Toile de Aris Francel

On aborde d’abord « Foi Folie et Fêlure » comme son auteur a souhaité qu’on le fasse. Comme une pièce de théâtre. Ce que le texte est. Sublime et hanté. Dur et terriblement beau. Une œuvre traversée de bout en bout de fulgurances typographiques, d’inventions narratives. Une œuvre dont la portée littéraire, philosophique et mythologique ne cesse de s’étendre au fil des lectures et des relectures. Une profonde réflexion sur l’amour, la filiation, le souvenir. Sur la destruction et la liberté.
Le texte travaille à décloisonner l’écriture dramatique, en ouvrant la poésie à la dynamique du théâtre, puis en réinventant le théâtre par son immersion dans la poésie. L’on mesure alors l’importance de « Foi Folie Fêlure » à cette difficulté : le théâtre est le lieu de l’incarnation empirique, alors que la poésie est le lieu de la transcendance. Deux visées antagonistes, que Jean Dupont parvient à fusionner en forgeant un « théâtre-poésie » (tel qu’il a pu être défini par Marianne Bouchardon).
A l’instar de Paul Celan, mais aussi de Guyotat, Jean Dupont transmute le langage.
Le langage devient matière ici, perdant sa fonction communicationnelle, dont on mesure chaque jour la faillite. La parole s’est perdue dans son rapport à l’histoire, aux histoires. Devenant l’instrument du storytelling, ou du roman. L’instrument du drame mis littéralement en scène. Au détriment du conflit de l’homme avec le langage. Autrement dit, au détriment de l’essence même de la poésie.
Ainsi Jean Dupont percute la matérialité même du théâtre, en le sortant de son carcan dramatique, pour le précipiter, grâce à la force poétique, dans une forme indéterminée, mettant en jeu la vie même, en lieu et place d’une dramaturgie prédéterminée et forcément réductrice.
« Foi Folie et Fêlure » est une transgression qui ébranle ce que l’on connaît du théâtre de manière classique. Le texte déstabilise cet édifice, en mettant en jeu, non pas une « scène », mais bel et bien la poésie comme matrice du tout. Seule force capable de renverser les cloisons entre genres. C’est même sa fonction vitale. Interroger, jusqu’au langage, les fondements les mieux établis pour faire surgir de nouvelles formes. Et mettre l’homme face à lui-même. Dans sa singularité, son mystère et sa liberté foudroyante.
Jean Dupont affronte là, par le versant poétique, ce qui fonde le théâtre, mais ce qui le détruit aussi. Avant de le reconstruire, totalement renouvelé.

« Foi Folie et Fêlure » de Jean Dupont – Editions QazaQ – ISBN : 978-2-492483-47-9

Sur l’auteur

Jean Dupont est né dans un mimosa en fleur dans la banlieue Est de Paris. Il préféra les rivières aux écoles, et décida d’écrire pour le théâtre. Après avoir pédalé jusqu’aux forêts du Morvan et survécu au désert de Paris, il s’installe à Bruxelles qui est plus douce et généreuse. Un extrait de sa pièce L’amour au premier regard a été publié dans le numéro 16 de la revue Le Cafard Hérétique. Un extrait de sa pièce Avec la mort à bicyclette a été publié dans le numéro 214 de la revue Recours au Poème. Sa pièce Foi folie et fêlure est publiée aux éditions QazaQ en 2022. À Bruxelles, il participe en 2022 en tant que dramaturge à la création de deux ses pièces, Plongée d’hiver et L’amour au premier regard.