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Archives de Tag: Portraits fictifs

Portraits fictifs 19 : l’héritier

17 jeudi Nov 2016

Posted by lecuratordecontes in Brigitte Celerier

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Portraits fictifs

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Il était insolent.

Il avait eu, bien classiquement, en son adolescence, une révolte contre le monde tel qu’il va, contre son monde aussi, cet univers privilégié. Et bien classiquement il l’avait endormie, traduite en jeans déchirés, cheveux longs et discours froidement ironiques.

Son père, quand il le croisait, et quand il devait l’exhiber, entrait en fureur… dans le cas des exhibitions d’ailleurs il transigeait lui même avec la souplesse de pantalons et vestes ou chemises de lin, catogan et silence boudeur.

Sa mère, elle, l’accueillait avec plus d’indulgence, mais avec une ironie agacée par tant de conformisme.

Et comme il l’aimait, l’admirait, elle et ses amis, comme il était insolent et n’avait pas franchement envie de se perdre dans la masse de ses camarades, comme il se trouvait propulsé dans une terminale prestigieuse et que sa singularité, retrouvée pour le coup dans ce nouveau groupe, devenait par trop misérable, mais comme il ne se voulait pas conforme, il s’est fabriqué un style avec l’aide du coiffeur de son père et l’influence des amis de sa mère.

De ses refus il a fait des idéaux, les a haussés pour s’en faire une belle âme qu’il a laissé là, surplombant.. de son refus du monde tel qu’il va il a fait une croyance à la modernité, mot qui recouvrait un désir inconscient de conserver ce qui lui était confortable ou séduisant en y ajoutant la volonté un peu vague de voir se gommer les inégalités grotesques et de créer un espoir.

De son allure juste un peu transgressive, de son charme, de ses sourires triomphants et de ses générosités inconsciemment bien placées, avec l’aide de quelques phrases profondes, ou caustiques, ou désabusées, il s’est fait le rempart d’une petite cour à l’abri de laquelle il s’est passionné pour ses études.

Il a été honnêtement brillant, et son père, qui le suivait discrètement avec un intérêt grandissant, l’a engagé pour un stage dans son service commercial, juste un peu plus qu’un job. Il a bien entendu donné pleinement satisfaction et s’est prodigieusement ennuyé, faute d’y trouver un soupçon de responsabilité.

Après un entretien où il avait laissé voir son désir enthousiaste de créer, avec deux de ses amis, meilleurs techniciens que lui, un site de service, facilitant la vie des gens et créant des emplois nouveaux pour des jeunes non pourvus, son père qui le trouvait un peu jeune pour décider s’il lui donnerait la priorité sur certains de ses brillants collaborateurs juniors, l’a approuvé, tout en lui précisant qu’il devrait se débrouiller sans son aide et en lui disant, sans plus de précision, «tu sais que tu as ta place chez nous».

Et ma foi grâce à son nom, à un prêt d’un de ses grands oncles, au sérieux de ses amis et à son entregent, la boite est née, a grandi, assez lentement au début, a pris assez rapidement de l’importance, a surpassé et avalé quand le fallait ses concurrents. C’était une belle et bonne équipe où le tutoiement, l’acharnement, le dévouement et l’intelligence étaient de rigueur, une bonne équipe dont il était le visage et la voix. Une belle et bonne équipe qui a grandi, jusqu’à ne plus avoir d’équipe que le nom, dont le succès s’est installé, est devenu mondial. Une boite dont il se sentait, en associé majoritaire, l’incarnation, le propriétaire.

Et quand il fut temps il la vendit, à la fureur inquiète de ses amis (même s’il était prévu avec la firme acheteuse qu’ils resteraient dirigeants de cette petite société) et il rejoignit son père qui l’attendait comme dauphin.

Texte et photo : Brigitte Celerier
À partir d’une oeuvre de Martine Belay-Benoit

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Portraits fictifs 18 – l’étrangère (2)

10 jeudi Nov 2016

Posted by lecuratordecontes in Brigitte Celerier

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Portraits fictifs

portrait fictif -  18 - l'étrangère 2.png

Et voilà Bernard au volant, qui roule vers Clermont, qui s’interroge, se demande ce qui lui a pris, ce qu’elle pense de lui, qui sait bien qu’il est sans doute un espoir de refuge, une porte de sortie, qui aime plutôt cette idée mais n’est pas certain que cela soit suffisant pour rendre supportable, encore moins désirable, une vie avec lui dans l’écart du village, qui n’est plus très sûr d’avoir envie de bouleverser sa routine, qui craint de ne vouloir cette union, d’espérer, sans le dire mais de façon évidente, une succession, que par convention. Et puis il sourit, il pense à la photo, à la nuque, à la marque sur la joue, il se voit protecteur, tendre, respectueux, en retrait et son dos se redresse, jusqu’au moment où lui vient l’idée qu’elle n’en demande sans doute pas tant, que c’est une intrusion violente dans son intimité à elle, qu’il faudra cacher cet élan minuscule. Bien sûr, il y a l’enfant, la petite fille dont elle lui a «avoué» l’existence dans un de leurs derniers échanges, cette petite fille confiée à ses grands-parents, et il l’imagine jouant sur le sol de la grande chambre derrière, posant des questions, il lui donne le visage un peu oublié de sa petite soeur, et une impatience timide lui vient.

Et me voilà moi, derrière son épaule, qui me demande ce qui m’a pris, qui pense à la photo, à mon envie de rebondir en lui inventant une vie, jusqu’à ce que devant le fichier blanc ouvert sur l’écran, il surgisse, lui, prenne toute la place, m’entraîne dans une ébauche d’histoire avant de me planter là quand il s’est agi d’en venir à la rencontre, engluée que j’étais dans une vague ébauche de psychologie qui me va fort mal.

Et la voilà elle, enfoncée dans un siège du train, qui regarde les paysages défiler, un journal abandonné sur ses genoux, qui rêve vaguement sans être certaine de trouver une place dans l’avenir au devant duquel elle roule, une place qui lui convienne à elle, qui le satisfasse lui, qui a un peu peur de ce qu’elle lira dans son premier regard, qui ne sait ce qu’ils se diront, et comment ils s’avoueront, peut-être, que c’est une tentative sans espoir. Elle repense à ses parents, à son détour, la veille, pour les revoir dans leur maison d’Antony, à leur accueil interrogatif – ne les avait pas vus depuis les dernières vacances scolaires quand elle était venue chercher Louise, puisqu’elle pouvait enfin lui offrir quelques jours dans une pension de famille à la campagne, et elle était restée avec eux, ensuite, une semaine pendant laquelle elle s’était retrouvée petite fille, comme l’aînée de la sienne de fille – à leurs encouragements et à l’inquiétude dans les yeux de sa mère qui disait sa crainte qu’une fois encore…

Et moi je regarde la photo, cette fragilité apparente et cette dureté dont elle est construite, cette petite moue qui est sa seule expression, que je lui pardonne en décidant qu’elle exprime ce que l’on veut, ou rien, son chapeau un peu ridicule, et je me souviens que, sans raison, malgré tout, elle m’a plu et que je voudrais qu’elle soit intelligente, un peu malmenée mais digne d’avoir une chance, j’ai voulu que son silence, sa joliesse banale, son assurance affichée, ce défi muet au monde, couvre des sentiments, des désirs, des foucades peut-être, un peu de fantaisie qui se révèlera, et puis de l’endurance, de la patience, peut-être même de la générosité.

Mais voilà, elle s’est échappée, de l’histoire que je voulais, elle préfère la garder pour elle, a bien déjà assez de mal à la mener à bout, parce qu’elle espère tout de même, oui elle espère et elle ne veut pas se dire que ce n’est pas la première fois.

Alors les laisser à leur rencontre et tant pis si j’avais dit que moi je raconterai.

Tout de même juste cela, parce que je ne veux pas non plus les abandonner : ils ont été un peu timides, attentifs, et pendant le dîner leurs mots étaient des petites sondes, des petites avancées comme au hasard, et des retraits, et puis se rencontraient de temps en temps, et peu à peu, l’était bon le dîner, rien d’extraordinaire mais bon, et ils étaient bien, un peu à côté de leurs vies, donc peu à peu l’attention s’est relâchée, la surveillance, et chacun a trouvé que c’était bien, comme ça, là, et après un petit baiser chaste et un sourire ils sont allé dormir.

Le lendemain il a joué les guides, ont roulé d’un village à l’autre, d’une petite rivière à un église et ils parlaient de leurs goûts, et puis d’autres choses, de tout et de rien, et un peu de projets, et le soir on ne sait pas très bien, ça n’a guère d’importance, ils ne se sont pas séparés. Et c’était un peu maladroit mais bien là aussi. Et le quatrième jour de ces vacances ils se sont décidé.

Ils se sont mariés deux mois après. Ce ne fut pas toujours facile mais cela a duré.

On l’appelle encore parfois l’étrangère mais avec un petit sourire parce qu’avec Maé et la fille aînée du maire elles ont mis vie et gaieté dans le village, en leur jeune temps, et que, maintenant que les ans ont passé, on les appelle «les patronnes», elles sont toujours là, un peu en retrait, mais toujours prêtes à aider, à organiser une fête ou un deuil, si on le leur demande, et assez redoutables quand, entre elles, elles laissent liberté à leur langue.

Ils ont eu deux enfants, deux filles – il s’est fait une raison – mais c’est Louise, en bonne petite élève de Bernard, qui reprendra la ferme pour le compte des deux propriétaires, ses jeunes soeurs.

Texte et photo: Brigitte Celerier
l’article 1 est paru le 3 novembre dernier

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Portraits fictifs 17 – l’étrangère (1)

03 jeudi Nov 2016

Posted by lecuratordecontes in Brigitte Celerier

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Portraits fictifs

pour-les-cosaques-letrangere-1

C’était le printemps à Saint Nicolas des Taillades, et Bernard avait du vague à l’âme – c’est ce qu’il se disait en regardant les carreaux derrière sa cuisinière «j’ai du vague à l’âme» et cela le faisait sourire, un peu.

Un peu seulement parce qu’il avait bien des amis, et des amies, de passage, ou femmes des amis, parce qu’il aimait sa maison, sa terre, le village… l’était parti un temps mais c’était une erreur… mais il vieillissait, il allait vieillir plutôt, l’était sur la ligne de crête de son âge… et il était et demeurait seul.

Il s’en accommodait, il s’en était accommodé trop longtemps, au risque de devenir un sauvage, mais il était seul, les jeunes filles n’avaient désir que de partir.. pourtant le village vivait, il y avait assez de jeunes couples pour que les deux écoles, celle de la mairie et celle des soeurs, aient des élèves et qu’une bande de galopins le suivent parfois aux champs ou baillent de désir en attendant d’entrer dans son club de motos, en l’appelant oncle, seulement voilà, peut-être n’était-il pas assez beau, ou assez gai, même si quelques-unes lui avaient fait croire le contraire, aucune n’envisageait de s’installer chez lui, de faire vivre les murs et de lui faire des enfants, surtout cela, des enfants, ou un à la rigueur et qui voudrait apprendre de lui, l’aider, lui succéder.

Il y avait bien eu, en dernier, la jeune maîtresse de chez les soeurs, bien drue, bien brune, bien en accord avec la terre, et cette entente entre eux qui lui avait donné espoir, mais voilà qu’elle était rentrée de ses vacances en annonçant ses fiançailles, et son départ à l’autre bout du département.

Le Pierre, son camarade de toujours, depuis l’école, avait ramené, ou fait venir, une fille, très jolie la fille, et douce, et travailleuse, un peu exotique seulement et lui disait «tu devrais faire comme moi», mais s’il les aimait bien tous les deux le Pierre et sa Maé – on l’appelait ainsi, c’était plus simple et joli – il avait un peu honte, cela faisait trop marché, sans fard, plus cru qu’autrefois quand on mariait des terres, et puis Maé il avait bien le sentiment que ce n’était pas toujours drôle pour elle, qu’elle avait eu du mal à être acceptée malgré leurs efforts à tous deux, les hommes, que ça avait pris du temps, et qu’elle avait mis bien du temps aussi à s’habituer à la vie d’ici, un peu trop sans doute, il la voyait comme un oiseau gracieux encore mais empoté pour voler.

Pourtant, presqu’en cachette de lui-même, il a essayé une fois d’aller sur un site, un site de rencontres, pour la bonne cause ou non, il avait été un peu effarouché… préférait ses virées au gros bourg… et puis sur un autre, dédié aux célibataires, il avait peiné à se faire un profil, comme on disait – à vrai dire cela l’avait amusé aussi – il avait tenté, abandonné, mais il revenait, cela devenait une habitude et puis un jour… bon avec une, Fanny elle s’appelait, une fille de trente ans ou un peu plus – sur la photo elle ne faisait pas beaucoup plus – une qui disait qu’elle avait eu une vie pas trop facile, qui était du nord, enfin presque du nord, des bords de l’Allemagne, du sud de l’Alsace, il avait regardé sur la carte, quelque chose s’était passé, ils se reconnectaient, et puis ils s’étaient écrit, il s’était rendu compte une fois qu’il avait mis «tu» et il avait laissé, pour voir, et voilà comment un jour, il s’est bien regardé devant la glace, il a grimacé mais avec une pointe de satisfaction, il a pris sa voiture et il est parti pour Clermont – s’étaient donné rendez-vous là, c’était plus facile pour elle, et puis c’était un terrain neutre.

Il n’avait pas trop à faire, et le Pierre lui avait promis – l’était fiable de fiable le Pierre – de le remplacer pour que la terre ne s’aperçoive pas de son absence. Il s’était donné trois jours. Maé l’avait embrassé et Pierre avait fait semblant de lui donner une bourrade.

À suivre 10 novembre 2013

Texte et photo : Brigitte Celerier

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Portraits fictifs 16 : le souvenir

27 jeudi Oct 2016

Posted by lecuratordecontes in Brigitte Celerier

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Portraits fictifs

pour-les-cosaques-le-souvenir

Elle était vieille de trop d’années.
Elle était forte, grande, impériale.
Elle était large, solennelle.
Elle était mesurée dans ses paroles, ses gestes.
Elle était l’autorité silencieuse.
Elle avait des douceurs accueillies comme des grâces.
Elle avait des sourires calmes et minces que chacun guettait.
Elle avait des silences, visage raide, qui étaient condamnations.
Elle avait de rares mots d’esprit qui étaient redoutés.
Elle ne disait pas je veux.
N’en avait pas besoin.
Elle ne disait pas je voudrais.
On supposait qu’elle n’en avait plus besoin.
Elle était l’ancêtre impérieuse, la survivante.
Mais elle mettait plus de malice que de causticité dans ses remarques.
Mais elle consolait ceux qu’elle avait rudoyés quand ils étaient seuls..
Mais elle avait le matin des yeux de jeune fille enthousiaste.
Mais elle laissait tomber légèrement ses épaules, le soir, et s’entourait d’une brume de rêve.
Mais il y avait, remisé dans un couloir, et cependant présent pour qui voulait le voir, ce portrait qu’en tordant un fil de fer il avait fait d’elle dans leurs jeunesse.
Nous nous en souvenions,
nous la regardions et écoutions avec un sourire intérieur,
nous allions notre chemin et nous lui pardonnions

 

Texte : Brigitte Celerier
Silhouette : oeuvre d’Anne Duval

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Portraits fictifs 15 : l’orateur

20 jeudi Oct 2016

Posted by lecuratordecontes in Brigitte Celerier

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Portraits fictifs

pour-les-cosaques-lorateur

Un homme qui serait arrivé chez nous il y a quelques années, s’il avait pu être totalement ingénu, n’avoir jamais entendu le petit bruit que notre ville, notre région, faisaient encore dans le monde, aurait souri, un peu étonné, en le croisant, de le voir aussi entouré – même si ce n’était encore que d’un petit groupe d’hommes jeunes, marchant vivement, décidés, leurs regards fixés sur lui -, lui ce petit homme rond, avec ses joues rebondies et ses petites boucles dressées autour de son front.

Il aurait pensé, murmuré peut-être «ne lui manque qu’une conque pour accompagner de son souffle un dieu marin». Et l’ami qui l’accompagnait aurait répondu d’une voix assourdie «bien mauvais souffle, et qui prend force».

De fait, outre les jeunes hommes empressés, l’étranger aurait repéré, en se retournant, deux fortes carrures qui précédaient ou suivaient d’assez près le petit personnage.

Devenu notre concitoyen, il aurait pris l’habitude de voir de plus en plus souvent ce visage poupin surgir dans les journaux, d’entendre cette voix un peu métallique à la radio, à la télévision, et de retrouver ce nom dans les conversations.

Et il serait, à corps et coeur défendants, passé peu à peu d’une vague curiosité à un désintérêt agacé, à une attention méfiante, à un effarement méprisant, à un refus irrité puis véhément. Aurait, comme nous, désiré pouvoir l’ignorer.

Mais il prenait de l’importance le petit personnage, il avait acquis un rôle, il prenait la parole partout, à tous propos.

Les premiers temps cela débutait par une réflexion pateline et assez humble que ses joues soutenaient de toute leur rondeur, et puis, à mesure que le temps passait, que sa position devenait plus sure, incontournable, il entamait chaque discours, chaque intervention, par quelques phrases fermes, par une condamnation assenée sur les fractions de population qu’il avait choisies comme repoussoir…

Et quelles que soient ses proies, quel que soit le groupe qu’en flattant les sentiments les plus bas de ses auditoires il choisissait de désigner comme indigne de la communauté, s’appuyant sur ce rejet pour asseoir son pouvoir, repousser dans l’ombre ses décisions, il enrobait ses phrases d’une familiarité caricaturale, d’un langage plus relâché que celui de la foule qui s’en trouvait secrètement flattée, d’un faux bon sens qui n’était commun que de s’affirmer tel, et d’une rhétorique savante, manipulatrice, qui à l’usage, heureusement, finissait par être inefficace à force d’être attendue. Mais l’habitude de l’entendre avait à la longue contaminé les esprits et ses discours servaient de base aux jugements, aux décisions qu’on le suive ou qu’on s’oppose à lui.

Il redressait chaque centimètre de sa petite stature, se faisait raide de dignité, pour mieux se pencher ensuite vers les autres, mais avec un sourire combinant complicité veule et ironie envers ses auditeurs, et l’écoutant, le regardant, l’ex-étranger en venait à le détester, furieux de lui donner une importance qu’il jugeait injustifiée.

Et nous qui, malgré nos efforts, ne pouvions non plus totalement lui échapper, l’ignorer, nous étions partagés entre la colère, un rire triste et un mépris qui nous prenait à la gorge et que nous ne pouvions dire puisque n’avions pas d’importance.

 

Texte et photo : Brigitte Celerier

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