21

Mon petit pouls saute, des anges jouent à l’élastique. Fronde des rythmes inutiles, essaimant le bal et les désordres des naufrages. Pouls malingre, battant sans valse ni passion, une rame après l’autre à la pioche de l’eau et glissant vaniteux dans les frusques d’un autre cœur.

22

J’habite l’ensemble vide des orbes de pendules, le tic et le tac du temps en continu, spirale des étreintes encordant le silence. L’ombre qui passe est trotteuse de couloir. Tout au bout, mes traces fugaces comme des aiguilles sur le visage.

23

L’arbre chante comme un nouveau tour de Terre. Comme un train, comme le fleuve qui chevauche les souterrains. Comme la fanfare aux cuivres roux. L’arbre chante comme la détresse des nids que tu berces, un chant d’hypnose, un air qui frotte le fond des lames tôt et tard. L’arbre chante pendu à mon cou de racines sur le chanvre du ciel. Et j’écoute, yeux dedans, ma voix petite fissure parmi ses engelures au refrain. Arbre qui chante fait moisson d’oiseaux ; ma tristesse est perchoir.

24

Chaque nuit tu couches avec mon ombre et elle jouit de l’encre. La marmaille du jour à mes basques, muscarivolatiles piailleurs, éclosant dans l’ennui. Chaque nuit, tu la prends contre les murs, contre le bord de l’horizon qui dort, une poignée de ses cheveux entre tes doigts fusain. Tu grimpes, tu montes, tu croules, nuit contre nuit. Les canifs du jour pleuvent sur ma blancheur. Je demeure inquiète, porteuse de tes traits.

25

Tous les cailloux lancés font des flaques, un matin jonché de miroirs. Je me penche sur les trous d’entre les feuilles pour apercevoir la lune et je danse. Que monte au ciel le parapluie de ma jupe. Voit-on mon cœur cousu dans son milieu, œil du monde, bordé de chutes et du sel de l’onde ? Le semeur de pierres égrène entre ses doigts la montagne qui nous sépare. Le temps est sans importance. Il sait : les puits qu’il fait perforent la lumière. Et je bois et je fais.

Texte : Anna Jouy – Issu du Recueil « Poèmes de la nuit à son matin ».