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Les Cosaques des Frontières

Archives de Tag: L’amour qui ne se dit pas

Tango

06 mercredi Mai 2015

Posted by lecuratordecontes in Anna Jouy

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Anna Jouy, L'amour qui ne se dit pas


Cigarette Tango Blog

Dans cette perlière blanche, il tombe des milliers de
jeunes filles, des danseuses nues
Dont la valse berce et calme le froid et le silence.
Guérir dans la gelure et la débattue, les doigts bleuis et
bouffis, crispés sur l’instrument.
Sans ignorer dans chaque particule de moi, l’absence, le
vide et le fusil d’un regard
Qui se détourne et ne me choisit plus.

Vendredi soir

http://atomic-temporary-56466443.wpcomstaging.com/wp-content/uploads/2013/10/01-mi-buenos-aires-querido.mp3

Sur l’arène de danse cirée, lamellée et tricolore, les couples tournent au pas aérien de leurs sentiments. Une collection de robes de poupées, multiplis et dentelles. Et pointues sur leurs talons, les jambes des femmes s’envolent en corolles jusqu’à leurs hanches rondes.

Le tango entraîne les hommes dans des érections qui cambrent leurs dos. Ils ont vingt ans. A nouveau. Comme toujours. Comme si la danse avait le pouvoir de les ramener à l’aube.

L’orchestre est appliqué. Personne qui sourie; personne qui prenne ce moment à la légère. On travaille sa musique, sa danse, en artistes. Il n’y a rien de plus sérieux, de plus important. Messe. Des officiants, des religieux tout à leurs mystiques incantations.

Dans la salle du café, les gens ne parlent presque pas. On n’a pas le temps, pas l’envie peut-être. Ce qu’on a à se dire le sera par le corps, bientôt, quand on prendra possession de la musique et qu’on se transmettra l’essence des ondes. La danse qui réunit les races animales et les humains dans son secret d’alcôve. Coqs, loups, jeunes oies ou rombières. Ensemble.

Sur le bord de la table numéro six, ses mains se joignent. Elle prie, elle aussi. Une toute autre prière. Une supplique intime pour faire taire en elle l’envie de fuir ; son orgueil qui ne supporte pas cette quête charnelle qu’il y a en elle et qui l’a faite s’asseoir dans ce coin solitaire.

Sa robe rouge droite et de voile est sa provocation. Elle la porte mal. Pas l’insolence qui va avec. Elle aurait dû y penser quand, sur un coup de folie, elle avait cru bon jeter son dévolu sur elle.

Ses jambes sans cesse se croisent, elles aussi, d’un sens à l’autre.

Peut-être un bas filé? Tant de questions défilent sur son visage que la fumée de son cigarillo n’arrive pas à camoufler.

Elle est entrée là  tout à l’heure,  il y a pour elle déjà un tas de mégots, parce que c’était tard, que le jour allait passer et qu’elle n’avait encore rien fait pour tromper sa solitude.

Elle n’arrive plus à penser à quoi que ce soit d’autre, qu’à l’obligation qu’elle s’est faite de rester ici, jusqu’à minuit. Rien de plus mais jusqu’à cette heure de Cendrillon. Après, elle pourra se dire qu’elle l’a fait et que si rien ne s’est passé comme elle l’avait souhaité, ce ne serait pas faute d’avoir essayé.

Elle est lasse. Alors relâche sa tension sans s’en apercevoir. Déjà la voilà plus souple, plus abandonnée. Ses jambes se sont légèrement ouvertes et elle tient maintenant ses genoux presque l’un contre l’autre ; ça lui donne un air enfantin. Plus offerte. Plus disposée.

Elle oublie qui elle est, elle n’attend que l’heure de partir. Une danse? Ce n’est déjà plus tout à fait dans sa tête.

Elle est prête, pour s’endormir, bientôt chez elle, entre deux coussins froissés.

L’homme est à l’angle opposé. Un moment qu’il la regarde. Elle ne perçoit pas son manège, cela lui plaît. Il peut à tout loisir l’observer et il ne s’en prive pas.

Son regard est pesant, adhésif. Il paraît jeune, peut-être même très jeune, mais son habit, une sorte de frac version latine, rend son âge difficile à estimer. Il a cessé de reluquer la piste à la recherche des dessous des robes papillonnantes. Il fume lui aussi, sans stress, patiemment, avec un plaisir que ne peuvent avoir que les débutants de la cigarette. Ses cheveux, il les a tirés en arrière, plaqués derrière ses oreilles mais on ne peut pas savoir s’il les porte longs.

Il a déjà dansé deux ou trois tangos avec elle. Tout comme. Il la regarde et en même temps il la transporte sur la piste. Il l’a testée, tout à l’heure. Elle était sauvage et résistante. Il l’a serrée un peu plus près de son corps. Elle l’a regardé, avec des interrogations pleines d’innocence et d’inconvenance. Il n’a pas baissé les yeux. Il a continué sa danse, avec juste un petit sourire de plus au coin de sa bouche.

Trois fois la danse l’a repris. Trois fois il a renouvelé l’expérience. Il est prêt maintenant. Il est sûr. Il écrase sa cigarette lentement. On vient d’annoncer un trio de vieux tangos.

Il est prêt et il se dirige vers elle.

Tango:2 Blog

Elle a regardé sa montre une nouvelle fois. Dans quelques minutes, elle n’aura plus à attendre. Elle commence à ranger mollement ses affaires. D’un coup d’oeil, elle contrôle que tout est bien autour d’elle. Elle réglera sa consommation en passant devant le bar, en sortant.

Un de ses souliers s’est échappé. Brève dérive. Sans doute pense-t-elle à Cendrillon. Sa tête s’est baissée, son corps penché en avant vers son pied. Elle glisse son doigt à l’endroit du talon.

Elle est prête, elle aussi. Elle va s’en aller.

Il est juste devant elle. Tout proche. En relevant la tête, elle frôle le pantalon noir. Ce qu’il voulait. Elle ne fait aucun mouvement de surprise, ni de crainte. Comme il l’a prévu.

Seuls ses yeux et sa bouche questionnent. Il doit lui sourire. Elle ne dit pas un mot, ni pour s’excuser, ni pour signaler son départ. Il la prend par la taille et l’attire vers le centre de la piste.

Et la danse.

http://atomic-temporary-56466443.wpcomstaging.com/wp-content/uploads/2013/10/11-a-fuego-lento.mp3

Moment déterminant. Lui veut s’en tenir à ce qu’il a préparé, faire tout comme il l’a pensé, exercé. Se montrer sûr de lui, sûr de son choix aussi. Faire en sorte qu’elle pense que c’est elle qu’il veut, entre toutes les autres.

Sûr mais sans vanité, avec cette conviction toujours en tête qu’elle est son désir fort, espérant qu’il suffise de le penser pour qu’elle le sache.

Il se veut tout ça qui la fera se donner l’instant du tango.

Lui ne danse que de cette idée de conquête, de courte vie rassemblée en entier, l’instant de quelques pas faits ensemble. Elle est son choix. Il l’a élue pour trois pas.

Elle n’a pas encore repris conscience. Suivi sans mot dire, sans jeu de mots, sans jeu de séduction comme elle l’aurait fait peut-être si elle l’avait vu venir, si elle avait eu le temps de le deviner. Elle n’a rien choisi, elle. Elle est devenue dansante, sans le voir.

Elle voudrait qu’il lui parle, qu’il ne la laisse pas ainsi, n’osant pas le regarder, sans savoir la forme de ce visage, de ce corps dans lequel elle se moule maintenant. Elle a une main dans la sienne, l’autre posée sur l’épaule. Ses yeux à hauteur de la base du cou. Elle respire. Son odeur d’homme. Ses narines vibrent. Elle en reprend. Alors elle renonce à ses interrogations. Elle veut bien cette danse, la veut toute entière.

Le tango les a domptés.

Ils ne sont ni à l’un ni à l’autre. Ils sont à lui, à lui entiers, tout.

Leurs corps s’encollent. Jambes à jambes, bras à bras, ventre à ventre. La musique les cimente, les enchâsse. Rubis contre platine, métal dans la pierre.

Le bijou tourne dans une fierté, une élancée de rose pourpre. Il est d’épines, elle de velours. La lumière sort d’eux dans un éclat de bougie, toute résumée entre leurs poitrines et la barrière de leurs cheveux. Il fait chaud.

Le tango ne balance pas, pas encore.

Il est droit. Tout comme il avait construit son rêve.

Elle a sorti ses ailes rouges.

Le premier pour l’apprivoiser.

Elle suit. Elle obéit, ne pratique aucune fausse résistance, médusée, hypnotisée, oiseau face au danger. Elle n’a plus de questions, de retenues. Elle ne sait d’ailleurs plus rien de ce qu’elle veut. Quelque part son sac à mains et sa jaquette de mohair noire…

Elle souffre. En elle, une infinité de tourments multiformes chavire son corps et ses mains portent le masque de sa peur. Elle se cramponne à lui. Parce qu’elle respire son heure qui est là et que trois tangos c’est court.

La musique entre en elle. Chaque note; chaque soupir du bandonéon la griffent parfaitement du cou jusqu’au bas du dos, là où la main de l’homme s’est posée. Possédée.

Mais il peut venir, aller, la mener contre lui et faire ce simulacre de vies, ce simulacre de nuits. Elle ne prend encore aucun risque. Bientôt il inclinera sa tête vers elle et la laissera partir. Parce que c’est son lot, que c’est la  fin de toute  danse.

Le deuxième tango pour la connaître.

Il la sent, à son tour, comme un encens monté en fleurs. Il respire cette moiteur parfumée qu’il y a dans sa chevelure. Ses cils frémissent. Il se tient, se maîtrise. Juste sa main qui presse plus fort la sienne, le temps d’un bémol. Il  veut ressentir son corps, en prendre vraiment l’empreinte. Il se rapproche plus près encore, dans un double pas d’avant en arrière et prend une respiration plus large. Son torse s’est gonflé; il peut la toucher presque entièrement. Et ses jambes qui glissent entre les siennes.

Le tango les enlace.

Elle oublie de mettre des mots sur ce qu’elle sent en elle. Elle se veut indistincte.

C’est à ce moment que la main de l’homme a frémi. D’une manière imperceptible, mais qu’elle comprend plus fortement qu’un message. Elle sait soudain son pouvoir. Ils faisaient corps, parfait mélange, imprégnation. Ce n’est plus le cas. La main de l’homme a tremblé. Elle a rompu le charme, l’envoûtement de leur danse. Il ne danse plus. Maintenant, il désire.

Tango:3

Le troisième pas pour la séduire et la vaincre.

La trompette descend son escalier musical; elle claironne le tempo de l’hallali. Les solistes s’installent et un léger et percutant roulis de caisse claire ouvre le tango ultime. La mélodie traditionnelle va larmoyer dans son duo pathétique de violon et de contrebasse. Qu’importe, c’est le tango.

Elle est devenue cette corde, et lui sa réponse en écho d’ harmonium.

Tout le reste de l’orchestre scande leur parade. Un deux trois. Un deux trois. Comme les poussant à un débridement intérieur et un tournoiement incessant.

L’orchestre a vu. Il ne veut pas conclure son morceau, pas tout de suite. Il a pris le parti de l’homme. Il ne veut pas rompre cet instant de charme. Son chef soulève parfois ses gros sourcils en guise d’encouragement.

“ Allez! Allez! ” Il est au piano et cela lui laisse du temps pour battre le rythme d’une main; de l’autre il encourage les danseurs à des attouchements qu’il ferait bien siens.

C’est un bal de solitaires, dans une salle triste et démodée et qui ne désemplit pas d’anciennes belles gueules, encore et toujours assoiffées de tendresse.

Ces deux-là ne ressemblent à rien.

Quelque chose a traversé l’esprit de la femme en rouge. Elle baisse la tête lentement, comme si elle avait honte ou alors un regret.

Maintenant, elle tourne les yeux vers les autres. Elle voit que tous la regardent, qu’elle ne peut pas s’échapper à travers eux, qu’ils la ramènent à cet homme avec encore plus d’insistance. Il lui faut poursuivre et montrer qu’elle est assujettie à ces bras de tenaille. C’est ce qu’ils veulent et qu’elle ne peut pas accepter. Elle est revenue mentalement à sa table, a emballé ses affaires très vite. Elle se voit courir vers la porte… C’est ce qu’elle fera tout à l’heure, quand la musique cessera.

L’homme sent ce quelque chose qu’elle pense. Il baisse sa tête vers elle, seulement la tête, en la tournant légèrement pour mieux l’obliger à le voir. Il veut rester puissant, ne pas quémander sa patience. Il n’use que de ses yeux, dans lesquels il voudrait inscrire “ Je vous veux…” pour la soumettre.

Elle résiste encore, même si elle a déchiffré clairement son message. Elle résiste et pourtant, elle ose cette fois le regarder… et lui montrer ses doutes. Il n’attendait que ça.

Alors, sa main remonte légèrement. Elle ne tremblera plus. Il est à nouveau maître de lui. Il est le maître.

Ils tournent maintenant d’une manière de connivence. Ils ont peut-être enfin chassé leurs pensées, celles qui les tenaient encore à l’écart d’eux-mêmes. La musique les saoule; ils sont à sa dépendance

La musique se poursuit. Il ne peut y avoir de conclusion. La piste toute entière s’est vidée et eux s’y déhanchent, et chaloupent, et tanguent. Leurs corps ondoient sur cette mare humide de sueurs. Ils le font avec gravité. Pas un sourire, pas un éclat de joie. En face de la douleur, se tenant derrière une grille, dans un monde des convenances qu’ils vont quitter.

C’est la frontière de l’interdit. Fil imperceptible à tous les autres.

Funambules habiles en rétablissements. Ils n’ont que cette marque contre laquelle déferler et contre laquelle chacun de leurs pas les renvoie. Barrière invisible mais palpable et impulsive.

Si attractive et refoulante à la fois…

Deux billes prisonnières d’un aimant qui les manipule.

Ils dansent dans l’arène d’une corrida électrique.

Elle s’est pliée d’abord. A fait sienne la volonté de l’autre.

Quelques pas encore ainsi. Mais voilà qu’elle reprend son autonomie. Elle esquisse puis trace des mouvements qu’elle seule peut faire. Elle pivote lestement ses hanches, se présentant ainsi aussi de l’arrière; aussitôt il ajuste son corps, pour que jamais elle ne lui manque.

Il s’emboîte à nouveau. Elle lève une jambe; il rétablit la symétrie. Elle lui dévoile une partie de son épaule; son dos à lui aussitôt se redresse en signe de gratitude.

Ils dansent, souverains.

Il tenait la main de la femme loin de lui. Mais il doit agir parce qu’il sait que la musique va s’éteindre, qu’elle va bien finir par se taire. Alors tandis que l’orchestre donne le signal du final, il l’approche de son coeur, tout contre lui. L’autre main se déplace jusqu’à l’opposé de la taille. Ils s’arrêtent l’un contre l’autre, très proches. Finalement unis.

Le tango est mort.

Son dernier souffle bat une tocade entre coeur et cou. Des yeux gris se baissent et rencontrent des mains jointes. Lui a l’air grave et quelque chose qui monte vers elle.

On est vendredi et le bal bat son plein.

Prendre par le fil
Par la corde de chanvre
Son pied
La tête est sang dessus dessous
Le froc baisé
Les ailes rondes du papillon du dos
L’air au passage du tunnel de lavage
Globes, boules et bulles
Coincés à jamais de notre anneau brisé

http://atomic-temporary-56466443.wpcomstaging.com/wp-content/uploads/2013/10/09-el-dia-que-me-quieras.mp3

FIN

Texte : Anna Jouy
Reprise de 17, 18 et 19 octobre 2013
Audios :
Mi Buenos Aires Querido (Carlos Gardel)
A Fuego Lento (Horacio Salgan)
El día que me quieras (Le jour que tu m’aimes, Carlos Gardel) –
Daniel Barenboim pi, Rodolfo Mederos bn, Hector Console cb

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Alors le don de Venus…

12 mercredi Fév 2014

Posted by lecuratordecontes in Anna Jouy

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Anna Jouy, L'amour qui ne se dit pas

don de venus

Les vagues de silence des blancs de théâtre
Le bruit du vide quand battent les ailes
Le noir efface les murs translucides
Et emporte avec lui les restes refoulés de l’air
Elle, étouffée de la nuit comme une claustrophobie

Le damier de gros galets basaltiques, avec ces creux d’eau turquoise et ces creux d’eau noire.
Les images de ce bras du fleuve ne ressemblent à rien. Elles se mélangent de vert et de bleu, décrètent des ordonnances de grisaille nouvelle. Sans limite jusqu’à l’horizon. Il n’y a d’autres ombres que la sienne et celles de ces roches. Il a les pieds dans l’eau, d’une pierre à une autre pierre, surveillant le pincement des écrevisses.
Précautionneux et habité de son ennui. Quelques pas encore et il rejoindrait peut-être cette boucle de métal, le couvercle d’une soute abandonnée au sel de l’eau.
Indéfinissable représentation de ce qui ne sert à rien et qui ne trouve pas sa place, ni dans cet élément ni dans l’air.

Indéfinissable représentation de ce qu’il ne peut atteindre. Il y a devant lui, un creux qui l’obligerait à se mouiller jusqu’au col s’il lui prenait l’envie d’y aller !
C’est une énorme boite de conserve, une canette de bière, laissée à rafraîchir dans le courant. Et qu’il ne peut plus récupérer.
Cela fait une belle semaine de distance prise avec le travail. Venu déposer ses doutes sur le fil du lac Assad. Venu chercher ici dans cet endroit vierge de nom et de carte de visite, face à ce jeu de mosaïque, de gros galets rouille et vert, la réponse.

Ce pays, ce lieu de villégiature choisi en pointant son index sur la carte. Le sort l’a jeté vers ce bled de Syrie. Village déserté du progrès, érigé ici et là de friches industrielles, sculptures contemporaines usant de cette mousse de métal que produit la brûlure du soleil et de l’eau.

Il est là. Sans savoir pourquoi, avec cette confiance faite en la nécessité d’y être.
Jusqu’à cet instant, seuls l’agacement et la nervosité qu’il y a à perdre son temps l’ont peuplé.
La bagnole qu’il a réservée ne lui sert pas à grand-chose. Dans les environs, il n’y a rien ; rien à voir, rien à acheter, rien à faire.
Dès les premières heures, il s’en voulut d’avoir pris cette décision. Il espéra deux jours encore que quelque chose se produise et puis face à ce qui ne pouvait changer, il se composa un autre regard sur son séjour. Il n’y avait ici que le silence, alors que le silence soit, qu’il lui montre sa profondeur, qu’il lui donne sa dimension, qu’il se fasse en lui comme autour de lui.

Elle est restée dans l’appartement, chez eux.
Pas cette fois, avait-elle dit. Je n’en ai pas envie et puis je crois que quelques jours…

Lui avait immédiatement trouvé l’idée excellente. Oui partir en solo, pas plus mal aussi de donner des vacances au cœur en même temps qu’au corps.

Elle avait souri, levé les épaules. Peut-être avait-elle espéré qu’il fasse opposition, du moins mollement, du moins pour la forme. Mais il n’avait rien senti d’autre venir en lui, qu’une sorte d’excitation à envisager des découvertes et des rencontres même comme il en faisait dans sa jeunesse… Et donc il n’avait pas su lire ce début de chagrin qui avait investi lentement leurs quatre murs, tandis qu’il échafaudait virtuellement des projets fantasques et coûteux.

Son doigt avait fini par glisser sur la mappemonde ; il avait pris cela pour une injection faite par le hasard et la vie. Tout au moins s’était-il résolu à penser ainsi pour faire face à son indécision viscérale.

Il se promène sur la plage, pierres et sable grossier en se dirigeant vers le port du village. C’est le seul quartier qui soit un peu animé. Des hommes y jouent au rami ou au trictrac. Il y a des gosses en shorts de laine et pulls en tricot qui escaladent des carcasses de bateaux, des filets de pêche pendus, et partout des débuts de constructions inachevées ou abandonnées jusqu’à un retour de fonds. Rien ici n’est aménagé pour la baignade, le farniente ou la drague sur nattes de bronzage.

On y travaille, mollement certes mais tout de même, il y aurait, il y a de fait, une inconvenance à promener ici son oisiveté et son besoin de repos. Et c’est bien ce qu’il ressent en longeant sans but, les mains au fond des poches ce chantier permanent qu’est le bord de l’eau.

Tout l’étonne ici. Le beau ne ressemble pas à celui de chez lui. Murs délabrés, amalgame de graviers, fondations noyées de vieilles bâtisses rasées, façades de maisons neuves dont on voit pertinemment qu’elles ont été commencées il y a une dizaine d’années déjà et qu’elles demeureront ainsi encore longtemps. Poussière partout ; copeaux de métal ou de bois… C’est dans ce paysage que ces gens se sentent bien, qu’ils se lèvent chaque jour et cela sans avoir besoin jamais d’y passer une machine à balayer les routes ou un ramasse crotte mécanique matin midi et soir.

Il aurait pu donner un coup de pouce à la chance en retenant son doigt sur le site d’Alep, ville historique. Mais en fait sans faire de recherches, il avait pensé intéressant de s’installer quelque part sur le fil de cet immense lac artificiel, stase veineuse toute en longueur sur le parcours de l’Euphrate. Mais il n’y avait rien là, que cette eau primordiale, cette eau gardant la vie.

La terrasse vert pâle d’un café. Des chaises au bois jauni autour de tables carrées, toutes identiquement tournées vers la rue, posées pour la contemplation d’un spectacle qui devrait s’y dérouler, peut-être. Le samovar bout, le narguilé fume. Un vieux militaire rêve, le regard plongé dans un des innombrables portraits du chef de l’Etat encollés aux murs.

Il s’assied. On vient vers lui pour côtoyer l’étranger un instant mais avec cette méfiance inscrite dans la loi.

– Je voudrais du thé, dit-il sans être sûr de se faire comprendre.

Le garçon revient avec une bouteille de Coca, un sourire de connivence sur la face.

Il attend qu’on le paie. Les choses se déroulent dans une torpeur, une sensation d’impossible à faire bouger, à faire avancer, à accélérer.

Il y a dans l’air une anesthésie des gestes ; ici, la mécanique du temps est crantée plus large. Les secondes sont des blanches ou des rondes, les jours des lamentos hors mesure.

Un chant nasillard s’élève de l’arrière-boutique. Peut-être un chant populaire ou alors le dernier tube du coin.

Une Ford des années 50 passe en ronflant son diesel. Il suit de l’oeil.
Puis un porteur, avec des sacs très lourds sur sa charrette.
Un chien mité. Deux bédouins en keffieh.
Un vélo et puis encore un vélo. Un commerçant et des cageots de plastique vert. Des gamins qui courent.

Un taxi et son passager.

Le véhicule s’arrête en face de la terrasse. A côté d’une série de fenêtres grillagées faites dans le bâtiment voisin. Toute l’embase en est sculptée de fleurs et de lierre dans une géométrie parfaite. Les barreaux de métal protègent ici une source froide, une eau coulant en spasmes et dont les vertus seraient de guérison. Peut-être une eau soufrée ou alors riche en bicarbonate bon pour la digestion, selon ce qu’il a déjà constaté.

Le passager du taxi descend. En fait, il s’agit d’une femme, entièrement enroulée dans un voile sombre. Elle baisse la tête, masque encore plus sa face et tient dans sa main une bouteille. Qu’elle vient probablement remplir.

Elle tend le bras au-delà du fer vers le goulot. Et tandis que, lentement son vase s’alourdit, enfin elle se retourne.

Des yeux immenses, très verts, sourcils en oiseaux noirs volant sur le ciel couleur de sable du front. Elle l’aperçoit, détourne légèrement son regard.

Il y a entre eux cette rue de terre, la garde vigilante du taximan.

A peine la voit-il qu’il est imprégné tout entier de la situation.

L’inexistence, là devant lui. Etre humain que des sacs d’étoffe étouffent jusqu’à l’informité, jusqu’à l’infirmité. Son regard, seul lien entre elle et ceux qui la voient. Personne ne pourrait la définir, personne ne saurait l’extraire de sa croûte de sel, sa gangue de substances.

Dans le fond de ces yeux verts, tout reste à l’état de suppositions, inconnues dont la question est : vivante ou non ?

Malgré ce qu’il sait, malgré qu’elle, comme lui, sont fait de la même chair, la voyant ainsi, il est l’œil au trou de la serrure, avec ce que l’imaginaire fait en cachette.

Combien de jambes a-t-elle ? Araignée ou kangourou ! Est-elle à poil ou à plumes ? Végétale ou granitique ? Fluide ou matière ?
Et puis est-il chaud ou froid, lumineux ou obscur , son paysage ou son air ?
Retenu dans le filet d’écharpes et de cordes, ficelé, cet être cache sa tare de vivre.

Alors très nettement, lui, l’homme comprend qu’il détient en son regard le pouvoir de la créer.

Elle le fixe un bref instant. Soif d’eau et soif aussi de ce qu’elle n’ignore pas qu’en d’autres lieux, la femme peut exister. Il y a la gratitude de ce qui est un puissant souffle de vie, passant au travers de la route. Cet échange ne dure pas. C’est une poignée de respirations l’une sur l’autre.

Déjà elle se retourne. Déjà elle surveille à nouveau son récipient.

Sur le bord droit de la fenêtre il voit sa main qui s’attarde, une main baguée, fine et longue. Il y a là quelque chose, une forme qu’il ne distingue pas de sa place, une forme prise dans le marbre ocre. Elle semble la caresser de ses doigts et puis, juste avant de remonter dans la voiture, il la voit poser ses lèvres sur la pierre, petit baiser léger et aérien comme en donne parfois aux pieds des madones.

La poussière retombe sur le sol.

Il se lève et traverse la route. L’eau fait à nouveau ce bruit de gargarisme dans le bassin profond et étroit, comme une poche sertie à la roche. La fontaine est divine, force céleste jaillissant du sol. De tous temps ici, les humains rendent grâce et assouvissent leur soif de vivre. Les filaments végétaux sculptés dans les pourtours de la fenêtre l’attestent et le redisent encore et encore.

Et puis il se souvient de la niche et s’y penche. Il y a là, presque dissipée sous l’effet des hommages, les formes brillantes d’une femme, d’une Venus aux formes adoucies de qu’elles ont été aimées.

Alors de ses doigts grossiers, à son tour.

Saisi d’une sensation de plénitude et de plaisir. Sous la main, le même bonheur que lui ont toujours donné ces formes. Plus précis, plus net du lisse du marbre, plus caressant et voluptueux de ce que mille et mille femmes ont déposé ici leurs lèvres de silence.

Restée là en suspens, la douceur de la dernière visite. En suspens encore les pensées généreuses qui ont traversé sa personne il y a si peu de temps.

Il est là pour tout recueillir, pour recevoir, pour en prendre possession.

Il absorbe cette odeur de vanille cuite qui suinte de la pierre, et puis cette poudrée senteur d’encens qu’il imagine brûlée par le soleil et qui fait à ses pieds un sable doux.

Les yeux se ferment. Le taxi est loin maintenant.

Dans l’opacité de ses paupières, il la voit, elle sa compagne, pareillement accoutrée de tous ses préjugés. Il la voit couche sur couche, voilée de tout ce qu’il attend d’elle. De ce qu’il pense lui être utile, si nécessaire… Elle, portant les dentelles et les velours de la maîtresse, le tablier de femme de ménage, celui de cuisinière, et encore le tailleur de la brave épouse. Tout cela qui fait d’elle, cette ombre qui glisse désormais dans sa vie.

Il voit juste ses yeux dans le cadre d’étoffes, ce dernier regard triste qu’elle lui a donné sur le quai du départ. Quand il regardait ailleurs, quand il avait fermé d’un baiser sec la route qu’il y avait entre sa terrasse de vacances et la source presque asséchée où elle cherchait à boire.

La Venus brille sous la lumière nouvelle. Elle a des seins à peine effacés et son ventre rond est luisant des frôlements ; sa tête levée cherche le chaud du soleil et s’offre. Lui aussi, il voudrait y poser ses lèvres car il n’en doute pas, elle est sûrement sortie de la pierre pour ça, de cette envie d’être embrassée, surgissant dans la vie par l’attrait de l’amour et des caresses.

Et c’est au corps de sa femme qu’il pense.

Sur le lit de coton blanc, il tient encore ses yeux clos.
Il a mangé du blé et bu le maté avec son aubergiste.
Il a causé un peu dans un anglais hésitant avec ces jeunes gens qui le regardaient pleins d’interrogations.
Il a fixé encore les prochaines étapes de son séjour. Oui, il ira à Alep et aussi à Palmyre.

Sa peau frissonne. Il songe. Pendant quelques minutes, une part de lui a émergé hors de la pierre devant une fontaine. Cette vision… pour laquelle il avait peut-être fait ce voyage. Il sait que désormais il y a accès sans avoir besoin de la chercher, prête à l’usage. Son regard est un outil, son regard est une force.

Et demain, quand il franchira enfin le seuil de sa maison, il dévêtira sa femme lentement et tendrement, sachant que c’est de lui que lui vient sa beauté et que c’est d’elle qu’il est un homme.

Elle sera danseuse aux grandes voiles, habitée de l’eau, des parfums et du sable tendre que fait le soleil.

Boule de glaise grise
Tu m’as massée et chauffée
Jusqu’à sentir à cœur l’accord et le corps de la terre
Que me voulais-tu
Moi grossière forme, esquisse et envisagement
Sous ta main j’ai pris tête
Nuque sous le fort de ton pouce
Souffle maintenant, je veux vivre

 

Texte: Anna Jouy
Image: Leila Bekhti en ‘La source des femmes’

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La position de l’herboriste

05 mercredi Fév 2014

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Anna Jouy, L'amour qui ne se dit pas

la position de l'herboriste

Mais qu’a donc la nuit qu’elle soit l’éternel habit des
amants ?
Et qu’avons-nous à repeindre  nos yeux des khôls de
la cendre
Qu’avons-nous à cacher, quand on voudrait donner,
qui nous fasse des suaires de noirceurs
La couche des ombres et l’insaisissable rêve de
l’apnée.
Le jour patiente, qu’enfin il devienne l’amour.

Un jour, un ciel.
Route sans peine. Un chemin d’herbes médicinales parce que soutenant le plaisir de l’œil. Il les admire. C’est une première. Mille fois déjà sur sa route mais jamais véritablement appréciées ; placées là par le hasard du vent pour semer sur son passage les pétales des honneurs ? Pourquoi pas.
La maison est à l’extrémité. Celle qu’il veut faire sienne bientôt, celle qu’il veut connaître par tous les coins de l’horizon avant que de la miser.

Il a pris la route, une cicatrice au travers de la prairie. Un accès voilé de la propriété que personne ne pourra emprunter sans qu’il n’en ait fourni le droit. Détour pittoresque par les champs et la forêt, liaison potagère entre le bled d’à côté et ce hameau.

Il ressent l’allégresse d’un drôle de rendez-vous. Lui arrivant par là et elle qui devrait bientôt apparaître dans sa petite voiture, son drops acidulé, par la nationale qu’il devine dans le fond.
Il n’y a pas de grille, pas de portail.
Juste une trouée faite belle dans le bocage.

– Alors cette approche ? dit-elle.
– Plaisante, parfumée…
– As-tu trouvé facilement ?
– J’ai demandé, un paysan…
– Treize minutes depuis le travail, une bagatelle, tu ne trouves pas ?
– Donc j’en mettrai cinq de plus. Regarde, elle a un air bucolique depuis ici. Cette vigne qui grimpe vers l’étage, c’est… comment  dire… anglais tiens !
– Anglais ? Mais non, c’est italien ou provençal !
– J’aime bien aussi ce crépi délavé… Ça lui donne un air de déjà vécu intéressant.
– Tu ne veux pas faire repeindre ?
– Pourquoi? Si ce n’est pas nécessaire, je suis contre.
– Toujours ton goût pour le passé ? s’amuse-t-elle.
– Mes vieilles nostalgies.
– Visitons, veux-tu. Ce sera bien la quinzième fois, non ? Je me demande ce qui te fait hésiter pareillement ?
– Je me le demande aussi, sourit-il mystérieusement.
– C’est vrai, ça. A chaque fois, tu t’exclames de satisfaction ; tu rêves chaque pièce, tu décores les coins et tu rénoves mentalement ici et là et puis tu repars sans avoir pris ta décision… C’est une question d’argent ?
– Non, ce n’est pas exactement ça, mais en effet, je ne veux pas rater mon investissement.
– Je ne te comprends pas mais ça ne fait rien, rit-elle.

La cuisine est ancienne. Un endroit qui respire ample et profond. Pas besoin d’aimer la bouffe pour savoir qu’ici se dérouleront des agapes sans fin, que les amis ne décolleront plus de leur banc, que les enfants y suceront leurs doigts de sucre… Il tourne pourtant dans la pièce, le nez en l’air, absorbé par quelque flair indispensable et inquiet.
Elle babille. Les fourneaux, les assiettes, la table, la couleur des armoires… Un  rêve volubile, exalté, plein des joies futures.
Il s’attarde à la fenêtre. L’air intéressé.
Il y a dans le fond du jardin, un bosquet d’arbres légers, aux troncs minces et aux ramures pleines. Un endroit… attirant.

Ils montent à l’étage.

– Ici, je verrais bien ton bureau, non ? Regarde, cette niche serait parfaite pour y aménager une bibliothèque. Et puis là, un fauteuil face à la fenêtre. Comme c’est bas de plafond, il te faudrait un éclairage… chaleureux mais surtout aérien, tu vois ce que je veux dire ?
– Pourquoi ne la prendrais-tu pas pour toi, celle-ci ?
– Elle ne te plait pas ?
– Si, mais j’ai l’impression qu’elle t’inspire vraiment !
– Tu as peut-être raison… Il faudrait que je me projette…, poursuit-elle.

Du papier peint peut-être, un vase bleu, une étoffe sur la bergère… L’espace se remodèle, romantique et éthéré. Il écoute et s’amuse à la voir si créative dans ses projections. Elle a toujours été comme ça. Débordante et bizarrement pleine de retenue.
Mais la fenêtre. Ici la vigne prend ses aises. Premiers rameaux flottant à la barbe du paysage. Les feuillages du bosquet se balancent  sous un souffle tiède. Il y a tout autour un gazon épais, charnu, nourri par une nappe souterraine. Et puis, comme une bordure de fleurs dessinant un collier dans l’herbe. Etrange, vraiment.

– J’aime particulièrement l’escalier, glisse-t-elle. Je sais bien que mes amies me plaindront d’avoir à en cirer les marches, mais je ne comprends pas pourquoi il faudrait toujours penser pratique. J’ai besoin de beau…

Il lui passe le bras sur l’épaule.
– Comme moi ? dit-il.
Elle sourit, si délicieusement gênée.
– J’aime aussi le grinçant de ce bois. A chaque fois, il chante, tu entends ? Quand nos filles sortiront en cachette, il nous rendra bien service ! rigole-t-il.
– Hou là, quelle longue vue, monsieur ! Mais ce n’est pas là le moindre de vos talents… Pourriez-vous me dire, comme cela  à vue de nez, quelle figure vous leur apercevez, à ces filles ?
– Elles ont de grands pieds, et puis des bas qui tombent et de vastes tabliers remplis d’escargots ; et elles sont terriblement jolies, enfin je crois… je ne suis pas sûr…
– Allons donc, elles sont superbes tout simplement, vous êtes un extralucide de pacotille, monsieur !

– Ici, ce serait idéal pour faire un espace de jeu et de détente. La baie vitrée est si grande et rend tout agréable et gai. Regarde cette boiserie et ce plafond ! Des bijoux, non ?

Il est à la fenêtre. Le parc paraît avoir été creusé dans un nid d’arbrisseaux. Tout autour de lui une haie d’essences diverses, lui faisant un berceau. Derrière ce tressage, les champs du printemps, le tranquille abandon de la campagne. Il sourit à nouveau.

– Une pièce ouverte… oui pourquoi pas. Je ferai poser un tapis central, si tu le trouves utile.
– C’est plein de microbes ! minaude-t-elle.
– Oui, mais c’est bon contre les petites fesses froides…
– Ben voyons… Est-ce une raison pour glisser votre main sous ma robe ?
– Je contrôle la température, je vérifie et je prends les mesures ! se justifie-t-il.

Chaque pièce est visitée. Minutieusement. Revoir les rêves qui les accompagnent et les habillent, revoir les lumières qu’elles auront, reprendre le film du futur dans de nouveaux cadrages.

– Alors que décides-tu ? finit-elle par dire. Est-ce l’endroit qu’il nous faut ?
– Je ne sais pas.
– Je ne te reconnais plus, tu sais ! Toi toujours si décidé, si sûr de toi… C’est un peu déstabilisant.
– Elle te plaît ?
– Mais que pourrions-nous espérer de mieux ?
– En effet, la maison est quasi parfaite. Elle est presque tout ce que j’ai rêvé…
– Presque ?
– Oui… Il me reste à voir le jardin.
– Pardon ? Le jardin ? Là, je ne saisis plus. Il est magnifique ce jardin, non ! rigole-t-elle.
– Je ne sais pas trop…
– Alors, viens. Marchons, allons-y faire un tour ; visitons-le ce jardin !

Ici, la roseraie, fine bande plantée de bouquets.
Les framboisiers, les raisinets, le lilas bourgeonnant, la spirée en pleine inflorescence et puis l’espace gazonné sur lequel on posera une table ou une chaise longue quand l’été sera venu.
Et là-bas, la brassée d’arbustes dont le ramage tombe. Tout devant, la touffe de jeunes jonquilles qui attiraient son regard comme il allait de fenêtre en fenêtre.

– Nous devrions couper ces arbres, non ? dit-il.
– Mais enfin ! Es-tu fou ? Pourquoi donc ? Qu’est-ce qui te gêne dans ce coin… C’est magnifique, tout simplement superbe !
– Mais je les sens…je ne sais pas comment dire…

Elle l’y amène, voulant le convaincre de renoncer à un tel projet.
– Mais que leur trouves-tu donc, qui ne soit pas irréprochable ?
– Je perçois…
Il  paraît contrarié, secoue les feuillages, en fait le tour dans tous les sens et prend la mesure des environs. Ici, le champ, là, le taillis des framboisiers et des baies, un enclos végétal arrangé par le hasard ou le propriétaire pour des projets particuliers peut-être…
– Mais c’est ravissant, voyons…dit-elle encore.
Il se retourne brusquement.
Alors ses mains l’attirent vigoureusement à lui. La font basculer dans l’herbe.

– C’est qu’en fait, il traîne ici comme une invitation à commettre l’irréparable… dit-il en relevant la tête pour jeter un nouveau coup d’œil. Elle, surprise.

– Connaissez-vous madame, la position de l’herboriste ?
– Hein ? Non mais, je ne demande qu’à apprendre, joue-t-elle d’une voix émue.
– Cette maison ne sera mienne que  si ce lit-là vous convient…
– Ne faudrait-il pas commencer par en parcourir les pièces ?
– Bien sûr, mais je vois déjà que sa situation naturelle m’offre un des plus envoûtants paysages…
– Ne craignez-vous pas que son architecture ne soit par trop antique ?
– Maison de maître, avec feuilles de vigne. Approche sauvage, fraîcheur en été et feu d’hiver… Un coin de paradis, me semble-t-il… Mais je crois qu’il me faut tout de même en faire une visite plus approfondie… Les clés ?
– Avec un doux baiser, vous les aurez…

Il relève son corps et porte un instant à nouveau son attention aux alentours.
– Les veux-tu vraiment ? dit-elle
– Oh ! Que si ! Je fais ma dernière vérification avant de parapher tout ça….
– Aime-moi… aime-moi, aime-moi… se plaint-elle alors.
– Le jardin est fertile, je crois que je peux y faire pousser deux ou trois bambous…
– N’oubliez pas de l’arroser… rien ne sert de repiquer dans un terreau trop sec.
– Montrez-moi donc la source ?
– Cherchez-la, le jardin est immense, une oasis  de verdure.
– Ici ?
– Hummmm…
– Est-ce la langue des nains ou celle de Blanche-Neige que j’entends ?
– Apprenez, apprenez… Parlez la langue de mes lèvres.
– Celles qui baisent ou celles de votre silence si doux ?
– N’êtes-vous plus ce polyglotte accompli ?
– Hum… Hm… grogne-t-i

Alors, il la plante, l’enterre, l’enfonce lentement et puis passionnément.
Elle s’offre des rosées de plaisir.
Jamais la terre ne lui est apparue si soyeuse, la saison porter tant de sève et de jeunes pousses.
Jamais encore, le ciel n’était venu si bas sur sa chevelure et son front.

– Quelle maison ! dit-il en riant au soleil, couché sur le dos.
– L’achètes-tu ?
– Oh ! Que oui !
– Tu t’es décidé ?
– C’est fait. J’ai tout vérifié.
– Je ne saisis pas trop bien…, s’amuse-t-elle.
– Tout ici est fait à ma mesure…à la nôtre. Je voulais goûter l’amour dans cet endroit. Je voulais savoir comment cette terre accueillerait mon désir, comment elle ploierait sous nos corps, comment elle saurait nous offrir du plaisir, comment elle le ferait grandir…
– Et…
– Nous aurons … au moins deux filles.

J’aimais sur le sol, couchée dans la rivière,
La jambe sur ton cou et le reste au soleil
Fécondée de Nature, de chaleur et du bruit des insectes. Penché sur ton labeur, tu prenais l’horizon
J’étais alors le monde surgi du fond de l’eau
Le bord de la rizière au temps de la mousson.

Texte: Anna Jouy

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Nourritures

29 mercredi Jan 2014

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Anna Jouy, L'amour qui ne se dit pas

Pierre et Marie

Serpe allant d’un sens aiguisé à un autre
D’or comme la pupille droite du félin
Arasant les coupes des sels et des mousses.
A chaque coup, la cuisson des vertèbres
Et le séisme soulèvent et tendent
Les vigies et les voiles à la verticale
Alors que la mer se met en cale
Là-haut, là-haut toujours il pleut
Il pleut le plaisir de l’aimée

Le restaurant s’appelle l’Assiette creuse. Dans un immeuble classe moderne et confort, touche blanche au-dessus d’une friche forestière incongrue dans la ville.

La cuisine, cœur agité et pompant à un rythme de sprint, les énergies et le génie de Pierre deux fois par jour. Se vide et se remplit ainsi. Oreillettes et ventriculaires, coups de feu sur coups de feu.

Aujourd’hui, un lapin du pays dans une papillote de thym et du colrave primeur. Le menu est simple et fin. C’est vers l’épuration systématique de son art culinaire que Pierre va depuis quelque temps.

Pierre, la belle cinquantaine, bedonnante et généreuse, les pognes larges et le rire qui va avec. D’apparence tout en lui le met dans cette catégorie d’homme doué pour la vie, fait du bon tressage des osiers souples et résistants à tous les vents.

Pierre a de la joue, le sourcil agressif, le regard bien décidé à ne jamais laisser quiconque passer près de lui sans y porter intérêt. Souvent d’ailleurs, l’autre se détourne, gêné de cette exigence de sincérité. Mais c’est son métier de dégotter et d’exhumer le meilleur des produits de la terre. Et chez lui, l’être humain mérite l’attention chirurgicale qu’il porte à ses créations gastronomiques.

Il respire la plénitude. Voilà peut-être ce qui le définirait le mieux ou du moins comment les gens le perçoivent. Un homme heureux, un homme qui a une place magnifique dans l’existence, -quelle satisfaction que de nourrir ses pairs- et qui recrée chaque jour l’éphémère, un art faisant la nique au Temps et à la durée.

Il s’est voué à ce sacerdoce. Accompagné par Marie.

Marie vit dans les senteurs de Pierre. Elle est ronde, pleine comme un fruit d’été, la peau tendue et ferme. Entièrement nourrie de ce que son chef lui apporte. C’est elle qui balance entre les tables et pare de mots délicieux ses inventions ; c’est elle qui met l’eau à la bouche des convives, c’est elle qui propose le vin, elle qui fait du repas, le partage.

Marie et Pierre, c’est une histoire. Une longue histoire.
Elle et lui.
D’abord collaborateurs. Un patron et une employée, femme douée pour la restauration, faite pour, même !
Un sens inné des saveurs, un don pour les plaisirs de la bouche, une générosité naturelle.

En Marie, Pierre avait trouvé le portrait exact de la femme, telle qu’il la lui fallait. Une personne de confiance, travailleuse et d’une excellente présentation. Il n’avait aucune ambition familiale, aucune autre matrimoniale. Cependant, un restaurant ne se conçoit sans une présence féminine. Alors l’engagement de Marie était une de ces chances formidables qu’il savait devoir saisir.

Entre eux donc, les choses furent claires. Dès le départ.
Dès le départ cependant, le cœur de Marie en pinça vilainement pour son génie bonasse. En femme de raison et d’efficacité, elle trouva qu’elle avait une place enviable malgré tout. Et puis l’estime taquine de son patron valait mieux que rien du tout, et elle mit son cœur plutôt à l’ouvrage.

Après quelques années de service midi et soir, Pierre était devenu plus paisible, plus souple aussi. Marie embellissant encore, il en vint à lui trouver plus que du goût.

Débuta alors une période de mignardises et de petits desserts pris à la sauvette. Marie, c’était comme une nouvelle saveur sur la terre. Elle sentait une odeur inconnue d’offrande ; elle avait du miel, ou peut-être un piquant de caillé. Elle laissait derrière elle une senteur de lait poivré et puis de charmille et puis d’orange… Pierre n’arrivait pas à définir ce parfum comme il en était capable pourtant avec une telle aisance dans son métier.

Elle prenait ce qu’il lui donnait. Ces croquants, ces becs en sucre. Dents contre dents, comme des gourmandises, des excursions en pays de douceur et d’amusement. Elle se gardait bien de jouer d’autre rôle. S’il la voulait entre deux chaises, entre deux portes, entremets, elle s’en contenterait. Le progrès dans leurs rapports lui apparaissant fragile et volatile, elle s’en serait voulu de porter d’autres demandes qui auraient pu le faire fuir.

La complicité s’étoffait cependant. Jour après jour, Pierre prit conscience de ce que Marie lui offrait, de ce qu’elle était et il ne pouvait s’empêcher de la contempler. Oui, si quelqu’un lui avait alors demandé s’il l’aimait, il aurait pu lui répondre : Marie, mais c’est ma vie !
Mais personne ne s’inquiétait de ce couple étrange. Soit on en avait fait une affaire qui roule, soit une non affaire; bref en tout cas rien de nouveau sous le soleil et donc dans les gazettes locales. Et personne ne lui faisait prendre conscience de ce qui s’était noué entre eux.

L’odeur d’un moelleux chocolat, le sucre fort d’une crème brûlée tournent en ce moment sur le piano et sa narine frétille.

Pierre est absorbé par une nouvelle recette qu’il est en train de mettre au point. Un dessert surgi lentement dans son imaginaire de cuisinier… Par moments, par surprise la plupart de temps, une esquisse de sa recette lui venant à la bouche.

Une pointe de cannelle, un peu de cardamome et cette goutte de café…
Ses lèvres se tendent pour goûter.
«  Oui, j’approche de ce que je veux mais… il me manque encore quelque chose… »
Un zeste de citron peut-être, ou d’agrumes… Ou encore une dose de sucre, un chouia de muscade.
Toute une tonalité d’automne et de fin d’été s’empare de la crème qu’il est en train de mettre au point.

Encore une fois, il sacrifie à l’appréciation des papilles.
« Tonnerre ! Je n’y arrive pas… Il me manque toujours ce petit truc dont je ne peux pas saisir la nature… »

Marie entre. Belle comme une pomme de septembre, dorée et rouge.
– Alors ? Qu’est-ce que cela donne ? s’inquiète-t-elle.
– M’énerve… hum. Je n’atteins pas le point qu’il y a là, juste derrière mon cerveau, derrière mon pif ! s’exclame-t-il.
– Puis-je ?
– Vas-y.

Marie plonge sa cuillère dans la sauce comme si elle allait s’empiffrer. Il apprécie sa manière entière d’y aller, avec la bouche grande ouverte et le plaisir évident. Lui qui fait ses estimations du bout des lèvres, elle, c’est de la langue qu’elle s’active.
– Hum ! Divin ! Divin ! Absolument merveilleux, Pierre.

Pierre fait les cent pas autour du piano.
-Tu as raison, c’est bon, c’est déjà bon… mais ce n’est pas ce que je veux, pas ce qu’il y a dans ma tête ! Et je ne saisis pas vraiment ce qui manque, ce qu’il me faut y ajouter…
– Elle est magique cette crème. Moi, elle me donne des idées…

Marie a laissé sa bretelle tomber. Elle suce lentement sa cuillère et puis replonge.
Elle est savourant, comme il l’aime tant ; irrésistible…
– Franchement, ce mélange soulève mes papilles et dope ma langue… J’en éprouve une faim terrible, ajoute-t-elle. Ne veux-tu pas y goûter à nouveau ?
– Marie… Voyons je travaille, tu le sais bien… se plaint-il mollement.

Elle le regarde dans les yeux. Un sourire indéfinissable sur son visage. D’un geste mal assuré et pourtant si déterminé, elle dépose une larme de crème au creux de son cou. Elle est tendre et puis émue, avec l’audace de la pudeur.
– Marie, voyons…
– Je crois qu’ici, elle pourrait avoir une autre saveur… non ?

Il pose ses lèvres à l’endroit. Se les trousse de plaisir.
– Oui en effet mais…
Elle poursuit son jeu. Pour qu’il s’empare d’elle.La voilà couchée sur le plan de travail. Lui debout, la besognant, la pétrissant doucement.
– Quel plaisir tu me donnes…, dit-il.
– Et toi pareil… gémit-elle.
Il a le visage posé sur son  ventre, ses mains de géant sur ses hanches et l’odeur, l’odeur légère et capiteuse de Marie l’envahit.
Il la pénètre et cette senteur de femme aimée s’épanche jusqu’à sa tête. Il poursuit ses aller et retour, envoûté.
– Il y a un chemin qui s’ouvre, dit-il. Un arôme qui me guide et m’attire… je sens quelque chose, un secret…

Sa vieille barbe fouille entre les jambes de Marie. Il est animal, chat appâté par une odeur aguicheuse. Il fouine et hume. Du nez et puis de la langue, suçant son lait doux et acidulé.

– De quel appétit tu me cuisines…, souffle-t-elle.
– Quel morceau de choix…

Ensemble.

Elle a les yeux fermés, un sourire magnifique sur son visage. Lui a mis ses mains dans les siennes pour les serrer très fort dans leur violence. Il la regarde.
– Je t’aime, dit-il.

Malgré lui. Si profondément enfoui, si loin au fond de ses tripes, l’aveu.
Il en rit de bonheur.
– Oui, je t’aime, je t’aime…  s’exclame-t-il.

Marie ouvre les yeux. Elle semble si étonnée…
– Mais pourquoi donc me dis-tu ça ? questionne-t-elle doucement.
– Je viens de le comprendre, je viens de le savoir d’une façon si évidente, si sûre… Non, jamais rien ne pourra me mettre le moindre doute à ce sujet.
– Je ne comprends pas, rit-elle.
– C’est ton goût que je voulais mettre dans mon dessert ! C’est toi, ce que tu distilles quand tu m’aimes que je voulais glisser entre mes épices. C’est toi mon amour que je voulais retrouver dans cette crème, c’est toi !

Nourritures
La porte s’ouvre sous mes dents
Et sur la pointe de la langue, les premiers pas de la danse
du ventre, un ballet de gestes, le coup de feu de tes sévices
compris.
Dans le corps jardin, le bâton de la lune sonde le cœur des
fruits.
Il montre à la nuit les merveilles du jour et secoue de
soubresauts la nappe tendue des déjeuners sur l’herbe.

 

Texte : Anna Jouy

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Inconséquence

24 dimanche Nov 2013

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Anna Jouy, L'amour qui ne se dit pas

Paskamer-2

Le lancer des runes sur la table

Fera-t-il de chaque pierre la couleur du portrait

Dans une gravitation de hasard, l’écriture du désir

Incrusté dans le mortier des jours

Dessein de montgolfière

Léger tracer d’éternité

Posé sur le papier d’amour d’une peau.

Une rue plus bas que celle où j’habite. Rue piétonne, rue marchande dans laquelle il n’y a de place d’ailleurs que pour les boutiques du superflu. Luxe et grâce. De loin en loin, un peu verrue, un peu accident, une épicerie ou une papeterie. Cela ne m’empêche pas, -cette débauche de choses inutiles-, de fréquenter les lieux, d’y balader ma carcasse jour après jour, regardant ces vitrines comme si elles m’étaient destinées. Ce qui est faux. Je n’ai pas les moyens de mes goûts.

C’est donc dans cette rue que je découvris -pendant la période des soldes comme de juste -, un modèle étonnant de jupe qui me parut  aussitôt avoir été conçue pour ma forme et mon esprit. Naturellement me direz-vous… Je vous accorde tout ce que vous voulez. Parce que ça m’arrange rudement et que dans cette histoire je veux croire qu’il n’y a pas de hasard…

Je vis que sa couleur allait me flatter. Puis que sa forme allait me flatter tout aussi bien. Je suis ronde du cul et cette coupe en tulipe pouvait donner  à la fois la bonne dimension de ce que j’avais tout en laissant supposer la finesse du reste.

Bref ! Je l’avais dans l’œil.

J’hésitais quand même à dépenser mes modestes sous à garnir de façon distinguée ce qui ne tenait plus vraiment la route. Je pris donc le temps de réfléchir.

Cela dura quelques jours, avec tout de même chaque matin, l’appréhension de voir que la chose avait peut-être été vendue entre temps. J’allais boire mon café sur la place du fond de l’avenue, je lisais le journal, puis je revenais. Cela me donnait deux fois l’occasion de la contempler, deux fois l’occasion de me sentir titillée.

Dans la boutique, il y avait des arrangements de vêtements par composition de couleurs. Les assortiments avaient de l’audace mais aussi une finesse qui dégageait bien le bon goût. Jamais je n’éprouvais la nécessité de posséder quelque chose. D’habitude. Mais là, cette jupe me faisait besoin. Oui. J’avais l’impression qu’elle était trop chère mais qu’il fallait que je me l’offre. Cela pour une raison impalpable. En tout cas à ce moment-là.

Avant de poursuivre, je dois préciser quelque chose… Je suis d’un naturel très introverti. Je ne pense pas être raide ou sans fantaisie mais je suis une femme sérieuse tout au moins en apparence. Peut-être même relativement triste. Ceci par longues périodes, par strates, par couches de brouillards sur couches de cafard. Cependant quand ma maniaco-dépressivité est sur la pente ascendante, je suis tout à fait sociale.

Et c’est justement dans cette sensation que je me trouvais quand je pris ma décision : j’allais l’acheter.

J’avais les mains ouvertes pour dépenser et puis aussi pour recevoir de fait. Oui les mains ouvertes, comme elles le sont si rarement chez moi. J’étais tranquille, apaisée et sans le plus petit parasite pour mettre en action mes démangeaisons intérieures. J’étais bien, tout bonnement bien. A l’aise dans mon corps, bien dans mon assiette.

Je voulais cette jupe et donc j’entrai dans la boutique.

Plusieurs pensées faites pour me rassurer m’avaient déjà confortée dans ma décision. L’habit m’avait attendue ; il s’était fait transparent à toutes les autres clientes potentielles juste pour que je puisse l’acquérir. Mon regard dans la vitrine me parut sympathique, je me trouvais même jolie, ce qui est de plus en plus rare… Oui, il y avait des ondes fort positives autour de cet achat ! Et puis, je venais de recevoir une invitation… Assurément des conditions excellentes pour nourrir le commerce.

La jupe était bleue, ardoise à l’ombre. Je lui tournai autour un moment, montrant bien mon intérêt mais jouant la cliente difficile et exigeante. Mon pas me conduisit vers des rayons de polos et de t-shirts. Je mimai celle qui allait se créer un ensemble, ce qui n’était pas du tout mon intention et je sortis deux pulls de la pile. Avant que de les embarquer jupe comprise vers la cabine d’essayage.

Jusqu’à cet instant, je n’avais encore croisé personne dans le magasin. C’était une longue pièce assez étroite avec, il me semblait, un coude dans le fond. Je me glissai derrière le rideau pour procéder à ce fameux essai qui allait justifier ma patience et me révéler au plaisir de l’habillement.

J’avais tout bien calculé dans mon esprit. Je savais combien en moi, il fallait peu pour décourager mes velléités d’élégance et j’avais mis un ensemble de sous vêtements dans lequel je me sentais bien. Je déteste littéralement les miroirs des boutiques. Ils sont là pour me rapetisser, pour m’élargir, pour mettre en valeur la folle quantité de défauts physiques qui me définit comme toutes les bonnes femmes ayant déjà vécu, un peu enfin…

J’étais donc ainsi presque nue quand le rideau s’ouvrit, comme cela se fait dans les endroits de bon goût, afin que la vendeuse offre ses services, un coup d’œil, un commentaire sur ce que la cliente désirait porter bientôt.

– Puis-je vous aider, madame ?

La vendeuse était un homme.

Paskamer-1

La surprise était de taille, un bon 54 certainement.

Sur le coup, je ne voulais en aucun cas marquer mon désappointement ; je m’en serais voulu d’avoir ce réflexe pourtant naturel d’être choquée d’une apparition masculine dans ma boutique.

Je rougis, du moins c’est la sensation que je reconnus. Je cherchais à récupérer  mes habits autant que mes mots.

– Excusez-moi… Je n’ai pas pu vous voir avant… le téléphone, dit-il sentant combien la situation était insolite, voire désagréable.

– Heu… Je veux essayer cette jupe et puis …

– Vous vous êtes décidée et j’en suis très heureux !

– Pardon ?

– Oui, cela fait quelques jours n’est-ce pas qu’elle vous tente ?

– Mais…

– J’espérais vraiment que vous alliez rentrer, vous savez ! Je l’ai mise de côté pour vous. Mais je n’étais tout même pas si certain que vous vous laisseriez séduire…

– En effet, en effet, dis-je éberluée.

– Quand je vous ai vue la première fois, j’ai trouvé comme vous, que cette jupe avait été imaginée pour vos formes. Je l’ai mise de côté après qu’une grande bringue toute en maigreur a voulu me l’acheter. Cette pauvre jupe avait l’air misérable ainsi posée sur un sac d’os…

– Ça alors !

– Essayez-la maintenant.

J’étais presque à poil et je causais chiffon avec un homme sans plus de gêne que ça ! Il  avait un regard tranquille sur moi.

Difficile cependant de rester complètement  naturelle face à ce qui arrivait. Devant une femme, j’aurais probablement fait un essayage très minutieux. Le plaqué du ventre, la courbure des hanches, la longueur, les éventuelles retouches. J’aurais causé lavage et entretien, j’aurais probablement pinaillé sur la confection un peu légère pour le prix. Je me serais comportée en cliente. Là, et j’en ai eu très vite conscience, je n’avais pas plus envie que ça de mettre le doigt sur les détails qui auraient rendue ma jupe moins attrayante, moins parfaitement conçue et créée pour moi comme mon vendeur venait de m’en faire l’article.

– Franchement, elle vous va à ravir ! s’exclame-t-il. J’en étais convaincu mais je reste quand même baba !

Je me regardais d’une façon différente. Il y avait une telle légèreté dans ce moment. En effet, elle me semblait me donner un aspect de corolle fleurie, ou de parachute dans l’azur. Ce qu’il disait voir en moi, à ce moment-là.

– Je vois que vous avez choisi deux pulls… Permettez…

Il partit fouiller une longue tringle de chemisiers légers et suaves.

Des vêtements de gonzesse, que je disais pour me moquer de leur romantisme et de cet aspect fleur bleue qu’ils dégageaient nous rendant  toutes évanescentes et délicates, comme je ne me sentais pas être en tout cas !

Il revint tenant un bustier rose lilas aux manches de dentelles et au décolleté généreux.

– Voilà, je crois que c’est ce qu’il vous faut.

– Vous plaisantez ? Mais c’est terriblement sexy et pas vraiment adapté à mon âge !

– Essayez donc pour voir…

Je laissai glisser le chemisier sur mes épaules. Il fallait le porter sans soutien-gorge, du moins je le pensais avec mes vieux réflexes.

– Ce soutien-gorge, ma foi… dis-je

– Ma foi, il vous va parfaitement. Couleur et dentelles. On les porte comme cela à Paris, savez-vous ?

– Ah ? m’amusai-je.

– Vous avez des épaules merveilleuses et votre peau est d’une rare finesse. Ne les cachez pas. Regardez-vous.

C’est peut-être bien à ce moment–là que les ambiances basculèrent. Je me regardais mais dans ce miroir je vis sa pomme d’Adam monter et descendre.

Il y avait son regard me caressant et puis qu’il tentait de récupérer en fixant le mur.

Je sentais pourtant cette attirance glisser dans mon corsage et ses vaines tentatives de fuite.

Là, je voudrais dire que cela m’amusait mais ce n’était pas du tout le cas.

Il y avait dans cette cabine d’essayage, un quelque chose, un parfum, une exhalaison qui me troublait aussi radicalement que si j’avais eu à les fantasmer des nuits durant. Je ne reconnaissais pas ce sentiment pour la simple et bonne raison qu’il m’arrivait tout droit de l’inconnu.

Il s’approcha sans la moindre prétention, avec une sorte de gêne, une audace de timide, un advienne que pourra qui me toucha. Tellement.

– Seigneur, me dit-il. Que j’ai envie de vous…

Il avait un visage méditerranéen, tanné et le cheveu noir. Les lèvres charnues et une élégance de sportif. Non pas craintif mais impressionné, et puis cette demande déposée comme une évidence, là face à moi.

En quelques mots. Des sensations submergeantes et incontrôlables me coupèrent en deux. J’émis un drôle de rire, inconnu de moi. Beaucoup d’étonnement, je suppose, beaucoup d’incrédulité aussi sûrement mais aussi presque aussitôt une forme de reconnaissance pour cet aveu.

Il s’approcha encore.

Ses lèvres posées sur mon cou.

– Je… je.

Je me suis laissée envahir. Contre. Pour. Avec. Dans un silence si parfait que seuls son souffle et le mien nous donnaient une présence. Je passai en peu de temps j’imagine par tous les chemins du désir. Urgence ou fringale. Et ce qui me faisait monter encore de nouveaux paliers, c’était son regard, c’était cette façon qu’il avait de me lire et de décrypter sans cesse mon plaisir.

Il ne voulait être ni pressé, ni dans cette crainte -qui aurait été logique- d’être surpris par d’éventuelles clientes. Je lui fis confiance, ne cherchant pas plus à comprendre ce qui m’arrivait et surtout ne voulant pas me rendre raisonnable.

J’avais sur moi des mains sachant sans demander. Une bouche prenant et donnant sans demander. Et surtout plus généreux encore, son incroyable plaisir à regarder son désir à l’œuvre.

Il avait  une joie enfantine, une joie venant du fond de lui et qui semblait lentement l’inonder. C’était pour moi un tel cadeau. Je comprenais à ce spectacle qu’il ne s’agissait pas simplement pour lui d’assouvir une pulsion. Il me baisait de ce que j’acceptais son attirance, de ce que je le recevais sans qu’il y ait eu d’autre échange et d’autre lien entre nous qu’une jupe que je voulais et qu’il m’aurait réservée ! Aussi simplement, naturellement que si nous avions été des amis de longue date. Il était heureux de jouir de moi, de cette simple connivence qui nous avait peut-être liés pendant que j’hésitais de mon choix.

Depuis cette aventure, je le sais. Plus l’amour est léger, moins je n’en attends autre chose que ce bonheur d’être avec un homme, plus mon corps vibre et rend grâce d’être au bord de l’éternité. Je vais désormais vers lui, l’amour les mains ouvertes.

L’inconnu, un voyageur, un instant.

Mon voyage se fait de ce que la Terre tourne

Qu’elle présente à moi son visage d’homme,

Nouveau dans l’éternel lever

Immuable je suis à l’amble que me fait la rencontre

Toujours bénie et couverte

L’âme engrossée du souffle et du divin.

Texte: Anna Jouy
Reprise de 24 et 25 octobre 2013

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