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Elle était vieille de trop d’années.
Elle était forte, grande, impériale.
Elle était large, solennelle.
Elle était mesurée dans ses paroles, ses gestes.
Elle était l’autorité silencieuse.
Elle avait des douceurs accueillies comme des grâces.
Elle avait des sourires calmes et minces que chacun guettait.
Elle avait des silences, visage raide, qui étaient condamnations.
Elle avait de rares mots d’esprit qui étaient redoutés.
Elle ne disait pas je veux.
N’en avait pas besoin.
Elle ne disait pas je voudrais.
On supposait qu’elle n’en avait plus besoin.
Elle était l’ancêtre impérieuse, la survivante.
Mais elle mettait plus de malice que de causticité dans ses remarques.
Mais elle consolait ceux qu’elle avait rudoyés quand ils étaient seuls..
Mais elle avait le matin des yeux de jeune fille enthousiaste.
Mais elle laissait tomber légèrement ses épaules, le soir, et s’entourait d’une brume de rêve.
Mais il y avait, remisé dans un couloir, et cependant présent pour qui voulait le voir, ce portrait qu’en tordant un fil de fer il avait fait d’elle dans leurs jeunesse.
Nous nous en souvenions,
nous la regardions et écoutions avec un sourire intérieur,
nous allions notre chemin et nous lui pardonnions

 

Texte : Brigitte Celerier
Silhouette : oeuvre d’Anne Duval