avait pas déballé l’arme… C’était la seule vue du journal qui avait provoqué son évanouissement, la confrontation avec un souvenir dramatique conservé par un voisin qui avait connu la victime, sa Suzanne… et peut-être aussi d’ailleurs le meurtrier… Qui sait quel secret on emporte dans la tombe ?

FIN

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Texte et photo : Marlen Sauvage

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Secrets de maisons 3 : au numéro 13 d’une route de banlieue

08 mardi Nov 2016

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Secrets de maisons

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Je me souviens d’un décor bucolique coincé entre les immeubles et les villas à l’architecture hétérogène d’une ville de banlieue parisienne. Une route passante longeait la haie d’enceinte et les freins des voitures au feu rouge rythmaient le pouls de sa fréquentation. Cet après-midi là pourtant le silence envahissait le quartier dans une chaleur de plomb. La petite maison en bois vous accueillait sous son auvent de verre. Mais avant de passer le seuil de l’entrée, vous pouviez apercevoir sur la gauche la véranda aux vitres étroites enchâssées dans des rails de métal, le massif d’hortensias, l’allée de cerisiers et de pommiers, la tonnelle où trônait une table en béton, le petit bassin vidé de son eau décoré de mosaïques, et deviner à l’arrière l’étendue du jardin. La maison portait le numéro treize. C’était un quatorze juillet, je t’y avais suivi.

Je marchais dans les pièces où avait vécu une famille d’Italiens. Je regardais les moulures au plafond, les murs de bois recouverts de toile de jute, la marque sur le sol d’une ancienne cheminée, deux lits superposés où dormaient les garçons, la chambre des quatre filles au papier peint passé fleuri de marguerites… La petite cuisine sentait le vieux et le sale, plus personne ne vivait là depuis la mort des parents. Le carrelage éteint aux motifs bleus et blancs entrelacés dans un losange rouge avait dû vibrer de couleurs éclatantes et résonner des talons hauts des aînées de la fratrie. J’ouvrais un placard puis un autre, leurs portes de bois peint jadis aux tons de crème aujourd’hui grises et écaillées. La vaisselle pauvre multipliait les assiettes dépareillées, les bols ébréchés, les verres empilés. J’en prenais un pour boire, le chiffre dans le fond m’évoqua nos jeux d’enfant : il décidait de notre âge et il suffisait ensuite de se comporter selon celui-ci. L’eau avait un goût prononcé de chlore. J’étais la première que tu invitais dans cette maison, je mesurais le cadeau qui m’était offert, je me demandais si j’aimerais vivre ici.

Jouxtant la cuisine, la chambre des parents dont l’unique fenêtre ouvrait sur la salle de bains m’émut par la tristesse qui en suintait. C’était là sans doute que tu avais été conçu. Le lit défait accusait le poids de ton sommeil de la veille, rien dans cette maison ne mentait sur son âge…

Il n’y avait pas de salle à manger, un canapé tenait lieu de salon dans le fond de la cuisine face à une télévision posée sur un meuble blanc. Je pris la porte à droite qui menait à la salle de bains éclairée par la lumière venue du jardin, la baignoire était vieille aussi, le rideau de plastique rose et craquant. La porte du fond menait à une sorte de buanderie biscornue où un court escalier de bois grimpait vers un grenier minuscule. J’y montais pour découvrir une malle en planches dont j’appris plus tard qu’elle était celle du grand-père parti en Australie courir sa chance. Les livres à l’intérieur portaient tous le nom de ton frère. Je ne posai aucune question. La malle parlait pour lui.

Je réalise aujourd’hui que cette maison, contrairement aux autres, ne m’a prévenue de rien. A aucun moment de cette première visite, elle ne m’a mise en garde contre cette vie que je croyais être la dernière. Il y a seulement ce numéro treize que j’avais feint d’ignorer.

Je reviens en pensée sur ces lieux maintenant que la vie n’a pas tenu ses promesses et que je ne peux plus en douter. J’y reviens seule avec dans la tête un bruit infernal de voitures, et dans les yeux la haie de buis qui a fait place à un mur crépi, le numéro treize éclatant de blanc sur un carreau d’émail bleu. A l’intérieur, protégée de la furie de la ville, j’embrasse tout, la vie d’avant, le puits et sa margelle, le noyer aux branches trop basses, la cabane au fond du jardin, les salades dans leur clôture, les poules en liberté, les clapiers vides, le linge suspendu aux branches des arbres du verger, la présence de la maman que je n’ai jamais connue.

J’avais plongé tête la première dans cette vie où pour seul héritage tu avais me disais-tu le vieux vélo de ton père posé contre le grillage. Durant ces années, nous avons bu à toutes les sources, dévalé toutes les montagnes, nous nous sommes baignés dans des lacs au petit matin, nous avons dégusté des pâtes aux cèpes en Italie, promené nos âmes dans Arcumeggia, ri et pleuré à Polperro, vu des films nordiques à Rouen, dégusté du chocolat à Lille, déambulé dans Arles et Sète, volé des petites cuillères dans les bars d’Irlande, retrouvé notre adolescence à l’Ecole d’arts d’Orléans, vu naître des rhinocéros et des papillons, suivi Teresa quelque part en Ombrie sur les traces de Bellet, adoré (moi) et détesté (toi) Rony Brauman, grelotté de froid dans le dernier train de banlieue qui nous ramenait chez nous après le théâtre à Saint-Denis. Tu m’inondais de carnets remplis de photos de moi, tu m’appelais ta Madone, tu t’étonnais de ma fantaisie à déposer des cuticules de fraise sur des oranges, et puis voilà treize ans avaient passé.

Tu avais refermé la porte derrière nous mais un jour tu t’étais enfui. Alors j’avais couru pour entrer dans une autre maison. Elle portait le numéro 9.

Texte et photo : Marlen Sauvage

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