De mon corps, je n’ai pas de nouvelles. C’est une poste restante. La niche des lettres oubliées. Mon corps, sur le bord de la route avec sa gueule cadenassée, attendant que quelqu’un questionne et emprunte le chemin de la maison. Mon corps tend la main, mon corps s’assied, mon corps de fatigue s’allonge sur le banc. Mon corps qui se perd souvent entre mes mains, comme si je jetais mon esprit dans un masque de phalanges et d’ongles.

Je n’ai pas de nouvelles. Dans la plaine, près des bois cousus en contre-champ, mon corps est une embarcation promise à des vents et des marées sans ordre de mise en eaux. Je n’ai pas nouvelles. Je suis si sage. Une boîte de fers dressée au coin d’une clôture.

Tu as dit attends-moi. Je n’ai pas bougé. Il y a des saisons. On pourrait ici faire de moi ces montages d’images qui défilent de saisons en saisons et voir pourrir mon âme tout le long de mes chairs, s’effondrer doucement ma chevelure alors que les vents passent et m’usent. On verrait ma taille s’enfoncer dans mes grolles, et ces paupières résistantes qui fixent l’objectif toujours. Je n’ai pas dévié d’une ligne. Mon corps est un menhir dans lequel tu as enfoui tes coups de poings, tes morsures. Tu as tenté de me donner la vie.

Je te le dis maintenant, dedans mon corps a toujours gardé le son, l’onde parfaite de ton harmonie. Je suis un gnomon magnétique. Mon corps ne peut que faire courir son ombre sur le sol. Il attend encore de tes nouvelles, la lettre qui venait, une carte, un autre message, la flèche directionnelle qui me foutait aux étoiles.

Je sais, tu ne me crois pas. Tu n’as pas idée de ce que font les pensées pour agir, là où rien ne peut jamais bouger.

Texte : Anna Jouy