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Qu’est-ce qu’un prophète ?
Un pauvre dévoré par un ver.
Qui ne fait que trembler et mange de l’amer.
Qui ne peut échapper à cette dévoration.
Qui ne possède plus, même ses propres mots.
Un parleur qui dit le contraire,
mais pas comme tout le monde

Jonas

Ai-je raison d’être fâché ?
Ai-je encore raison de l’être ?
Il ne reste que le temps d’un rêve avant la fin,
sa durée dans l’esprit,
à peine une heure dans la nuit ou
juste une seconde,
ce qu’il faut pour remettre le souffle en d’autres mains.
J’ai marché, un jour entier,
sous le soleil et sous la pluie, le temps d’un songe,
d’un midi, juste ce qu’il faut pour se voir disparaître
au tournant du chemin.
Et je me suis assis à l’ombre d’un ricin,
sans autre appui que cette ombre.

Il y avait la ville, ses murs, devant moi,
à portée de parole, de la parole à dire.
J’ai dit : Où m’enfuir ?
Là où je suis, tu es.
Eux passaient, têtes hautes,
comme bateaux en mer.
J’étais sur le rivage, rejeté par les eaux.
Dans ce désert.
Dans le désert des mots.
Dire, quand on n’est que silence.
Je ne saurais pas faire.
Mais il y avait l’arbre, et le sang de son ombre
sur les murs de la ville.

Encore un jour, un jour sans fin,
et sans lumière, le cœur serré,
à n’être qu’acte de dire.
J’ai proféré. Jusque dans les impasses.
Et ce vent brûlant d’est, cet envoyé de toi,
ton ardeur à aimer, non quelconque sagesse,
ce vent de direction, parlait mieux.
Rien dans l’Écrit, maintenant que je vois,
ne dit comme je l’ai vu l’énoncé du souffle.
C’est un vent de seconde main.
C’est un trait de copiste.
Ah ! Je n’ai pas su dire, dans l’instant.
Su que faire de mon sang.

C’est qu’on est à soi-même. On ne veut pas
d’un autre qui nous l’infuserai, le sien.
On a tant de problèmes sur les bras.
Tant de peine à garder dans l’enclos.
Et la distance à mesurer entre les vautours
et le corps.  Sans compter tout le reste,
ce sont les gens, qui ruminent, sur les places,
dans les cafés. Qui mâchent le temps.
A petits coups de dents. Renient le jour qui passe.
Le jour passé. Encore un jour,
dans la surdité du monde. Qui n’est pas le silence,
mais les ténèbres chuchotantes, quand tout le reste dort.
Il n’y a que la nuit qui chante.

Ô ma nuit. Cette ombre du ricin.
Ses palmes. Contre le vent.
Cette part de soi-même.
Vrai jour d’avant le temps.
Ô la profondeur de son ventre.
Ce détour par le fond.
On en ressort, étendu sur le sable,
sans vouloir, vaincu.
Mais je ne voulais pas. La mer s’apaisa pourtant
devant ma fuite. Qu’ai-je fait ? Sinon crier
dans les entrailles. Clamer : Encore quarante jours
et la ville sera détruite.
Puis je me suis assis à l’ombre de ta tendresse.

18 septembre 2009 (inédit)

 

Texte : Serge Marcel Roche