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Archives de Tag: Vases

Est-ce encore un rêve ? quatre cartes postales : réponse de Christine Zottele à Jan Doets

07 vendredi Mar 2014

Posted by lecuratordecontes in Christine Zottele

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Vases

Avis aux lecteurs: pour une lecture fructueuse de la lettre ci-dessous, on vous conseille de lire auparavant la lettre de Jan Doets à Christine Zottele aujourd’hui sur http://est-ce-en-ciel.blogspot.fr/2014/03/ces-povres-resveurs-ces-amoureux-enfans.html

 

melbanon-1Sarah

La réalité ne pardonne pas qu’on la méprise; elle se venge en effondrant le rêve, en le piétinant, en le jetant en loques dans un tas de boue!

Joris-Karl Huysmans, Là-bas

Cher Jan,

Je suis très heureuse d’avoir de tes nouvelles et encore merci pour le livre de Cees Nooteboom : Philippe et les autres ! Je l’ai lu avec plaisir. Tu vois, je dévore toujours les livres et les pommes. Mes « cheveux hirsutes » se sont assagis, ont blanchi plus que moi ! Je n’ai jamais eu les yeux bleus…

D’ailleurs, j’aimerais rectifier un certain nombre de détails, colportés il est vrai par ton hétéronyme, Albert Chiendeau. Celui-là je le lui tordrais bien le cou ! Me traiter de mariole, et puis quoi encore ? Pourquoi pas de cagole ?  Sous prétexte de fonder un nouveau genre, l’hétérofiction, il écrit n’importe quoi dans « L’Ovocyte» en s’inspirant de ton histoire. Pour commencer, tu as raison, tu n’es jamais allé au Japon. Comment est-il possible que tu ne te rappelles pas notre voyage en stop jusqu’à Fribourg, en Suisse? Et nos rencontres ? La seule chose exacte, c’est que je m’appelle Sarah et que nous nous sommes bien rencontrés à Marseille, à la librairie le Passé Simple, pendant l’été 1956.

Je suis très flattée de la mission que tu me confies même si je ne sais pas si je serai à la hauteur. Comment pourrais-je distinguer le rêve de la réalité, moi qui ne suis même pas sûre d’exister ? Je n’ai pas d’imagination et n’analyse pas, contrairement à ce que tu dis, j’enregistre simplement je et je note. C’est mon nouveau métier d’ailleurs, je suis onirographe. J’écris des rêves pour ceux qui ne rêvent plus. D’ailleurs, il faut que je te l’avoue, je n’ai jamais été la propriétaire du Passé Simple – jamais je n’ai été propriétaire de quoi ou de qui que ce soit. La librairie appartenait à l’un de mes amis parti en vacances et qui me l’avait confiée le mois de juillet. Mais ces détails ne sont pas intéressants.

Pour t’aider à retrouver ta réalité et ta comtesse Brigitte, sers-toi un verre de vin blanc (voire deux mais pas la bouteille, attention il faut que tu restes lucide !) et suis-moi dans ce voyage en quatre cartes postales.

La merLa baie des singes et l’Île Maire

Il faut partir de là, du Passé simple, de cette rencontre. La librairie se trouve rue de la Caisserie. C’est devenu une librairie salon de thé, dans laquelle se tiennent dorénavant des clubs de lecture (ça t’aurait plu à l’époque) et des rencontres avec des auteurs. Il subsiste quelques traces du passé et quelques vieux nostalgiques comme moi qui ne fais pas mon âge.

Lorsque tu es entré la première fois je lisais Huysmans, Là-bas et tu m’as demandé un livre sur ici, Marseille. Je t’ai conseillé de lire Shakespeare. Incertain de ton français, tu as reformulé ta requête avec un accent à couper au couteau et une mèche folle que tu rejetais en arrière nerveusement. Alors j’ai eu pitié de toi et j’ai dit que c’était une phrase de Giono parlant non de Marseille mais de la Provence.

Paul est entré. Mais je m’emmêle,  c’était peut-être un autre jour… Il faisait si chaud cet été-là et il faisait si frais dans cette librairie qu’un bon nombre d’amis y entraient pour partager une lecture, un verre ou simplement un peu de silence et de contentement. Quoi qu’il en soit, Paul (celui que ton Chiendeau s’obstine à appeler Philippe) nous a proposé d’aller faire un tour en voiture (celle de son père) dès que la pluie a commencé à crépiter sur le trottoir. Ça j’en suis sûre, de la pluie et de l’orage violent qu’on attendait depuis le début de la canicule. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons décidé d’affronter la circulation de la Corniche.

Paul avait décrété que tu méritais de connaître autre chose que la Plage des Catalans. La Pointe Rouge, la madrague de Montredon, les Goudes et enfin le bout de la route et la baie des Singes en face de l’île Maire. L’orage irlandisait le lieu. Le gris, pour le ciel et la mer ; le même mot mais pas le même gris ; le gris de la mer intense, mêlé de bleu, de vert et de violet, écumant d’une rage trop longtemps contenue. Le gris du ciel, légèrement plus clair, lumineux, mettant en valeur le grand charroi des nuages et le brun et le vert du rocher…

Sans voix, nous regardions le spectacle en sirotant notre vin blanc. La pluie tombait par intermittence. Je t’ai servi un nouveau verre de vin en disant : « Je ne suis pas une princesse ligure, attention ! » J’ai ri devant ton air affolé et t’ai raconté la légende de Protis et de Gyptis à l’origine de la fondation de Marseille.

Nous avons dîné aux Goudes, bu  du vin blanc encore, et dans une belle et jeune ivresse, nous avons décidé de partir le lendemain en voyage vers les montagnes des Pays-Bas. Puisqu’il n’était plus possible d’aller plus au sud, nous irions vers le nord. Ça tombait bien, ton stage à la Shell était terminé et je pouvais fermer la librairie quelques jours. Quant à Paul, il venait de travailler deux mois pour s’offrir son premier appareil photo (je ne me souviens plus la marque) et avait bien l’intention de s’en servir. Son père lui avait prêté sa voiture…

La routePrendre la route

Est-ce encore un rêve ?

« Si tu veux mon avis, ta comtesse elle travaille du chapeau, avais-je persifflé. Elle n’est pas plus comtesse que je ne suis papesse. » Depuis, j’ai changé d’avis, tu le sais, mais lorsque nous l’avons rencontrée la première fois, assise sur le trottoir, la nuit déjà bien entamée, murmurant en boucle « est-ce encore un rêve ? », je la trouvais vraiment étrange la comtesse Brigitte de Lussanet de la Célerière.

Notre voyage vers le Nord avait bien mal démarré tout comme la voiture de Paul qui avait refusé de quitter Marseille. Aussi avions-nous dû faire du stop… Plus de huit heures de voyage et de détours pour faire Marseille-Avignon, c’était un record ! J’avais espéré pouvoir trouver des billets pour le McBeth mis en scène par Jean Vilar avec Alain Cuny et Maria Casares mais nous étions arrivés trop tard. De toute façon, ce soir-là c’était Le Prince de Hombourg de Kleist. Et Brigitte encore bouleversée, tentait de se remémorer les répliques de Gérard Philippe, la dernière surtout : Est-ce encore un rêve ?

Avec ta chemise blanche agitée par une brise légère, tu lui as probablement rappelé ce prince somnambule rêvant sa mort – vivant sa mort pour mieux vivre – car Brigitte t’a souri quand tu lui as répondu : « Non, je suis bien réel. Venant de Marseille et des Pays-Bas bien avant. Je ne sais inventer. »

Tu lui as tendu la main pour qu’elle se relève. Ce qu’elle a fait comme une grâce accordée à son chevalier servant. Paul et moi, médusés, assistions bouche bée à votre marche majestueuse et lente vers… où d’ailleurs ? J’ai toussé ostensiblement pour attirer ton attention : « He, tu ne crois pas que nous allons porter ton barda, tout de même ? »

Brigitte, heureusement, a réagi. Elle a demandé si nous savions où nous loger et devant notre silence éloquent, elle nous a généreusement proposé le gîte. Fourbus, après une déambulation dans le dédale des rues avignonnaises elle nous a conduits devant un château – son humble demeure, disait-elle, son antre – dans lequel elle nous a fait entrer sur la pointe des pieds… pour ne pas réveiller la domesticité, dont elle respectait le droit au sommeil, a-t-elle dit.

Dans un état quasi hypnotique nous l’avons suivie dans un escalier à vis, étroit et qui ne semblait jamais vouloir s’arrêter à… Enfin, nous entrâmes dans une grande pièce dont le sol était jonché de matelas. Sans poser de questions, nous avons déplié nos sacs de couchage et nous sommes endormis immédiatement.

Le lendemain, réveil en sursaut. La comtesse avait une idée : elle partirait avec nous, le festival étant terminé, elle n’avait plus rien à faire dans ce pays de fous et de mistral. Elle nous pressa tant et si bien que… nous la suivîmes de nouveau. Elle portait un chapeau aussi extravagant qu’improbable, une sorte de sombrero de vaquero  en cuir usé. Te souvenant de ma remarque de la veille tu lui avais alors demandé : « Ainsi, vous travaillez vraiment dans le chapeau ? »

Je t’avais donné un violent coup de pied dans le tibia, mais encore une fois, la comtesse avait bien réagi. Après avoir éclaté de rire, elle t’avait expliqué : « Pas dans mais du chapeau. C’est difficile, n’est-ce pas, l’emploi de ces prépositions en français ? Je commence à travailler à Paris en septembre mais pas dans la confection de chapeaux. Et votre amie a raison, on me considère souvent comme une folle parce que l’on confond souvent folie et liberté.  Vous pouvez me tutoyer si vous voulez » avait-elle ajouté en s’adressant à nous tous.

Pour tout te dire, je me suis renseignée. Elle n’a jamais été comtesse. Le château dans lequel elle nous a hébergés le premier soir ne lui appartenait pas du tout. Ses hôtes l’ayant d’abord trouvée charmante l’avaient invitée avant de se rendre compte qu’elle invitait à son tour tous les chiens perdus sans collier rencontrés au hasard des rues… Comme nous…

D’ailleurs notre départ précipité fut la conséquence de l’injonction à la comtesse et ses invités de lever le camp immédiatement. Je ne te l’ai jamais dit parce que déjà amoureux d’elle, tu te fichais de ces contingences matérielles. Tu ne voyais dans ce corps élégant, vif, léger et menu, dans ce visage aux traits fins, dans cette bouche ourlée et sensuelle, dans cette chevelure noire et abondante, que l’aristocratie naturelle de ceux qui ont été élevés avec les chevaux sauvages. Et c’est vrai, je le reconnais qu’il y avait de cela en elle. L’esprit de la vaquera, nomade et solitaire. N’empêche, cette belle aventurière t’a fait tourner la tête…

Paul a été obligé de repartir à Marseille pour réparer la voiture de son père. Nous avons accompagné la Comtesse aux halles pour acheter des provisions de bouche pour la route. Est-ce pour te plaire qu’elle a acheté des pommes de terre bintjes ? (j’ai beau eu  dire que ça n’était pas pratique à cuisiner sur la route, que ça alourdirait nos sacs, et pourquoi pas de la vitelotte à chair violette, c’est plus joli ? elle n’en a eu cure et c’est toi évidemment qui as porté toutes les provisions…).

Enfin nous sommes partis, deux jeunes filles et un jeune homme tendant leur pouce à la verticale sur la RN7. Beaucoup de voitures familiales ne pouvaient nous prendre. Et les quelques célibataires auraient bien pris les filles uniquement. C’est moi qui ai eu l’idée de te déguiser en fille. Du coup, Brigitte m’a regardée autrement – étais-je moins banale à ses yeux ? Toujours est-il que notre amitié a commencé à se développer à partir de ce moment-là.

le couventLe couvent de Sœur Anna

C’est pour toi qu’Anna chante en ce moment. Tu l’entends ? Sa voix claire s’élève dans la nuit à l’unisson de ses sœurs, les carmélites de Montrevers à Fribourg. Cette psalmodie qui se déploie sous la voûte de l’oratoire illumine la nuit d’une présence certaine. Qu’on l’appelle Dieu, l’ineffable ou l’aimé, il participe d’un complétude. Après tout, à complies c’est normal.

Nous somme arrivés fourbues (le « e » du féminin car n’oublie pas que tu es encore vêtue comme une fille) après un voyage éprouvant et épique, après les vêpres. De nombreux véhicules se sont bien arrêtés mais pour des petits trajets ou nous déviant de notre itinéraire. Il faut dire que tu suscitais un trouble parfois équivoque chez les conducteurs.  J’ai surpris plus d’une fois dans le rétroviseur leur regard concupiscent sur ton visage mi angélique-mi elfique, en tout cas appartenant à l’inconnu qu’on aimerait bien connaître. Bibliquement parlant, si tu vois ce que je veux dire. Ni Brigitte ni moi n’attirions ce type de regard.

Et nous nous amusions à t’interpeler ainsi : «  Jeanne, ça va Jeanne ? Jeanne, ma sœur Jeanne, ne vois-tu rien venir ? » Ça a failli mal finir, lorsqu’à un arrêt pipi, tu t’es éloigné de nous et que notre chauffeur t’a suivie… Tu as eu l’idée géniale de t’enfuir en hurlant : « Au secours ! Au déshonneur ! Au voile ! » (au lieu de « au viol ») ; à peine le temps de constater tes progrès en français que l’odieux personnage s’engouffrait dans sa voiture en criant à son tour : « Espèce d’oie blanche de mes deux ! Allumeuse… ».

Une religieuse en robe blanche et aux yeux noirs incendiaires, d’une beauté et d’une jeunesse  incroyables, nous a proposé de nous rendre en Suisse. Comme il était déjà tard, nous avons accepté. Elle s’appelait Sœur Anna ! Au cours du trajet, elle a peu parlé sinon pour nous dire qu’elle venait d’effectuer une livraison d’hosties –fabriquées dans son couvent.

Tu retrouves la mémoire, Jan ? Toi, entre Anna et Brigitte, tu ne savais plus où tourner les yeux. Brigitte a parlé de son amour pour les écrits mystiques de Thérèse d’Avila. Anna a souri. Ensuite nous avons dû nous endormir.

Deux images d’Anna qui corroborent les tiennes. Anna dans une pièce inondée de soleil – c’est une sorte de serre avec des plantes de toutes sortes, médicinales et ornementales – face à un lutrin, écrivant debout. Elle fredonne aussi de temps en temps, et le plus souvent des airs pas très catholiques… je crois avoir reconnu le  « Blues du dentiste »… ce qui nous a fort étonnés.

Une voix la traverse, elle transcrit musique et paroles. Peu de ratures. De temps en temps, elle lève la plume, se dirige vers un pot où croît une plante, pince et coupe entre ses doigts la pousse terminale. Nous voyant arriver ce matin-là, se tournant vers toi elle et te dit : « Celle-ci est comme toi : c’est une plante à fleurs tardives, il faut l’aider un peu, mais tu verras plus tard la belle fleur qu’elle nous donnera… ».

Elle revient vers le pupitre, attrape le chant qu’elle vient de composer et l’accroche au panneau d’affichage de l’oratoire. Je jette en passant un œil sur le titre : « Bienvenue au jour nouveau » (chant pour les Laudes)

La deuxième image est pratiquement opposée et pourtant la même : dans sa cellule aux murs nus, la nuit, une lucarne dans laquelle s’inscrit la lune et la lumière parcimonieuse d’un lampe à huile. Tu dis que nous avons observé cette scène, par la serrure, tour à tour… Je ne sais pas, je ne vois pas les mêmes détails que toi. Ce qui est sûr, ce sont  les cris des bébés qui nous ont sortis du sommeil.  Après s’être occupée des nourrissons de la pouponnière,  Anna reprend  la plume. Je parviens à lire quelques bribes :

[…]
cela vaut-il un cierge à la pâleur des églises
les vingt sous de ma mise pour un ciel de vitrail
l’incontinence des désirs et la main du bon dieu  [ 1 ]

Le lendemain, en tête à tête avec elle, je lui poserai la question avec mes gros sabots dans la bouche :

« Qu’est-ce que tu écris, Anna, la nuit ?
–       De la poésie…
–       Mais de la poésie religieuse, uniquement ?
–       De celle qui relie en tout cas, qui nous relie… Ne fais pas cette tête, Sarah, je vois bien que ma réponse ne te convient pas. Je vous ai vus cette nuit m’observer ainsi que la photo de Jan Jansen sur le mur, mais ce n’est un secret pour personne, je suis de ce monde, tout comme lui.  Quant à l’écriture, que ce soit celle du jour ou de la nuit, elle est toujours adressée…
–       Adressée, oui, mais à qui ?
–       À Lui, Sarah, avec ou sans majuscule… Notre père à tous.
–       Mais je ne comprends pas…
–       C’est parce que tu n’es pas encore née, moi non plus d’ailleurs… Mais on t’appelle, il vous faut partir, on se retrouvera beaucoup plus tard, tu verras ; j’écrirai à six moments de la journée entre chaque moment de prière… »

Claudine Pastel

Claudine Pastel regarde la mer et le ciel

C’est la dernière carte : elle sera plus courte que les autres. L’image serait plus indiquée que les mots. À elle seule, elle te rendrait présente la couleur de ce voyage si particulier. Tu devines, Jan, celle dont je veux te rappeler le souvenir…

Au moment de quitter le couvent, un attroupement de formes blanches exclamatives –Oh ! Ah ! Et celui-ci, regardez ! Et cette écume ! Et ces nuages ! –  autour d’une jeune femme et d’un carton à dessins retint notre attention. Sœur Anna nous présenta Madame Claudine Pastel et son carton magique. Cette jeune luxembourgeoise fournissait l’hôtellerie du couvent de dessins tous plus colorés les uns que les autres, représentant pour la plupart l’océan ou des mers, plus ou moins agités.

C’était évidemment une idée d’Anna. Le couvent en effet avait décidé de développer un tourisme assez particulier : des laïcs, déjà las de la vie moderne et trépidante qui commençait à peine, souhaitaient faire retraite dans un lieu dévoué au silence et à la vie spirituelle pour faire le point sur leur vie. Les religieuses avaient donc consacré une des ailes du couvent à l’hôtellerie, source d’un revenu supplémentaire non négligeable. Les dessins étaient donc destinés à égayer les murs des chambres de cette clientèle et non aux religieuses.

Toute cette blancheur des robes  autour de toutes ces couleurs des pastels, ça m’a fait penser à une publicité pour la lessive Bonus : Voilà BONUS la vraie blancheur du propre et… un cadeau dans chaque paquet de BONUS… Notre cadeau, c’était Madame Pastel et sa petite auto, une ondine bleu clair.

Après avoir fait ses affaires, elle nous a proposé en effet de nous prendre en voiture pour un petit bout de chemin… en fait nous sommes trouvés si bien en sa compagnie que nous sommes revenus presque sur nos pas. Dans le sud, à Martigues. Elle voulait voir cette ville que son peintre préféré, Niko Klopp, avait peinte.

Dans la voiture, elle nous a montré d’autres dessins, non destinés aux yeux chastes des religieuses. De magnifiques nus dans des poses sensuelles qui n’auraient pas déplu à sœur Anna par exemple. Mais dans son pays, avait-elle dit, il était de plus en plus difficile de trouver des modèles acceptant de retirer toutes les peaux superposées les unes sur les autres pour les protéger du froid. Alors elle s’était tournée vers le ciel et les nuages. C’était leur mouvement qu’elle essayait de capter et de rendre par ses craies. Après l’infini des hauteurs célestes, il lui avait fallu l’infini de l’océan, des sables.

Elle puise ses couleurs au fond d’elle-même. Quand elle parle de son art, elle s’échauffe, un peu de rouge apparaît sur ses joues, qu’elle prélève au bout de son pinceau au fur et à mesure de ses besoins. Pour le bleu, c’est plus délicat, il est composé de tant de couleurs. Alors, dans sa petite ondine, elle a entrepris le tour des océans et des mers. Avant d’arriver en Suisse – oui, elle sait bien qu’il n’y a pas d’autre mer que celle de la tranquillité en Suisse, mais c’est un peu du ciel qu’elle est venue chercher au couvent – elle revenait de la côte Atlantique, dont son amie Isabelle lui avait chanté le mouvement et la beauté changeante.

Je parle d’elle au présent car aujourd’hui elle continue à parler du monde – liquide, céleste et terrestre – avec ses pastels (en fait, en 1956 elle n’est pas encore née non plus) et elle fait partie de notre voyage aller-retour du sud au sud. Nous avons déposé Brigitte délestée de ses pommes de terre (offertes aux sœurs et dégustées le soir-même de notre arrivée) dans une gare. Elle semblait si légère et si frêle dans la brume de ce petit matin, que tu lui as proposé de l’accompagner à Paris.

Mais elle a refusé, en t’assurant qu’elle était bien plus forte qu’il n’y paraissait, et que de toutes façons elle te retrouverait plus tard, ainsi que Claudine, Anna, Paul et moi. Elle en était persuadée, c’était écrit… Qu’il nous fallait tous vivre dorénavant, pour qu’on ait des choses à écrire plus tard. Décidément, elle ne travaillait pas du chapeau ta comtesse, elle savait beaucoup de choses.

Je vais devoir m’arrêter ici, cher Jan, car j’ai la tête qui tourne – j’ai abusé un peu du vin blanc pour retrouver les couleurs du passé – et je crois que la boucle est bouclée. Tu le vois, je n’ai pas ni fantaisie, ni imagination, je ne t’ai écrit que le rêve et la réalité. Est-ce que ça t’a aidé ? En tout cas, j’ai eu plaisir à faire ce voyage avec toi.

Bons baisers du présent.

Sarah.

Texte : Christine Zottele, sa réponse sur une lettre que Jan Doets lui ai écrit à l’occasion des vases communicants,  publiée  aujourd’hui chez elle sur http://est-ce-en-ciel.blogspot.fr/2014/03/ces-povres-resveurs-ces-amoureux-enfans.html

 
Photo de Sarah : Corinne Leroux
Toutes les autres photos : Philippe Marc

Agrandissez les photos par cliquer dessus

Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants: le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement. Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Si vous êtes tenté par l’aventure, faites le savoir sur le group dédié sur Facebook, sur le blog http://rendezvousdesvases.blogspot.fr , ou sur twitter. Les lectures de ce mois sont à poursuivre à partir de http://rendezvousdesvases.blogspot.fr

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« Ces povres resveurs, ces amoureux enfans », lettre de Jan Doets à Christine Zottele

07 vendredi Mar 2014

Posted by lecuratordecontes in Jan Doets

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Vases

AlbertWaterhondstudent

«Seulement, j’eux envie
D’entendre les travaux, le trespas et la vie
De ces povres resveurs, ces amoureux enfans,
Qui perdent en amour leurs escus et leurs sens,
Et leurs beaux ans et tout! affin que leur’ naufrage
Me servit de patron, d’exemple et de presage,
Tandis que mon navire, au rivage attaché,
N’est encor de ces flots (Dieu m’en garde) agités.»

Constantin Huygens, 1617, à l’âge de 20 ans

Chère Christine,

Merci beaucoup, je me sens  bien flatté que tu m’as invité pour partager un vase,  avec les mots: “J’aimerais bien quelque chose comme un échange de lettres ou de mails, plus ou moins fictifs, qu’en dis-tu?”

D’autant plus car, en lisant ton  blog est-ce-en-ciel,  et tes textes pour notre blog Les cosaques des frontières, je t’imagine rêveuse, romantique et  imbattable par les contretemps de la vie, comme moi. Ton atout est que tu as une imagination sans limites. Qui autre que toi aurait pu inventer une histoire comme ton «Au-bord-de-tout» ?

Je t’ai suggéré que je prenne comme point de départ mon premier voyage en France, en 1956, en faisant suite à mon vase de ce dernier  7 février avec Brigitte Celerier, ce qui révéla l’origine de mon ‘tic français’. Tu as accepté ma suggestion gracieusement.

Je t’ai envoyé le roman des débuts de Cees Nooteboom, c’est un livre devenu culte aux années 1950-1970 aux Pays-Bas et en Allemagne, l’oeuvre qu’ il a considérée longtemps comme son “péché de jeunesse”, au point que le philosophe Rüdiger Safranski lui demanda une fois un dédicace dans son exemplaire usé, en ces mots: “Je l’ai lu d’antan à haute voix à toutes mes petites-amies”… Ce livre s’appelle Philippe et les autres et commence avec deux leitmotive: la troisième ligne du poème de Constantin Huygens, ci-dessus et  une ligne de Paul Éluard : «Je rêve que je dors, je rêve que je rêve».

Il s’agit d’un voyage autostop de quelques jeunes par la Scandinavie et la Provence,  en partie réel, en partie rêvé, de Cees le jeune homme de vingt ans et écrivain débutant. Tu vis en Provence, moi je la visitais un peu en 1956.  J’adore comme toi l’oeuvre de Jean Giono, d’Henri Bosco et de René Char.  Voilà bien les ingrédients pour notre communication en vases.

Je m’imagine que tu n’es pas seulement rêveuse mais aussi interprétatrice de rêves expérimentée  donc je suis sûr qu’avec toi je suis entre bonnes mains. Car, Christine, j’ai toujours eu une difficulté de faire la distinction entre rêve et réalité.

Depuis l’âge de dix-huit ans je rêve continuellement d’une fille aux cheveux noirs. Tu peux me voir ci-dessus en pleine action de rêver (les Anglais l’appellent ‘daydreaming’), la photo a été prise par mon père sans que je le notasse, j’étais trop loin de lui.  Veuille noter sur ma table  la photo d’une femme aux cheveux noirs, une publicité pour Ricard ou Courvoisier que j’avais volée dans un magasin d’alcools, pour rendre ma fille plus palpable.

Notre communication en vase m’offre la possibilité de faire appel à tes pouvoirs analytiques. J’ajoute que, comme un Fernando Pessoa des marais du nord, j’ai plusieurs personnalités dont une, mon hétéronyme Albert Chiendeau. Il est venu toquer à ma porte un jour et m’a remis un manuscrit entre les mains intitulé:  L’Ovocyte X . C’est curieux: dans son récit il y a beaucoup d’échos de ma vie. Si tu es trop occupée pour le lire entièrement , lis seulement les  épisodes 10-14 où il parle de ma  visite à Marseille en juillet 1956 et ma rencontre avec une certaine libraire.

Oui,  Albert a raison, je me trouvais à Marseille à cette période, c’était  mon tout premier voyage en France.

Pour mes études d’ingénieur civil je devais faire un stage pratique dans une entreprise et j’avais été invité, avec quelques-uns  de mes confrères de l’université de Delft, à le faire en France, à la Shell. Un jour, au début de  juillet 1956, on s’est rassemblé à Paris. Nous étions dix-neuf en nombre – des étudiants de la France et des Pays-Bas, d’Angleterre, d’Écosse, d’Égypte et d’Iraq, de diverses disciplines, pas seulement techniques. Sur la photo ci-dessous, tu me vois tout à gauche devant, je suis encore maigre comme un manche à balai (venant de tout ce rêver, probablement).

On  nous a donné des cours d’initiation à la langue, on a découvert Versailles pendant un des premiers spectacles Son et Lumière, on a passé toute une journée dans une nouvelle usine de Renault à Billancourt, où on fabriquait la nouvelle  Dauphine en nous expliquant le processus de dessin, inclus les essais dans une soufflerie de modèles d’avion. On a aussi visité Notre-Dame et  c’est là, tout en haut de l’une des deux tours, qu’un Anglais grimpa le paratonnerre, un mât d’un diamètre d’au moins 15 centimètres à la base. Sur la photo, tu le vois derrière l’Irakien à mes côtés, il est le garçon souriant (ou ébloui par le soleil), en tous cas il montre ses dents, et  il a de belles blondes mèches. Cet Anglais a été à la source de mon problème. La source, dis-je, car il s’agissait d’un liquide.

Paris Juillet 1956

Le moment est venu pour trois d’entre nous de nous rendre à Marseille, car on voulait nous employer à la raffinerie aux bords de l’étang de Berre. Le troisième était un Frisien dont j’ai oublié le nom mais pas l’accent frisien,  il est au deuxième rang le troisième en partant de la droite, avec la cravate et la grande mèche blonde (un trait germanique commun à tous les Frisiens).

Je ne sais pas pourquoi, mais on nous a mis dans un train de nuit, partant à 23 heures de Paris vers  Marseille. On voyageait en couchette style strapontin. En France, à ce moment-là, c’était la canicule, même pendant la nuit . L’Anglais et moi  avions acheté une bouteille de vin blanc, pour ne pas nous distinguer des Français du train. Mais nous avions oublié d’acheter un tire-bouchon… Mon ami poussa le bouchon dans la bouteille et on a bu. Fatigués, on a voulu dormir. Mais où poser la bouteille sans bouchon ?  On a décidé d’en boire tout le contenu et de jeter la bouteille hors de la fenêtre.

Suit  un voyage au bout de la nuit … le train s’est arrêté au moins quatre fois,  longtemps, sur des emplacements de trains de marchandises, pour laisser passer les trains rapides et pendant ces arrêts on entendait le bruit de grands marteaux sur les roues du train … pourquoi voulait-on contrôler les roues aussi souvent? Mystère!

Nous n’avons pas  pu fermer les yeux pendant ce voyage terrible, il faisait très chaud dans le train et l’effet d’une demi de bouteille de vin blanc a été pour moi dévastateur. On a transpiré des litres et des litres (plus que la bouteille!) pendant sept longues heures avant d’arriver à Marseille, vers six heures du matin. Là-bas, on nous a accommodés dans un immeuble blanc en béton, de Le Corbusier ?, chacun dans une toute petite cellule individuelle avec des toilettes communes et je me suis retrouvé en difficulté dès le début, car je ne savais pas comment utiliser les toilettes à la Turque sinon en me déshabillant complètement,  à poil.

Ce matin-là  nous ne pûmes même pas prendre un peu de repos; on nous emmena par minibus à la raffinerie où je débutai mes exercices de français parlé…  La route était tortueuse entre les collines et “le sport” du chauffeur était de dépasser les voitures au début des courbes (le début des mes arythmies cardiaques d’aujourd’hui). Le sport, car les chauffeurs au sens inverse faisaient de même, avec souvent comme résultat un coup de freins brutal, l’arrêt, l’ouverture de la fenêtre et copieuses engueulade de part et d’autre: “TA SOEUR !!”, “TA MÈRE !!” . Je ne comprenais pas pourquoi on ne prenait pas de nouvelles de la famille en termes moins coléreux…

Mes semaines  dans la raffinerie ne méritent pas trop de détail sauf de mentionner que tout le monde se serrait les mains toute la journée, toutes les journées, encore et encore en se disant bonjour (pour un Hollandais difficile de comprendre ces rituels) ,  et que je suis entré une fois dans un four justement éteint avec un mécanicien pour inspecter les tuyaux,  la température dans le four  était encore au-dessus de 50 degrés,  sur cette photo tu peux voir que j’étais devenu plus maigre encore qu’à Paris. Me revient à l’esprit aussi, que tous les ouvriers buvaient du vin pendant le déjeuner – seuls quelques-uns le mêlaient avec de l’eau (ceux qui avaient des boulots dangereux). Moi je n’avais pas encore bu une goutte de vin de toute ma vie, en Hollande on prenait de la bière et du genièvre.

Berre 1956Pendant le week-end, j’allais me détendre  à la plage des Catalans et c’est là, entouré par des filles  aux cheveux noirs en bikini, sous ce soleil de plomb, le jour d’un record de chaleur (42,5 C) , que se sont entremêlés pour de bon la réalité et l’imaginaire, le sens de la peau et le rêve. Je craquais doucement. Je devais me reposer quelques jours sous le chant des cigales en prenant un St Raphael ou un Dubo-dubon-dubonnet ou un pastis (des liquides que je n’avais jamais bus avant) émerveillé  par l’écorce des platanes, que je n’avais jamais vus de  ma vie et le frou-frou des jeunes jupes sous les dits arbres.

En un instant, tout a basculé… et je ne sais du rêve ou de la réalité, qui m’a gagné. Depuis ce jour-là, je ne sais plus si je vis les choses ou si je les rêve.

Je ne crois pas du tout à l’épisode 15 de L’Ovocyte.  Albert Chiendeau raconte que je suis allé au Japon, que j’y ai rencontré une fille aux cheveux noirs en train de gagner le quatrième dan, et qui pendant sa sieste au bord d’une fosse avait été fécondée par un cygne noir.  En réalité, j’ai vécu des choses plus improbables que la fiction mais cela est impossible. Je voudrais bien contacter Albert Chiendeau mais  j’ai perdu le contact avec lui. Probablement il est jaloux car il y a peu j’ai assumé un autre hétéronyme dont je ne dévoile pas encore  les détails.

Sa version des faits est totalement en conflit avec les rêves flash qui passent par ma petite cervelle depuis un demi-siècle, toutes les nuits.  Dans son récit, il m’imagine quittant la compagnie d’une petite libraire d’anciens livres, la propriétaire de la librairie “Le Passé simple” à Marseille, pour aller au Japon. Impossible !

Car dans mes propres rêves, la libraire m’a présenté à son ami, un très bel homme, un photographe! Philippe ? Paul ? Les deux m’ont invité d’aller en autostop par la Provence et beaucoup plus loin , dans  les montagnes des Pays-Bas, qui, comme tu sais, s’étendent jusqu’aux Alpes suisses et aux Balkans ! Mon ami Nooteboom a écrit un livre situé dans cette chaîne de montagnes et il ne ment jamais !

J’ai des impressions très vivantes de ce voyage, car je l’ai fait et refait très souvent pendant les nuits.

Par exemple, à Avignon on a rencontré, dans les Halles, une comtesse, la Comtesse Brigitte de Lussanet de la Celerière. Elle nous a invités dans  son château, un édifice  avec un très haut escalier étroit et raide, et elle  nous a accueillis chaleureusement  sur sa terrasse (il faisait encore très chaud). Je me souviens qu’elle était légère comme une elfe, elle flottait dans l’air malgré un faible pour les bintjes, un produit de la  terre de mon pays. Elle se protégeait du soleil par porter un sombrero de vaquero (“il faut vaquer !”, avait-elle coutume de dire, mais je n’ai pas vu de vaches).

Je tombais sous son charme et c’était   réciproque, car à cette époque moi aussi j’étais léger comme un elfe – donc on était à quatre quand on a poursuivi la route.

C’est une de mes tragédies, Christine, qu’elle ne soit apparue dans aucun de mes rêves après, pourrais-tu y prêter attention pendant ta reconstruction ? Comment a-t-elle pu disparaître de mes rêves, à cause d’un grand choc traumatisant peut-être ? Peux-tu en retrouver des traces?

On a voyagé jusqu’en Suisse où nous avons vécu une expérience particulière. Nous avons dormi quelques nuits  dans un couvent médiéval sur une montagne. L’abbesse qui s’appelait Soeur Anna y dirigeait une crèche pour nourrissons.  Elle était également écrivaine. Le jour, elle écrivait des chansons religieuses qu’elle épinglait sur un grand  panneau d’affichage divisé en six: vigiles, laudes, prime, none, vêpres, complies.

Ensuite, nous l’avons espionnée par le trou de serrure et constaté qu’elle écrivait aussi  des textes érotiques, la nuit… sur “La position de l’herboriste” et “Nourritures”,   une religieuse coquine ayant probablement  « fauté » et avec un enfant…  Mon regard errait par sa chambre et je fus abasourdi de voir au panneau …  Christine tu ne vas pas me croire … au panneau j’aperçus entre les chansons la petite photo en noir et blanc de Jan Jansen à l’âge de seize ans, du cycliste hollandais fameux en France aussi,  qui gagnerait plus tard le Tour  de France ! Penses-tu qu’il aurait pu être un ancien petit pensionnaire de ce couvent ? ou peut-être le fils d’abbesse Anna ?

jan jansen ?

En quittant le couvent, pour rentrer en France , nous avons rencontré une Madame Claudine Pastel, une belle Luxembourgeoise qui apportait un tas de peintures à l’abbesse, pour lui servir d’inspiration (au cas où),  des plages  (on ne les a pas en Suisse) et des nus (en Suisse il fait trop froid pour se dévêtir). Elle nous racontait qu’elle avait dû discontinuer le dessin de nus par manque de modèles, car chez elle on est vêtu jour et nuit.

Ma lettre est devenue un peu longue, Christine, mais j’ai pensé  qu’il était indispensable que tu connaisses tous ces détails. Je suis impatient d’avoir ta réponse, j’espère que tu peux m’éclaircir sur ce qui se passait entre moi et cette douce comtesse…

Bien amicalement,

Jan Doets

Une lettre reçue par Christine Zottele de Jan Doets, à l’occasion des vases communicants, et à laquelle elle répond  sur le blog qu’il a initié et qu’il gère http://atomic-temporary-56466443.wpcomstaging.com/2014/03/07/est-ce-encore-un-reve-quatre-cartes-postales-reponse-de-christine-zottele-a-jan-doets/

Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants: le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement. Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Si vous êtes tenté par l’aventure, faites le savoir sur le group dédié sur Facebook, sur le blog http://rendezvousdesvases.blogspot.fr , ou sur twitter. Les lectures de ce mois sont à poursuivre à partir de http://rendezvousdesvases.blogspot.fr

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Ma chère Brigitte

04 mardi Mar 2014

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Vases

pour vase jan

7 février 2014*

Ma chère Brigitte,
C’est un honneur d’être ‘en Vase’ avec vous, la doyenne de ce monde Vasesco, où moi je suis un corps étranger, qu’est-ce qu’un Hollandais y cherche ? C’est simple. J’ai un ‘tic’ français. Je vous explique.

Je suis d’une génération qui a eu sa première leçon de votre langue dès l’âge de neuf ans, en école primaire. On a débuté avec des phrases sans exception essentielles pour commencer après la guerre une nouvelle vie, en France, gravées dans ma tête et celles de mes contemporains jusque suive la mort : “Papa fume une pipe”, “Le rat est dans le canal” , “La souris est au-dessous de la table” et “Le singe est sur la branche”. Nous ne savions pas encore le mot ‘carcasse’, c’était pour les avancés.

Quand j’étais petit, il y avait beaucoup de mots et expressions françaises dans notre langue depuis maints siècles. Encore aujourd’hui il y en a, les survivants des assauts de l’anglais , comme : porte-monnaie (pas surprenant), parapluie (vieillot en France?), abattoir, affaire, ambassadeur, ambiance, aubade, ‘à bout portant’, ‘avant la lettre’, badiner, barricade, belvédère, bonbon, boudoir, boutade, bureau, chantage, charme, concierge, crèche, ‘c’est le ton qui fait la musique’, et ce ne sont que quelques mots et expressions entre ‘a ‘ et ‘c ‘ d’une longue liste , des mots encore utilisés par tous, inclus ceux qui ne parlent pas le français.

À dix ans, les enfants de mon âge devaient mémoriser, sans faute, les mots français que, selon la tradition, Guillaume (souverain de la principauté) d’Orange dans la Vaucluse, avait bafouillés en mourant, frappé à Delft par le pistolet d’un assassin français : ‘Mon dieu ayez pitié de moi et de Ton pauvre peuple”. À Bruxelles, encore jeune homme, il était aux côtés de Charles Quint (né en Gand, Flandres, il parlait le flamand comme un Brel), il était le fils de Philippe le Beau, le dernier Duc de Bourgogne régnant sur les Comtés de Flandres et des Pays-Bas et le Duché de Brabant (les pays de par deçà) et les pays de Franche-Comté, le Charolais et Bourgogne au sud (les pays de par delà). Entre 1384 et 1506, nos pays étaient – on dirait aujourd’hui – : français. À la cour bruxelloise de Charles Quint et son fils Philippe II on parlait le Français.

Dans mon pays, jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le français restait la langue étrangère préférée des nobles, patriciens, scientifiques et de tout chacun ayant suivi au moins le lycée de nos pays. On ne parlait guère l’Anglais. Entre 1652 et 1784 , il y avait eu quatre guerres navales entre la République des Sept Provinces Unis (les Pays Bas était une république de 1588 – 1795) et l’Angleterre. À l’Extrême-Orient, ils étaient nos concurrents.
Deux guerres entre les Anglais et ‘nos cousins’ en Afrique du sud, les Boers, avaient causé une haine des Anglais, mes parents et grand-parents parlaient du perfide Albion. Aujourd’hui, tous les Hollandais parlent l’Anglais couramment. Hélas, notre langue est devenue même fort contaminée par l’Anglais. Pas encore juste après la Guerre. Au lycée (en Hollande une combinaison de votre collège et lycée, six ans en total) on commençait avec le français dès le début, mais avec l’anglais en deuxième classe.

Brigitte, c’est dans cet environnement culturel changeant après la guerre que j’étais adolescent. Le Français restait toujours ma langue préférée même si pour mon travail je devais parler couramment l’anglais et l’allemand, les deux autres langues aussi obligatoires dans nos lycées de cette époque … à côté du latin et du grec… (nous sommes un minuscule pays, il faut parler les langues, car qui, dans ce monde moderne, parle le hollandais ??)

Pourtant, mon vrai ‘tic’ français vient de la chanson française, des années 1950-1960. Malgré l’énorme vague de musique américaine qui nous engloutissait, la chanson française est restée très populaire dans mon pays pendant quelque vingt années après-guerre, jusqu’à ce que les Beatles et Stones l’oblitèrent aussi effectivement que le jazz. J’ai “bu” les chansons d’Edith Piaf et Juliette Gréco, d’Yves Montand , Gilbert Bécaud, Jacques Brel, Charles Aznavour. Je les ai écoutées par la radio et, juste avant de partir vers la Colombie en 1963, vues sur la TV en noir et blanc encore.

Je me souviens toute une soirée avec Gilbert Bécaud (1962 ?) dans un petit studio TV près d’Amsterdam devant un petit public euphorique qui chantait avec lui. Il a pensé qu’il était chez soi. Donc, en arrivant en Colombie, une des premières choses que je fis avec mon salaire tropique était d’acheter beaucoup de LP de tous mes héros . Il était défendu de les importer en ce pays, donc ils étaient pressés à Bogotá. J’ai ces disques encore, ‘tournés gris’, grijsgedraaid comme on dit ici, et je les ai remplacés tous sur CD. Je les tourne encore, ils sont éternels.

De Colombie j’étais transféré à Brunei, au bord la mer chinoise du sud-ouest et c’est là que je tombais dans un cercle d’amis français pour la première fois de ma vie. Et comment… ils me firent écouter la génération de chanteurs suivant mes premiers héros. Serge Reggiani surtout (“Et puis’ entre autres), Yves Montand (tout son récital au théâtre de l’Étoile de 1958, deux LP, tournés gris), et pendant les parties: Jacques Dutronc (‘J’aime les filles’, gris), Joe Dassin (‘Tout bébé a besoin d’une maman … gris), Nino Ferrer (Z’avez pas vu Mirza, lalalalalala … gris ) et , naturellement, le grand Bécaud encore pour les slow (‘Je reviens te chercher’, ‘C’est la rose, l’important’, très gris).

J’ai pu pratiquer le français parlé chez ces amis français, pas un sacrifice pour eux car ils n’étaient pas trop doués de volonté d’apprendre l’Anglais qu’ils parlaient avec des accents les plus amusants. Un d’eux, friand de raconter des plaisanteries risquées, ajoutais souvent, avec un accent hilarant : ‘A dirty mind is a joy forever’ ce que je ne peux plus dire en Anglais sans y ajouter son accent français.

Donc, c’est par l’amitié de français et la musique française que le ‘tic’ m’a frappé. C’est un ‘tic’-à-vie. Ma vie sera prolongée par l’immense plaisir avec lequel vous et nos amis des blogs et des Vases m’entourez. Nous sommes une grande famille et vous en êtes la mater familias, vous êtes notre mère poule qui veille sur nous vos poussins.

Car qu’est-ce que serait le destin du Vasesco sans Brigitte Celerier?

Je termine avec un témoignage d’amour pour votre pays et votre langue. Trois de mes chansons favorites, chantées dans l’ambiance de ma première connaissance d’elles :

Yves Montand chante et danse ‘Les roses de Picardie’,
Gilbert Bécaud chante ‘Quand il est mort le poète’ dans une version plutôt récente (1988) parce que je la trouve la plus belle entre toutes par son âge et la participation émotionnée du public. ‘Dans un grand champ, des bleuets’, korenbloemen en Hollandais, ‘fleurs de blé’.
Jacques Brel chante ‘Ne me quitte pas’, l’enregistrement que j’ai entendu la première fois à Bornéo, chez mes amis Karin et Jacques Guéneau. C’est resté pour moi une des  chansons françaises les plus émouvantes .

Brigitte, je vous salue de la vieille Haye des Ducs de Bourgogne,

votre ami des pays de par deçà,

Jan Doets

 
 
Texte : *Une lettre à Brigitte Celerier, à l’occasion des vases communicants, publiée 7 février 2014 sur son site http://brigetoun.blogspot.nl/2014/02/ma-chere-brigitte.html, et à laquelle elle a répondu le même jour  chez les Cosaques: http://atomic-temporary-56466443.wpcomstaging.com/2014/02/07/mon-cher-jan/

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Mon cher Jan

07 vendredi Fév 2014

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Vases

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Mon cher Jan,

J’ai rougi en vous lisant, rougi bien entendu d’abord du rôle que vous m’attribuez, rougi aussi de ce que vous dites du français et, horrible aveu, du sentiment arrogant de la justesse de vos mots, qui teintait d’un zeste de suffisance ma confusion devant cet éloge.

Parce que vous êtes tombé sur une de ces françaises qui, sans vergogne, abrite sa totale incapacité à apprendre une langue, quelle qu’elle soit, derrière l’amour de la sienne, qu’elle a pourtant bien du mal à manier (je suis certaine que vous « possédez » la grammaire française mieux que ne l’ai jamais fait.. j’avais une fâcheuse tendance en classe à ignorer superbement ce qui m’ennuyait, me rattrapant sur d’autres matières, qui, par chance pour moi, avaient de bons coefficients.)

Et me voilà bien embarrassée, parce que je suis affligée d’un autre défaut qui nous est généralement reconnu – surtout pour les français de ma génération qui n’ont pas eu accès aux voyages considérés de nos jours comme ordinaires pour les jeunes -, une totale, ou presque, ignorance de tout ce qui n’est pas mon petit monde. À l’exception bien entendu de Paris, qui fut le cadre de plus de la moitié de mes jours, du Lyon d’une partie de mes ancêtres, et de la Bretagne rude des années d’après guerre, même le nord de la France m’est terre étrangère, et j’ai le souvenir de ma découverte effarée et émerveillée de Strasbourg ou, à un degré moindre, de mon impression de marcher dans un livre d’histoire sur les bords de la Loire, ou du Loir ou..

Ignorance qui a fait que j’ai beaucoup rêvé de tous ces pays que point ne connaissais, et de la Hollande (ou des Pays-Bas comme le dit mon crâne), et que, bien entendu, mon rêve était fortement teinté de poncifs, l’équivalent du béret, de la baguette et des petites femmes de Paris.

1 2 pour vases patins d'argent

Bien sûr, il y a eu la pitié craintive, l’effroi, devant les images et récits de la grande inondation, mais aussi le plaisir renouvelé avec délices de lire, relire en pleurant délicieusement les patins d’argent comme toutes les petites filles de ma génération (en alternant avec les quatre filles du docteur March) et, oui, aussi, j’y pense, la tête de loup de mer coiffée d’une toque sur les paquets d’Amsterdamer.

Il y a eu ensuite les petits cabinets qui, aux temps anciens où le Louvre est entré dans ma vie, pour en devenir l’un cadres, après la grande salle-sas au bout de la grande galerie et les Van Dyck et Jordaëns, les petits cabinets qui entouraient la grande salle des Rubens – passons sur la gloire flamande, la frontière était un peu floue à mes yeux de petite latine – et qui abritaient, comme de discrets trésors, avec, du moins dans ma mémoire, «la dentelière» bleu, jaune, perle et lisse de Vermeer, les intérieurs lumineux, sages, ordonnés de Pieter de Hooch et Borch, d’autres tableaux, et surtout mon goût rêveur pour les arbres, le vent, les paysages de van Ostade, Wouwermans et surtout Ruysdael, qui m’étaient chers…. et bien sûr je rendais visite aussi, souvent, à la Bethsabée, au paysage au château de Rembrandt, et à la franche, superbement canaille bohémienne de Halls. Quand j’avais choisi leur compagnie, traversant les Tuileries, en sortant, dans les fins d’après-midi transparentes, je rêvais richesse, marine, commerce, rigueur et gouaille, et, en fille de marin, que Tourville me pardonne, bataille de la Hougue où les hollandais nous battirent si durement.

1 2 Utrecht  2

Et puis je suis venue, pour quelques jours, en votre pays, il y a quarante cinq ans environ, pour le baptême de mon filleul (perdu de vue comme sa mère, qui m’était pourtant bonne amie, depuis très longtemps) et ce furent journées pleines, dont je n’ai qu’un souvenir brouillon et vague, d’où émergent mon étonnement ravi devant l’amabilité de l’employé qui m’a saluée d’un bonjour au fort accent en me rendant mon billet en gare d’Utrecht, la gentillesse du cercle, amis et famille, autour du bébé, et leurs efforts pour tenter de m’inclure, ma surprise devant un dîner à une heure à laquelle je n’y pensais pas encore et la variété de textures, teintes, formes des pains qui en étaient la base, le plaisir, en marchant dans cette ville coquette, de tomber sur un coin de canal un peu négligé, comme si là les ans avaient renoncé à se maquiller et qu’un peu du passé nous souriait dans un suspens de sa vie laborieuse.

Rouler dans une campagne que la fréquence des habitations transformait pour moi en parc rustique, vers une longue maison de bois bouffée de clématites, baignée de sourires légers et quiets.. où nous avons laissé les très aimables grand-parents et l’enfançon, pour une petite virée.

Deux jeunes femmes qui ne s’étaient jamais autant vues, notre amitié et nos différences, la grande et belle (avec une peau légèrement marquée qui rappelait sa prime enfance dans un camp japonais) digne, impeccable, aux principes souples et souriants, et la petite au chignon défait, capable de s’asseoir dans la rue, de dire ce qu’il ne faut pas, ébouriffée autour de principes rigides, deux jeunes femmes dans une petite voiture, vivant avec juste un brin de fantaisie les chemins classiques des touristes, la route le long de la mer et au dessus des terres (image qui m’en reste : la blancheur immense), la balade sur les canaux, et ma détestation des touristes français…

Un peu plus net : une salle lambrissée, au crépuscule, au dessus d’un canal, nos yeux, nos mots que j’ai oubliés, qui devaient être légers, au dessus d’un monde de petits plats, de saveurs, d’hésitation, ce qu’on appelle le rijsttafel.

1 2 4 fiancée juive

Et puis, le principal, notre errance dans le Rijksmuseum, trop brève bien entendu, et trop rapide, comme toujours – surtout quand ne suis pas seule – nez en l’air, au gré de nos impulsions, guidées en fait par la scénographie des salles, son insistance pour que j’admire avec elle la clarté des nefs d’églises de Saenrendam le jeune, pendant que je la tirai vers les paysagistes, et puis la confrontation éblouie, qu’aucune reproduction ne pouvait préparer avec la profondeur, la lumière sourde, le trait de la Ronde de nuit de Rembrandt et surtout, à côté, découvrir et rester figée devant «la fiancée juive», les deux visages sages aux sourires à peine esquissés, sortant doucement de l’ombre, un peu chiffonnés sous la lumière qui les sculpte en les effleurant, la tendresse retenue des gestes, la richesse des étoffes qui sortent de la nuit vague du fond, les reflets dorés sur les manches, et surtout ce rouge, profond et sourd, riche et mat, de la robe, où mes yeux se sont enfoncés, pris dans la pâte, et qu’ils n’ont jamais oubliés.

Brigitte

Texte : la réponse de Brigitte Celerier sur une lettre que Jan Doets lui ai écrit à l’occasion des vases communicants,  publiée  aujourd’hui chez elle sur http://brigetoun.blogspot.com .
Image du vieux cosaque : prise au musée Panorama Mesdag à La Haye par Giovanni Merloni en août 2013, en visitant avec ses Claudia et Gabriella.

Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants: le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement. Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Si vous êtes tenté par l’aventure, faites le savoir sur le group dédié sur Facebook, sur le blog http://rendezvousdesvases.blogspot.fr , ou sur twitter. Les lectures de ce mois sont à poursuivre à partir de http://rendezvousdesvases.blogspot.fr

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Avant-première Vases de février 2014, Brigitte Celerier et Jan Doets

18 samedi Jan 2014

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Cosaquiana, Vases

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Les lecteurs fidèles du blog Paumée ont suivi avec bien des soucis les ennuis de Brigitte Celerier. Le schleppement de son  nouvel ordinateur par des rues d’Avignon, suivi par une montée du dit appareil par son escalier, suivi de ses  mentions fréquentes de ses bobos de carcasse. Heureusement le vieux cosaque, lui-même récemment révitalisé, inclus graissage et changement d’huile par un cardiologue, est venu à son aide et les deux se préparent pendant ces jours pour leurs Vases Communicants quelque part en Allemagne, dans un camp d’entraînement spécialisé. Ils ont choisi le sujet :   “Le trapèze”.

D’Allemagne, ils vous souhaitent un bon week-end en vous offrant une avant-première de leur Vase.

http://vimeo.com/30014163

Texte : Jan Doets
Video: Die Maiers, Sabine Maier et Joachim Mohr, http://www.diemaiers.com/

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