La recommandation était pourtant simple. Seuls ceux qui seraient équipés de lunettes appropriées pourraient regarder l’éclipse.
Les vieux sont sortis de la maison de retraite comme un barrage éclate. Enfin presque. Les derniers n’avaient pas dépassé le portail que tous les bancs verts affichaient complet. Les yeux de beaucoup se plissaient pour tenter de vivre intensément l’éclipse totale. Ils ne portaient pas les lunettes protectrices dont les normes avaient été fixées par l’Etat. On n’avait pas pu les raisonner. Le principe de précaution avait dû aller se rhabiller. Le lendemain, dix filèrent à l’hôpital, 12 ne voyaient plus que d’un œil, pour 35 d’entre eux des tâches rouges barraient leur champ visuel, 7 en sortirent indemnes (ceux qui avaient eu un problème au démarrage et arrivèrent après l’éclipse).
Ce que l’on peut dire, c’est qu’il y a le monde d’avant, le monde d’après et que pour les plus lents, c’est le même.

Dans le jardin public d’une ville oisive et quelconque, un couple s’adonne aux jeux furtifs de l’amour sur un vieux banc à la peinture écaillée, près d’un clochard emmitouflé dans un vieil imper gris, au regard en éclipse aussi lointain que vide.

Texte 1/Photographie : David Jacob

Texte 2 : Eric Tessier