Dans « Le La » on lit noir sur rouge une expérience limite, une narration déconstruite – en apparence -, ce mouvement interne à la langue qui se cherche, aux confins de ses possibilités. Un territoire extrême en somme. A la façon d’un surréalisme 3.0, proche d’un état hypnotique, d’une écriture automatique. Ce genre de démarches qui apparaissent lors d’un effondrement.

On pense alors à « De l’intelligence », d’Hyppolite Taine, à son fameux «  Il y a une personne qui, en causant, en chantant, écrit sans regarder son papier des phrases suivies et même des pages entières, sans avoir conscience de ce qu’elle écrit. À mes yeux, sa sincérité est parfaite ; or, elle déclare qu’au bout de sa page, elle n’a aucune idée de ce qu’elle a tracé sur le papier ».

Le chemin vers André Breton, et sa « méthode », consistant à écrire le plus rapidement possible, sans contrôle de la raison, sans préoccupations esthétique ou morale, voire sans aucun souci de cohérence grammaticale ou de respect du vocabulaire. L’état nécessaire à la bonne réalisation est un état de lâcher-prise, entre le sommeil et le réveil.

Un véritable exil intérieur, à l’heure du nuage numérique et de ses trouées vers des possibles presque infinis. Déroutant, interrogeant, ultra-salutaire pour comprendre ce qui secoue la langue, au point de la déstructurer, avant qu’elle ne s’adapte enfin à la guerre algorithmique. Un final comme une question de survie. A portée de téléchargement, comme une nouvelle fragmentée, à distance, qui déporte et (télé)porte le français dans une dimension inédite.