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~ refuge pour les dépaysés

Les Cosaques des Frontières

Archives de Tag: Maisons

Maisons dans lesquelles des enfants et des fleurs ont poussé comme de mauvaises herbes… /4 La manivelle

10 dimanche Mai 2015

Posted by lecuratordecontes in Christine Zottele

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Maisons

Marcel

On n’y va pas pour écrire.

On sait très bien que le miracle du vin transformé en encre n’aura pas lieu, en tout cas pas ce jour-là (pourtant dans l’église, on peut lire sur une banderole que « Jésus est ressuscité, qu’il est vraiment ressuscité »). On y va pour autre chose. « Aujourd’hui fête et demain le hasard » comme dans la chanson. Des forbans, la maison en est pleine. C’est une maison ouverte aux forbans et aux quatre vents, aux décoiffés assoiffés et plus simplement aux potes du propriétaire (appliqué à lui, le mot sonne bizarre) de la Manivelle.

On y retrouve bien sûr les Marseillais, rarement les premiers jamais les derniers. Ils ont quand même fait plus de cinq heures de route pour retrouver ce loup de scène (plus que de mer) qui les a conviés au baptême officiel de cette maison. On retrouve pas mal d’habitants des planches et quelques amis de jeunesse, issus de la même ville des origines de l’amitié. On déplore l’absence des Normands, qui au dernier moment n’ont pu venir (car on meurt et on enterre aussi ailleurs). On se réjouit de retrouver un nouveau venu –ancien perdu de vue – déjà conquis par le lieu et sa faune (on n’emploie pas le mot péjorativement).

Pourquoi on s’invite-t-il ? On n’est pas le préféré. On n’est pas je, c’est déjà ça. Mais pourquoi pas nous ? Parler de La Manivelle sans nous serait comme parler d’une coquille vide. Mais on s’est invité, on ne sait pas pourquoi. On restera un mystère. On enlèvera même les italiques. Comme ça. Parce que c’est compliqué tous ces signes, cette infinité de signes. Sans compter les signes qu’on ne sait pas déchiffrer. On ne sait pas pourquoi. On essaiera de trouver un sens à tout ça plus tard après la fête.

On se retrouve tous donc à la Manivelle. Certains sont là depuis la veille et repartiront le lendemain. D’autres restent seulement pour la soirée. Les Marseillais resteront quelques jours, au moins deux nuits. On peut dormir à une quinzaine mais on n’est pas venu là pour dormir. On est venus dans cette ancienne menuiserie pour retrouver un ami. Un vieil ami aux cheveux blancs depuis longtemps. Qui a fait depuis peu son lieu de vie ici dans le Quercy, après plusieurs années à Marseille et d’autres ailleurs. Dans le village, on l’appelle Manivelle, par homophonie avec son nom, sans doute, mais aussi parce qu’il n’est pas le dernier à donner un coup de main. Habile de ses mains, c’est bien utile quand on est metteur en scène d’une compagnie itinérante, ce qu’il est. Il faut voir les structures polymorphes de L’Île au trésor ou de l’Or m’a ruiné par exemple. C’est un bon comédien – qui joue les cabots mais qui n’en est pas un, il ne cabotine pas, il joue. Depuis deux ans il fait des travaux dans sa maison et dans l’ancien atelier qui va devenir lieu de répétition et espace scénique pour les groupes musicaux et compagnies théâtrales.

On fête l’inauguration de La Manivelle. On adhère à l’association en mettant sa tête dans le trou pour se faire tirer le portrait. Le fond vert du décor représente une carte d’adhérent avec NOM, Prénom, N° d’adhérent en grosses lettres noires et tout en bas en petites lettres l’adresse de l’association et le dessin d’une manivelle. On met sa tête dans le cadre et on tient le bord – on voit la main. La photo est tirée tout de suite. On a un numéro sur sa carte d’adhérent mais on n’est pas un numéro. Numéro 21 discute longtemps avec numéro 6, qui n’est pas le prisonnier de la Manivelle. La bulle ne va pas l’envelopper pour l’empêcher de s’échapper. Il s’est évadé déjà de l’ordinaire des jours. Il a rencontré des gens extraordinaires, comme Marcel, le gars de Ras le bol qui fait de la soupe une fête (sa soupe aux panais, au cœur de la nuit… vous engloutit) ou Colombe la voisine d’en face ou l’un des (au moins) trois Alain. On va d’Alain à l’autre et on s’oublie enfin.

On ne va pas écrire à la Manivelle. Ou alors plus tard. On se contente de se contenter, de se sustenter, d’écouter musique et paroles d’ivresse. On ne s’occupe pas de déchiffrer les signes. Ici, les signes du destin, s’ils existent, ne font pas signe. Le destin signera de son nom plus tard et ailleurs. Le lendemain de la fête, c’est encore la fête ; il reste encore du vin. Le tonnerre gronde, la pluie tombe et sur la terrasse, il y a une guitare qui circule de main en main. Car il y a encore des musiciens et des voix. Ça chante de vieilles chansons comme celles de Nino Ferrer (qui a vécu non loin d’ici) et c’est vrai… On dirait le Sud… Le temps dure longtemps… Et la vie sûrement…

On chante aussi le Forban « Aujourd’hui fête et demain le hasard ». Le hasard fera tomber un ami, un qui n’est pas venu à la Manivelle. Qui n’y viendra plus.

On n’y vient pas pour écrire. Mais la Manivelle vous aide à redémarrer et rouler encore un petit bout de route. Elle porte bien son nom.

Texte : Christine Zottele
Image: Marcel, truculent faiseur de soupe au panais

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Maisons dans lesquelles des enfants et des fleurs ont poussé comme de mauvaises herbes… /3 L’hébergerie

20 lundi Avr 2015

Posted by lecuratordecontes in Christine Zottele

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Maisons

French junior high students follow a geography lesson taught with a digital touch blackboard at the Rene Cassin school in Tourette Levens, near Nice

Qui sont les Thénardier ?
– Un couple qui tient une hébergerie (lieu où l’on héberge des voyageurs et des enfants) – réponse d’une élève de 4e à un questionnaire sur Les Misérables de Hugo –

N’entre pas qui veut dans l’hébergerie. Et pas n’importe comment. On n’entre pas sur la pointe des pieds dans l’hébergerie mais avec des rires et des voix haut perchées pour chasser les dernières bribes de rêves de la nuit quittée à peine. Il faut mesurer moins d’un mètre cinquante pour avoir le droit d’y pénétrer. Les grandes jambes aux yeux fatigués restent à l’extérieur des grilles qui se referment sans état d’âme à 8 h 30. Seules quelques grandes jambes privilégiées et sans danger sont autorisées à accompagner les enfants dans leur deuxième maison. Ce sont elles aussi qui doivent les aider à s’élever, à devenir eux aussi de grandes jambes bien pensantes et qui marchent sur le chemin qu’elles auront choisi. Les grandes jambes n’ayant pas une logique toujours très logique ne sont pas appelées « éleveurs » mais « maîtres » ou « maîtresses ». Ça ne nous dérange pas et ça leur fait plaisir alors nous les appelons ainsi. L’hébergerie est divisée en plusieurs pièces, appelées salles de classe, abritant chacune une division de 25 élèves à peu près. Chacun d’entre nous se dirige vers sa salle et s’installe. Pas besoin de consulter le tableau des métiers, nous savons tous ce que nous avons à faire.

Je suis le « distributeur » : je distribue un message destiné aux grandes jambes pour les informer de l’absence de cantine demain (grève). Nous sortons nos affaires et commençons le rappel de tout ce qu’on a fait en grammaire depuis le début de l’année. Nos doigts se lèvent, nos corps se déplacent au tableau blanc, nos mains tracent le schéma de la phrase, nous phrasons sans problème maintenant. La maîtresse nous admire, cela se voit dans ses yeux et s’entend dans ses paroles. Nous l’aimons bien, jamais nous ne la rabaissons par des remarques désobligeantes. Pourtant elle pose beaucoup de questions comme si elle avait tout oublié… Nous lui répondons toujours. La mémoire retrouvée, elle nous apprend les métiers des adjectifs : attribut ou épithète. Nous cherchons des exemples sur l’ardoise. Nouvelle chorégraphie : lever de doigts, lever de chaises, levée de boucliers quand la maîtresse annonce qu’on n’aura pas le temps de faire bibliothèque et informatique ce matin. Le temps passe trop vite et l’on doit absolument faire le conseil. Nous sommes des enfants responsables alors nous baissons les boucliers.

À l’ordre du jour, nous devons régler le problème du financement de la sortie à La Ciotat et du sentier sous-marin. Si l’on prend tout ce qui reste de la coopérative il ne reste plus rien et l’on a prévu aussi une sortie de vélo à Ansouis avec un arrêt à l’Art Glacier (prévoir 110 euros pour déguster ces merveilleuses compositions de crème glacée artisanale). Après un vote à main levée, nous sommes tous d’accord pour vendre des gâteaux et faire participer les parents. Zoé, aujourd’hui présidente du conseil, rappelle qu’avant la récré, il faut ouvrir la boîte. Depuis un mois, elle déborde de papiers sur lesquels on a écrit nos remarques et suggestions : « Arrêter de faire entrer les fils de maîtresses avant que ça sonne », « faire informatique plus souvent », « acheter des fleurs pour le jardin », « séparer Mathieu et Fiona »…

Après la récréation, nous formons des petits groupes pour représenter le système solaire sur une feuille A3. Depuis l’éclipse, nous observons le mouvement du soleil en dessinant à des moments différents l’ombre portée d’un poteau dans la cour, par exemple. J’appartiens à un groupe très calé sur la question. Nous dessinons la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter. Quand nous passons au tableau pour expliquer notre travail je vois des soleils dans les yeux de Camille quand c’est moi qui parle. Je rougis et commence à bafouiller. La maîtresse me sauve la mise en nous demandant d’accrocher nos panneaux à gauche du tableau blanc car elle va nous faire visionner un documentaire  « C’est pas sorcier » sur le sujet. Nous prenons des notes pour affiner notre travail. Je jette un œil à la prof du collège d’à côté qui prend elle aussi des notes. Apparemment, elle a beaucoup de choses à apprendre… Elle est chargée de la liaison CM2-6e et n’arrête pas de bavarder avec notre maîtresse. Elle ne nous dérange pas mais nous nous posons des questions : avons-nous fait entrer le loup dans l’hébergerie ? Fait-elle partie de ceux qui infantilisent nos grands frères ou grandes sœurs qui ressemblent de plus en plus à ces grandes jambes aux yeux fatigués du matin ? Il paraît qu’au collège, on n’a pas le droit de se lever sans permission même pour aller jeter un mouchoir en papier. Il paraît aussi que si l’on chante en cours –même pas fort – on est collé. Pas au plafond ni avec de la colle Uhu mais tout de même ! On verra bien…

Pour l’instant, nous vivons avec bonheur notre dernière année dans l’hébergerie où nous n’avons connu que très peu de Thénardier. Il y a bien des petits soucis : on nous vole souvent les fleurs ou les herbes aromatiques que nous faisons pousser dans le jardin. Les seules ombres au tableau sont celles du poteau qu’on dessine à différents moments de la journée. Nous poussons comme l’herbe à travers les fissures du goudron. Bien sûr, notre corps grandit. Nos jambes poussent trop vite l’enfance hors de nous. Alors pour en garder un peu, nous jouons avec les mots (nous savons très bien que les grandes jambes s’appellent des adultes), je crois que c’est l’enfance de l’art… Nous avons un projet d’avenir avec Camille : je serai receleur d’ombres et elle sera joueuse de joie. Ainsi, l’équilibre régnera dans notre maison.

Texte : Christine Zottele

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Maisons dans lesquelles des enfants et des fleurs ont poussé comme de mauvaises herbes… /2 : Fin de la route

19 jeudi Mar 2015

Posted by lecuratordecontes in Christine Zottele

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Maisons

Maison-2

Fin de la route. On lira ça sur le panneau (ça nous avait fait rire la première fois) et on saura qu’on est arrivés. Bon. On garera la voiture. On sortira les valises. On prendra un temps pour contempler le paysage. Un très beau paysage avec le grand dos du Luberon comme une bête sauvage assoupie. On sera bien ici, pas vrai ? Je le regarderai, lui, qui me regardera moi, et nous nous regarderons nous et toutes nos années passées l’un à côté de l’autre. On avancera doucement vers le hameau paisible. On trouvera la maison en pierre. À cette heure-là, il y aura l’ombre du grand arbre se déployant sur la façade, comme la première fois qu’on l’a vue. On poussera la belle ombre pour entrer. La porte grincera un peu. Tu diras « J’arrangerai ça demain ». Je ne m’inquiéterai pas. On entrera alors dans notre dernière maison.

Entre le pouce et l’index, il tire sur la peau de l’avant-bras, appuie fort. Il observe la marque ronde et blanche s’estomper. La peau reprend sa couleur normale. L’homme dans sa maison de peau prend un peu de soleil et de repos. Il l’a bien mérité. Il a compté ses abattis, rangé les allégories dans le placard qui ferme mal. Maintenant il ferme les yeux. Il sait très bien que cette paix est provisoire.

Il n’y aura ni drame ni tragédie. Un vieux couple de vieux entrant dans leur dernière maison, pas de quoi convoquer l’air compassé du maître de cérémonie évoquant la dernière demeure de l’un d’entre nous. Au contraire ce sera le début d’une nouvelle aventure. Tout à construire. Les filles et les petits-enfants finiront par venir et l’aimer autant que la précédente. Plus petite, oui et alors ? À Noël, vous pourrez dormir au gîte d’étape. Une maison de plain-pied, sans piscine certes, mais un tas de ballades à faire. Il y a le GR9 qui passe non loin, point de départ de plusieurs belles randonnées. Avant le coucher de soleil, on sortira s’asseoir sur le banc dehors. On poussera un peu l’ombre de l’arbre qui prendra toute la place sur la façade. Je le regarderai regarder la cime de l’arbre et lui dirai : « N’y pense même pas ! Cet arbre restera tel quel ! » Le soleil se couchera derrière le Luberon. On rentrera dans la maison.

Dans sa maison de peau, l’homme de peu de futur a fait le ménage. Comme il a pu. Il a d’abord nettoyé les fenêtres. Les carreaux étaient vraiment très sales. La fenêtre de devant donne sur un jardin minuscule avec un peu de ciel. Celle de derrière, qui donne sur la forêt du monde, est encore plus sale. Il ne la nettoie guère. Les allégories le laissent tranquille pour l’instant. Dans sa maison de peau, ont poussé des fleurs et des enfants, des chimères et des poèmes. Il les a mis au grenier avec les vieux papiers. Ses vieux os grincent mais certains voudraient danser la gigue. Pas âme qui remue dehors. Dedans en revanche ça grouille. Pas que de belles âmes. Quant à la sienne, il ne l’a jamais retrouvée.

Je sortirai de la valise la nappe blanche à fleurs bleues pour couvrir la table en noyer. En la dépliant et la faisant voler sur la table, tombera le vase trop léger de fleurs sèches laissé là par les précédents occupants. Il grommellera : « Regarde un peu ce que tu fais ». Je ferai chauffer la soupe aux légumes préparée dans l’ancienne maison. Il mettra la table. On dînera et fera le lit pour la nuit. Un peu perdus, on allumera la télévision machinalement. On regardera passer les images sur l’écran, on aura d’autres images en nous. On laissera passer les images des autres maisons sans les compter. On essaiera de ne pas pleurer sur le passé enfui. Mais on se connaît, on y pensera. Finalement, on les comptera. À voix haute. On dira Tu te rappelles la rue du Bel air ? Bien sûr c’est celle qui revient le plus souvent dans mes rêves. Je m’étonnerai. Tiens, moi, c’est celle de la rue Michelet, c’est drôle. Pourtant on n’a pas vécu longtemps rue du Bel Air…

Dans sa maison de peau, tout est propre et bien rangé, tout brille en rouge. Sans entrain, le cœur bat la mesure. Car malgré tout, ça danse encore parfois. L’homme de peu de futur, converse avec elle, qui n’a plus de maison de peau. Elle parle d’une maison avec un grand arbre qui fera une belle ombre qu’on poussera le soir…

Peut-être un tout petit bout de jardin, un potager, et quelques rosiers… qu’en dis-tu ? Rappelle-toi ce qu’on s’est promis, plus de mauvaise herbe à arracher, plus d’arrosage matin et soir, plus de corvée. La belle vie, on se dira. La conversation s’éteindra doucement. Tes ronflements me réveilleront. On ira se coucher.

Adossé à la maison de pierre, l’homme dans sa maison de peau, dans sa maison de peu sans elle, prend le soleil et du repos.

Texte : Christine Zottele
Photo et lien : Philippe Marc

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Maisons dans lesquelles des enfants et des fleurs ont poussé comme de mauvaises herbes… /1 : La maison du Val

12 jeudi Mar 2015

Posted by lecuratordecontes in Christine Zottele

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Maisons

Val

C’est la maison de la sœur de l’ogresse.

Quand le fils de l’ogresse revient dans le Sud, c’est comme le retour du fils prodigue. On lui fait fête, on l’embrasse, on le nourrit, on le baigne dans des bains parfumés, on lave son linge, on lui fait prendre l’air de la colline. On lui fait faire la tournée des grands ogres. Docile et doux, le fils de l’ogresse se laisse faire. Il demande à voir sa tante. On ne lui refuse rien. La sœur ogresse habite une maison au Val, à moins d’une heure de route.

Elle les invite à déjeuner sur le pouce. Sur le pouce d’une ogresse, s’entend, ce qui n’est pas rien. Pourtant, elle dit qu’ils auraient dû les prévenir, qu’elle a fait avec les moyens du bord, c’est-à-dire pas grand chose, presque rien. La sœur ogresse, longiligne et liane aux longs cheveux acajou, ne ressemble pas du tout à l’ogresse. Elle les accueille au portail avec Bonnie, la sainte-bernarde bonnarde et nounou des enfants

On traverse un jardin tout vert où certains arbres tiennent encore debout grâce aux allumettes de la sœur ogresse magicienne. Ainsi, au bout de l’allée, un vénérable sapin, qui a résisté à toutes les tempêtes et catastrophes, menace de s’écrouler. C’est le miracle de la sœur ogresse de faire un repas d’ogre avec rien et de faire tenir debout un arbre avec des branches allumettes en corolle autour du tronc. L’arbre se tient debout entre l’atelier et la maison.

(L’atelier : là où devrait travailler la sœur ogresse magicienne et peintre. Car elle peignait de merveilleuses créatures qui, lorsqu’on s’approchait de la toile révélaient d’autres merveilles minuscules qui en cachaient d’autres encore à l’intérieur comme dans une mise en abyme vertigineuse.)

Mais on n’a plus le droit d’entrer dans l’atelier. De toute façon, il n’y a rien d’intéressant à voir, dit-elle. Elle ne peint plus, n’a plus le temps (temps plus ogre que les ogresses, soit dit en passant). Elle doit s’occuper du jardin et du potager, la sœur ogresse magicienne peintre et nourricière. Car elle nourrit ses filles ogresses ainsi que les chats –plutôt les chats de ses filles – et les poissons du bassin et Bonnie. Elle a sept filles et sept chats, comme dans les contes, ce n’est pas rien à nourrir. Alors elle s’oublie un peu, elle. L’ogresse nourricière ne se nourrit plus, ni elle ni sa peinture.

Pour l’heure, elle a préparé un repas avec « rien » pour son neveu revenu de Paris et sa sœur. Les filles ne sont pas là – les plus grandes ne vivent plus dans la maison et les petites sont en vacances dans la maison au mimosa, la maison des grands-parents ogres. Aujourd’hui, on ne voit que deux chats. Bonnie n’entre pas dans la maison, à moins que la sœur ogresse lui dise « Votre honneur » en faisant la révérence. Bonnie veille à côté du bassin un œil sur les poissons, l’autre sur ce qui passe dans la cuisine. La sœur ogresse a eu le temps de cuisiner des pommes de terre au four, des brocolis pour accompagner le jambon et sept petits clafoutis aux cerises, vite fait et bon, dit-elle et avant de repartir elle insistera pour qu’on prenne ceux qui n’ont pas été dévorés, pour le goûter dit-elle.

Dans le salon de la maison où poussent les fleurs et les enfants, il y a un billard sur lequel chatoient dans la lumière des tissus légers et colorés et des voiles dorés. Ce sont de futurs saris pour de minuscules danseuses de cinq à sept ans. Car l’ogresse nourricière donne des cours de danse aux enfants du village. Elle prépare un spectacle oriental. Alanguie, allongée à l’horizontale sur le rebord de la cheminée, une danseuse thaïlandaise argentée écoute en souriant les explications de l’ogresse liane danseuse d’enfants. Au-dessus de la cheminée, une grande toile d’un bleu très nuit sur le fond duquel s’élève une femme montagne d’un blanc éclatant. Tout le monde aime ce tableau peint par la sœur ogresse magicienne peintre femme montagne. Déjà il faut partir de cette maison dans laquelle des enfants et des fleurs ont poussé comme de mauvaises herbes…

Une autre maison attend le fils prodigue.

Texte : Christine Zottele

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