6

J’ai le tournis, le suave tournis des choses qui se lèvent et se couchent comme des soleils multiples. Cercles de limonaire. La vérité sur les épaules est un étrange bagage si pesant si léger, l’entier disséminé dans les étincelles du monde, et des rames de galère pour avaler la Terre.

7

Le monde est une médaille et le rêve fait sa gymnastique. Le labeur remonte le drap et parce que la madone connaît ta peau, je regarde le ciel. Pourquoi ai-je tant envie de disparaitre ?

8

Lune en rognure d’ongle, comme un bijou sur une paume nègre. Est-ce le monde qui coule ou ce cerceau d’iris ? Naître commence-t-il quand je ferme les yeux et que tombe dans le panier du rêve le mal de vivre ?

9

Les galaxies m’oublient. Je ne cherche plus, il y a trop à trouver. Même la peur blanche dans le tamis des masques. Le vin des hommes éclabousse tant d’étoiles que d’une main j’essuie pour raccourcir le ciel.

10

La lune t’appartient. Elle s’est donnée à toi et les autres ont suivi, la sachant grosse, portante de filous, de cheveux, de comètes. Le manège du temps poursuit ses ecchymoses, aubes et crépuscules. Et moi je dors dans le pli mauve d’un œil de verre, noire comme un fond d’horizon.

11

Un cyclope fait son trou dans ma mémoire, béance d’un orbe d’ailleurs. Perforation de fontanelle. L’esprit bat soudain une troupe d’idées noires, poissons d’asphyxie me gobant le chapeau. Là-haut quelque chose, où je rampe.

Texte : Anna Jouy – Issu du Recueil « Poèmes de la nuit à son matin ».