12

Tu cours comme un baiser quand je sens que tu pars. La main tombe et l’épaule à son deuil. Tu cours comme un baiser, rattrapant ta lumière, et ma nuit, chasseur de lèvres et du goût de la langue. Tu cours comme le dernier, avec ce souffle de bougie, ce frisson frivole sans but, à peine le pied emprunté du temps. Je suis le manège ; mon mouvement jouit de tout ce que tu trembles. Mon regard se ferme car mieux tu me manques. Ma danse dans ton dos.

13

J’ai mis au ciel tous les baromètres, lessive de pulsions qui battent vers toi. Le temps des gouttes est mon ami. Il teint flaque du manque et d’hirondelles. J’ai mis à la nuit la porte qui doit s’ouvrir et son tocsin de chagrins. Je l’entends comme ta propre voix déclamant le venir. J’ai mis mon âme pour une fois, avec des souliers pointus comme des aiguisoirs, des ailes de licorne. Qu’elle brise menu le temps qui te dissèque. Ailleurs, ailleurs me réclame un séjour de tempêtes.

14

Comment se portent tes griffures, toutes celles qui me manquent pour être et pour écrire ? Le nid d’où tu les as tirées, lune à lune, fusain du soir et des fragilités, pour tes mikados volatiles.

15

Bleusaille rebroussée comme chat sous le vent, je suis nue. Nue d’un seul voyage sur le cercle d’infortune. Ce temps non plus ne veut de moi. Revenus de l’ailleurs, aimants aimants qui se cherchent,
et puis donc se fuient…

Texte : Anna Jouy – Issu du Recueil « Poèmes de la nuit à son matin ».