Christine Jeanney – Hopper ou « la seconde échappée »

ISBN : 978-94-92285-14-0
53 pages  18/24 cm

La Préambule de Christine Jeanney

Edward Hopper est souvent décrit comme le peintre de la solitude, de la mélancolie, et c’est sans doute vrai mais, loin d’être seulement nostalgique (et encore moins décoratif) il sait investir des territoires autrement plus centraux, et dangereux. L’énergie est violente sous le calme apparent des constructions, avec ces couleurs froides qu’il affectionne. Ce sont ces lieux que je tente de rejoindre ici.

La seconde échappée commence avec l’écriture du premier texte, La Lettre. J’ai cru comprendre, à mesure que je l’écrivais, quelque chose sur les rapports entre temps et peinture, et c’était dû à cette rencontre spécifique, celle de ce temps-là avec ce peintre-là.

Ensuite j’ai observé d’autres tableaux sous ce même angle, en essayant de conforter mon hypothèse : Hopper s’emparerait d’un temps autre, temps décalé auquel, sans lui, nous n’aurions pas accès. La seconde qu’il peindrait, arrêtée dans l’espace, flotterait en surplomb ou creuserait un souterrain sous le temps usuel, le temps banal, celui que nous percevons d’ordinaire. Cette seconde, bien minuscule vue de l’extérieur, serait réellement gigantesque, car elle appellerait à elle de grands pans de ce monde, et bien plus, par capillarité.

Ainsi, nous pourrions voir sur chaque tableau des secondes arrêtées, aimantée, des secondes-bulles, chacune porteuse d’un moment de vie supplémentaire qu’Edward Hopper saurait rendre visibles, comme il aurait la capacité d’augmenter notre quantité d’air respirable.

Cette seconde échappée existerait, hors temps, mais disponible – quelle chance –, voilà ce que j’ai voulu écrire.