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Le feu les regardait. Leurs yeux, flammes et braises. Le feu ne pouvait entendre l’échauffement de leurs voix. Le feu n’a pas le goût d’entendre, il brûle les mots. Le feu a trop à faire. L’humaine condition n’est pas son lot. Il se sait accessoire et tient seulement sa place. Mais le feu les regardait pourtant. Ils regardaient le feu et le feu était reconnaissant. Ils avaient posé quelques branches sèches sur son corps et de belles bûches attendaient calmement pour le nourrir encore. Eux, ils riaient. Ces rires sans contraintes dont on ne sait d’où ils viennent. Que l’humain puisse rire, c’est mille rédemptions. Ils s’étaient déchaussés et, les polaires tombées, ils se demandaient quel alcool accompagnerait justement le thé qu’ils avaient décidé d’infuser. La maison dormait encore. Dehors l’aube disposait du bâillement du jour. Elle disait : -« Je n’ai plus froid ». Il répondait : -« Le froid aussi est comme une écriture ». Et le silence qui s’ensuivait les faisait se reconnaître encore. Ils buvaient ce silence comme peut se boire le silence quelquefois. L’alcool n’étant plus nécessaire, alors seulement le thé. Deux tasses, deux voix. Ou deux silences. A la mesure du feu, à la mesure des voix tues et des chuchotements des pensées, le jour venait combiner d’autres ombres aux cendres diffuses de la nuit.
Le jour réveilla la maison. Des enfants apparurent. On mit de l’eau à chauffer pour le café. Des voix encore gorgées de sommeil. Jamais ils ne se revirent.
Texte : Zakane
Photo: Yokota Daisuke