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Les Cosaques des Frontières

~ refuge pour les dépaysés

Les Cosaques des Frontières

Archives de Tag: Aedificavit

Aedificavit 35

29 samedi Nov 2014

Posted by lecuratordecontes in Isabelle Pariente-Butterlin

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Aedificavit

Aefificavit 35

J’ai écrit ce texte il y a des années et pourtant les images et les souvenirs qui l’entouraient l’entourent toujours, toujours avec la même acuité. Je passais l’agrégation de philosophie, j’avais 21 ans, je l’ai terminé l’année suivante, j’écrivais ce texte dans les interstices de mon travail, je l’ai emmené avec moi l’été d’après, à Florence, j’avais 21, 22 ans et c’est sur cette plage de temps qu’il a été écrit, c’est là qu’il me ramène, des années plus tard. 

Il est étrange et un peu opaque de se retrouver des années plus tard, dans les pas de ce qu’on était à 21 ans, dans les traces de ses pensées, alors qu’elles se sont prolongées, ailleurs, autrement, sans doute ailleurs, et presque les mêmes, mais autrement tout de même. 

On se reconnaît comme sur une photographie. On se reconnaît de loin, sur les berges du passé. On se retrouve, on se croise, on devine un cheminement qu’on a fait, et sur lequel on se retrouve. 

Le texte était presque celui que j’ai recopié depuis des semaines. Il n’avait pas cette forme, il était plus haché, c’est une des rares choses écrites avant mon premier blog, Ædificavit, qui lui doit son nom, que j’aie conservé, avec une obsession un peu absurde de jeter, de me défaire, de ne pas garder, de ne pas être entravé, et malgré cela, il est resté, il est demeuré, il n’est pas parti sur le trottoir, dans une poubelle, alors que je reprendrais bien sur le même trottoir, dans les étés des déménagements étudiants, avant que le vent mauvais ne les emporte, mais il est trop tard sans doute, et l’été est passé et tant d’automnes depuis. 

Je voulais depuis longtemps le reprendre, le saisir, ne pas le laisser ainsi, dans la forme qu’il avait alors, dans l’horizontale d’une étagère, verticale inutile, sur un papier qui commençait à jaunir, et Jan Doets, dans la belle aventure des Cosaques des frontières, m’en a donné l’occasion. Au moment de clore ce texte, tous mes remerciements lui vont. Il devenait possible, dans l’élan qu’il donne à l’aventure des Cosaques des frontières, de se pencher sur ce texte qui était le miroir du passé. De revenir sur les berges d’un temps oublié. 

J’ai choisi l’alternance des italiques pour le présent, l’alternance des temps car nous tenons une ligne, entre le passé qui nous est présent, et le présent que nous ne connaissons pas. Cette alternance est si intimement liée à nous. Nous la reconnaissons dans tous les moments de nous. 
Nous sommes des moments de nous. Je me suis étrangement trouvée face à un moment plus ancien. Ce n’était pas ma voix, et c’était ma voix. Expérience du temps, de la durée. Je n’aime pas les portraits qui fixent mais le texte a échappé à cela. 

Le temps est un miroir déformant dans lequel il est possible de se reconnaître. Mais il faut accepter de se pencher à la surface. Pourquoi a-t-on à certains textes un attachement sentimental, affectif, pourquoi a-t-on pour eux une réelle tendresse, au point qu’on les regarde en tenant de soi une clef perdue ?

J’ai écrit ce texte à 21 ans, et depuis  je n’ai pas arrêté d’écrire, l’écriture a trouvé différents équilibres en moi qui ne sont jamais les mêmes, qui ne cessent de se définir, de se retrouver, autrement un peu plus loin, mais tout de même, toujours, sans elle, il n’est pas d’équilibre. Revenir à ce texte qui en fut le début permet  d’aller d’un autre pas, de le déposer à la frontière des Cosaques et de regarder, de là, le chemin fait, de chercher des yeux l’horizon. 

Je me souviens de cette montagne gravie sous un soleil de plomb même si nous avions commencé avant l’aube. En haut, il me désigna l’horizon et me demanda si j’avais vu la mer. 

Texte et photo : Isabelle Pariente-Butterlin

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Aedificavit 34

22 samedi Nov 2014

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Aedificavit

Aedificavit 34

Ce rire qui s’étrangle en votre gorge. Convulsé autour des abdications, renoncements prudents, qui les étouffent, les vieillissent avant l’âge, les enserrent de regrets, visage fixe qu’on a dit mien, dont les yeux ne regardent pas, d’où aucune voix ne s’élève, ni ordre ni prière, ni espoir ni regret, ne vous y trompez pas, vous qui allez sans cesse, mourant de vos regrets, de vos renoncements, je ne veux du carcan d’aucune religion, ni ordre ni prière, visage fixe qu’on a dit mien, n’entendez-vous donc rien et serez-vous aveugles jusqu’à n’être plus rien, que tristes et oubliés ? Vous entendez un rire, un rire qui vous transperce, rire de celui qui a osé, qui demeure sans regrets et sans renoncements, soyez maudits.

Qu’il soit un lieu de calme, écarté de ces mouvements, où savourer la malédiction prononcée ; regardez-la s’abattre et vous déchiqueter – au calme, sur les hauteurs qui dominent la ville irrespirable, adoucies du consentement des pins à épouser la pente, de cette absolution. Lumière calmée, enfin. Qu’elle vous ronge et vous condamne, ici le rire se fait murmure, dialogue des philosophes et des poètes, après les peines du jour et son malheur tiède ; dialogue informe d’où vos certitudes sortent brisées, broyées. Restez en-deça des limites qu’ils enfreignent, ou bien tentez de les rejoindre mais ne renoncez pas, une fois que vous avez choisi. “Comme autant de poignards tes mots entrent dans mes oreilles”. De quelle violence usait-il, lui qui a presque renoncé, qu’aucune décision n’a encore renforcé ? Qu’il assassine, car nul n’a droit de renoncer. Ici le rire se fait murmure et le dialogue se poursuit, adouci par les siècles d’attente et de coutume, les regards ont usé les courbes et les ont façonnées, la ville est basse et ses tortures si coutumières, ce calme même est une inquiétude nouvelle. Et le rire incisif se calme peu à peu. Dialogue de qui a vu et de celui que tentent les regards, les visions aiguisées, car il ne s’agit pas d’une révélation, ce qui est vu ne se transmettra pas. Que les renoncements nous rongent et nous condamnent.

Or quel exercice nous sauvera de l’abîme: lui qui savait la valeur des sons engageait une lutte harmonique au-delà de ce que sont les notes, au-delà. Faire entendre à l’orchestre hésitant l’harmonie dont il avait le désir et le secret intact. Sans renoncer jamais à dire ce qui n’a pas de nom, à faire entendre, musiciens en errance, qui n’avaient pas encore reconnu ce son. Mais l’espérance était en eux. Il les retient, les reprend, la voix énonce calmement, dans ce sursis de silence, le chemin qu’ils auraient dû suivre. Je l’emprunte sans pouvoir le saisir. Dialogue du silence et de l’oubli. S’ils oublient, ils retourneront au silence dont ils sont nés et dont ils meurent.

Où s’instaurera-t-il ?

Il le soutient d’une main, intransigeante et fin, sans craindre les colères qu’il abattra sur eux, musiciens sans âme à qui il en donnera une, de l’harmonie la plus savante. Avez-vous cherché pour n’avoir pas trouvé l’évidence des sons, vous qui trébuchiez dans le silence ? J’entends et je vous donnerai à entendre, vous entendrez et tous applaudiront dans la lumière.

Perfidie, en vérité, car celui qui nous a conduits n’est que l’interprète, sa baguette impatiente institue les visions harmoniques. Où se lèvera la syntaxe imparfaite du dialogue ? Perfidie en vérité.

La malédiction se poursuit. Que le dialogue ne nous abreuve pas de sa cruauté et ne nous fasse à plaisir goûter l’éclatante vengeance de l’échec, ironique et latent. S’il est, le pouvoir est immense, de divulguer les savoirs oubliés. Qu’importent les descriptions, les certitudes érudites ? Il suffit de s’asseoir parmi les idoles sans regard. Et de les regarder.

Texte et photo : Isabelle Pariente-Butterlin

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Aedificavit 33

15 samedi Nov 2014

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Aedificavit

Aedificavit-33

Retrouver le charme, la possibilité d’errer, attendre, quelle désapprobation viendra, se brisera, se souvenir de ce présent, qu’il advienne dans la plénitude. Lors, les regards, du portrait, du vivant, se croisent. Rencontre au-delà des passages, qu’ils passent et je demeure. Les litanies, les noms, les phrases, les pas s’éloignent, d’autres s’approchent, je demeure. Regards fixés. Interrogez : je demeure, je ne répondrai pas. Vous savez, de moi, ce que vous avez à savoir. Vous tomberez et je regarderai le flot bien interrompu. Le silence se clôt. Qu’attendre encore de ces passages ? D’autres l’ont vu et d’autres le verront. Ils attendent un regard. Les symboles muets les entourent, que nul ne sait plus déchiffrer. Qu’ils passent. Qu’ils demeurent. D’autres l’ont vu et d’autres le verront. Persévérance de l’intelligence. Ils interrogent et ne comprennent pas son éclat.

Charme du peintre qui, masqué, mène le jeu. Reconnu sous son masque. Il a dit ce qu’il voulait dire et ne livrera plus rien. Partie de son imaginaire, elle désigne ce que les vivants ne comprendront pas, le modèle lui-même ne sait pas, gloire ou raillerie, qu’importe ?, il ignore, silence de qui regarde, de qui vécut sous ces traits. On entend, pendant qu’il travaille, le souffle du peintre, son souffle, parfois : soupirs. Plus encore, l’intelligence aiguisée du portrait : qu’ils passent et je demeure. D’autres m’ont vu et d’autres me verront. Et je n’en finirai jamais : sortilège et malédiction.

Agitation et calme, l’un et l’autre se répondent, calme du lieu dévolu, recréé en soi parmi les passages auxquels nous n’échappons pas, tout cela est si loin et le temps se détache, lèpre doucereuse, qui va coulant le long des murs. Fresques de couleurs et de vie, un pinceau habile les voulut et les crut éternelles. Vous résisterez au temps et m’entraînerez dans votre immortalité dont je ne veux pas. Elles coulent le long des murs, s’effritent, tombent par plaques, éclatées au sol, écrasées sous les pas. Les statues se rongent. Odeurs néfastes qui les avez déchues. En vain. Il aurait mieux valu, même si à présent il est trop tard, instaurer une parole de calme, revenir, ne pas laisser le silence nous évider, le vide nous parcourir. Nous ne pouvons passer. Trouver les mots, parfois, est un effort. Proche de l’épuisement. Faudra-t-il revenir chercher vos paroles ? Le bruit lointain se perd, murmure que nul ne répète. Calme plein de paroles, les bruissements font un silence point trop assourdissant, calme donné soudainement, silence nourri de bruissements, de paroles murmurées, pour ne pas sertir les idées d’une crispation fixe. Ils passaient et je demeure. Tentation du dialogue.

Tentation et refus, l’un et l’autre multipliés, esclaves de la douleur sous ce carcan de pierres, mouvement immobile, l’un et l’autre empêchés, seule tentative de mouvement, ainsi vous ai-je faits et je vous ai abandonnés, visages engloutis dans la pierre, nul ne saura vous délivrer, nul autre que moi ne le pouvait, ni le temps impassible, ni quelque main heurtée à cet emprisonnement, tentative de mouvement, ainsi vous ai-je conçus et vous ai-je abandonnés.

Or de ce silence, quel écho viendra, immobile, se perdre dans l’oubli ? Passez, nous demeurons, nos visages engloutis ne se détourneront pas, douleur, en vérité, qui prendre mon visage de ses doigts effilés, l’arrachera à l’informe ? Pourtant, il se devine ; piège, hélas, où nous sommes enchaînés, il savait, et il n’a pas fait, il savait et il aurait pu faire, il n’a pas fait, et nous, mille fois prisonniers, de l’attente et de la pierre.

Sa mort lui fut plus douce. Vie informe à laquelle il nous a liés. Dont nul ne nous délivrera. Il savait et il n’a pas fait, lui qui est célébré, pour nos visages infinis, nos membres infinis, notre peine et notre condamnation. Comment vous parlerais-je, moi dont les verbes sont étouffés par un étau de pierre ?

On raconte que parfois leur torture silencieuse est troublée par celui qui, les ayant créés, condamnés à l’informe, à la violence immobile, prodige dont il se réjouit, les ayant arrachés et rendus à l’informe, rit de tous ces prodiges, toutes ces malédictions. Et que ce rire, parfois, les a faits murmurer.

Texte et photo : Isabelle Pariente-Butterlin

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Aedificavit 32

08 samedi Nov 2014

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Aedificavit

Aedificavit 32

Dialogues. Dialogue avec la ville. Elle s’éloigne. Ne se réveille pas. Allez rejoindre le flot de vos ancêtres. Savez-vous que les palais sont mille fois offensés de ces pas étrangers, allez rejoindre les visages de vos ancêtres oubliés. Tel s’est noyé, son corps entier s’est englouti dans l’eau calme, et il s’en est allé retrouver les faunes marins, son visage encore apparaît, visage tendu, vers la lumière du jour, le jour si commun que les douleurs de la conscience s’y amenuisent, non pas jusqu’à la perte, mais au moins jusqu’à la dissolution, ne  pas se trouver seul dans ces profondeurs, englouti, révulsé, que les yeux reviennent à la lumière …

ces ténèbres …

revenir, retrouver des yeux qui regarderont eux aussi le jour, l’indiqueront, que les traits et les dessins et les délinéaments de ce monde ne se perdent pas dans l’oubli, puisque sans doute, assurément, quelque peintre même immobile l’aura vu dans le sommeil de l’aube, rêve enfiévré qui lui viendra et le dévorera de sa terreur, il le peindra, et le dessin lui-même se perd, s’engloutit, cela le révulse, regard absent, apparaître et ne pas s’engloutir. Ainsi la ville.

Tissée de mensonges, il va de soi. albums qu’il faudrait pouvoir feuilleter, mais ils sont derrière des vitrines, et personne ne peut les atteindre, nous en sommes réduits à laisser nos regards glisser sur eux, le livre entr’ouvert recèle les délicatesses d’une miniature. Art consommé, maîtrisé, seule page ouverte, une seule, peut-être celle-là même où quelque grand prélat laissait son âme inquiète et fatiguée de pouvoir et d’intrigue, errer, où sa main se plaisait à reposer, proche des arabesques, des volutes, dans le silence des bibliothèques, où la salle austère, à l’alignement rigoureux, feint de n’avoir accueilli que disputes de théologiens.

Imaginer lors les bruissements d’étoffes, pas glissés sur le sol, marbres ciselés, finement. Quelque objet, une bourse prête à laisser échapper des pièces dont le tintement sur la pierre troublerait insolemment l’étude, l’incunable qui ponctuerait sa chute de poussière et d’éclat, quelque objet parfois détournait les regards, et l’attention, des lignes calmes auxquelles ils se tenaient. Les têtes se relevaient, abandonnant les mains où elles reposaient, alors se tournaient, pour chercher la source. Toujours. La cause première. S’abandonner à ces pensées. Non. Reprendre le même travail. Tous les visages se perdent à nouveau, mais il y eut pire, sans doute, assurément, dans ce lieu voué par le mensonge au silence, à l’immobilité.

Colère ivre de celui qui le construisit. Ædificavit. Ne marchait-il pas au milieu de la poussière et des pierres englouties dans l’affirmation de ses plans, audaces contrôlées, déconcertantes. Ouvriers de leur silence. Celui qui sait ne s’expliquera pas. Inutilité des mots. Qu’il édifie. Inutilité des verbes. Quand ils ne sont pas matériau plus dur que le marbre. Plus indécis que les couleurs. Alors peut-être … Mensonge. Ces lieux se détournent et se voilent. Poussière très lourde que le temps.

Il passait. Et les mains qui venaient se tendre vers les livres traçaient des commentaires que nul ici ne vient plus lire. Mains retombées dans l’horizontalité du tombeau, vouées à la perte de leur forme. Elles traçaient d’un trait sûr une courbe dorée et majestueuse, calligraphie rigoureuse, tout le désordre vaincu du mouvement, tout désordre du monde sublunaire leur est inconnu. Vertige de l’horizontalité ad vitam aeternam. 

Vous avez rejoint le flot triste de vos ancêtres.

Texte et photo : Isabelle Pariente-Butterlin

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Aedificavit 31

01 samedi Nov 2014

Posted by lecuratordecontes in Isabelle Pariente-Butterlin

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Aedificavit

Aedificavit 31

J’ai de plus en plus de mal à ouvrir cette pochette, à parcourir ces feuillets, à revenir à eux, je pensais que ce détour, en somme, d’une certaine manière, une boucle temporelle, deviendrait de plus en plus fluide au fur et à mesure que j’aurais pris l’habitude de le faire, et c’est presque le contraire qui se produit, il me devient de plus en plus difficile de soulever le carton rigide de la pochette, de l’ouvrir, alors même que j’ai un plaisir réel à contempler les volutes de peintures qui se dessinent sur le papier, et qu’elles ne cessent d’appeler ma rêverie. Je ne sais absolument pas pour quelle raison.  

Tentation de raconter leur fin, pour se divertir soi-même, se détourner de leur route en s’y engageant violemment, le plus violemment possible, du moins qu’il nous est possible. Comme ils finirent leurs agonies hurlées, terme plein de douleurs de leur aventure : “Dites-moi quand je puis embarquer”, comment toute trace de vie s’est perdue, s’il fut ou non la douleur de ces vers, leur enchantement, jaillissement gorgé d’odeurs, de vie, ils le clament et il faut croire qu’il sont sertis d’un silence massif pour que n’éclate pas leur certitude.

Et pourtant l’impatience est grande, exaspérée ; le défilé des jours lents l’achève, impatience, non de ce qui est à venir, qui nous concerne exclusivement et que nous saurons bien contraindre, mais d’en finir. Achever. Que ce vide finisse, que l’impatience, enfin, se parachève, s’ordonne et se nourrisse, n’être plus, abjurer les prudences, tous les renoncements à venir. Farce grotesque en vérité que de les voir renoncer, transformer cela en prudences, en stratégies. Mais quelle essence précieuse conserveront-ils puisqu’ils renoncent à tout ?

Écrire : malédiction. Dans les palais, les cours ombragées, devant les statues, Bacchus, Vierge, inconnue, penser, l’ovale des visages, les courbes, oui, ces voûtes, ces grotesques, ces peintures, ces frises. La ville au fleuve excentré, cour exilé de la fraîcheur, les jardins, les places, tout cela à parcourir, à décrire. Pourquoi ne pas laisser les regards envelopper les courbes, les décors, fastes solennels, déploiements d’intrigues, politiques, sanglantes, détour où habitait l’illustre poète, le prince mille fois couronné, le chancelier abusif sur eux régnait, vertige de la mémoire.

Pourquoi faut-il se souvenir, écrire, noter, compiler ? Vertige de la page, du silence conservé, qu’il soit possible de rester tapi au fond des chambres fraîches, d’écouter la rumeur de la ville, à travers les persiennes, avénement et disparition des jours, défilé immuable — qu’a-t-on besoin de nous ?

Sortilège, donc, puisqu’il nous faut sortir, parcourir les rues pavées, les églises transformées jusqu’à l’oubli de ce qu’elles furent, les palais déchiquetés d’un architecte fou qui, jamais satisfait, finit par tout défigurer : il y creusa un labyrinthe, sortilège de ces lieux, en parler, ne rien dire, se laisser broyer par les mots déjà dits. Ou s’engloutir.

Avons-nous encore le choix ? Le piège trop bien tendu s’est trop vite refermé, avançons. Tentons de nous relier au sol par les noms, les rues. Il paraît que les Médicis, du temps où ils habitaient le Palazzo Pitti, évitaient de se mêler au peuple, passages protégés dans des galeries surélevées, ils craignaient les poignards, les dagues aiguisées pour les départs si bien scellés. Ils évitaient sur l’autre versant les chaleurs de la ville, l’été et ses miasmes, ils s’enivraient de gloire et de vins dans leurs jardins embaumés, le vertige les saisissant mais le poison ne tardait pas à les rejoindre et les cortèges s’en suivaient.

Qu’ils aillent donc rejoindre le flot de leurs ancêtres qui se brisait sur la ville, et la brisait : il n’en reste que visages de marbre.

Le texte court, les lignes se suivent, le texte court sur la page. Je retrouve toutes les obsessions et les images que je croyais oubliées. Je comprends qu’elles dormaient en moi. Qu’elles sont là. Qu’elles n’ont jamais cessé d’être là, d’attendre la phrase opportune pour se glisser en elle, pour revenir sur la page, sous mes yeux. On n’a pas tellement son mot à dire quand on écrit. 

Texte : Isabelle Pariente-Butterlin

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