Puisque tout est miroir, le reflet l’un de l’autre
Et puisque le temps passe nous laissant tous hagards
Démunis, désœuvrés en partance à la gare
Sans réserve de blé ni galette d’épeautre

Dont nul n’a plus besoin pour l’ultime voyage
Que tous nous ferons de nuit un jour prochain
Sombrant dans un sommeil éternel et sans faim
À tous les disparus qui partent sans bagage

À ceux qu’on a aimés évanouis du réel
Qui dans l’affliction nous pressaient fort la main
Pour nous réconforter en la peur lendemain
Et qui vivent sinon dans le battement d’ailes

Des anges ces oiseaux aux basses altitudes
Volent au-dessus de l’eau des étangs nés d’hier
Où plongeaient les enfants libres de tout naguère
Dans un temps d’innocence légère de complétude

Ce temps est retrouvé pour celui qui s’en va
Et c’est ce qui console les âmes délaissées
Plus de souffrance humaine, d’absence de baisers
Mais l’intense lumière dans le tout libéra

Bienvenue au royaume, la pharmacie céleste
Qui dispense des baumes, de puissants élixirs
Où mystères et secrets pour qui vient de partir
Sont révélés enfin dans le poids qu’on déleste

La prière est le lien qui nous veut pur et fort
Meilleur sur le chemin d’une vie turbulente
Puis heureux dans l’instant, la passion ardente
Ô l’amour encore, le voilier rentre au port

Texte/Illustration : Jeanne Morisseau

Sur l’auteur

Jeanne Morisseau, originaire du Val d’Oise, est peut-être plus connue pour sa musique que pour ses livres, et c’est effectivement par-là que son atypique parcours artistique a commencé. Très tôt, Pascale (pas encore Jeanne, son deuxième prénom) commence un journal intime (qu’elle tiendra toute sa vie) et compose à la guitare des chansons qu’elle garde secrètes, impressionnée par le caractère par trop intimiste de celles-ci. Le temps passe jusqu’en 1992 où, en même temps qu’éprise de photographie, elle va vers le monde avec ses différents projets folk rock cachant sa sensibilité derrière des textes en anglais. En 1998, après quelques concerts – déclencheurs – aux USA (Portland, San Francisco, Nashville en 1995), quand elle passe à la langue française, c’est l’envol de ses poèmes chantés qui l’incite à travailler sa voix de haute tessiture, et elle fut surprise alors de voir surgir en elle une veine extrêmement classique dans les formes qu’elle aborde. Est-ce d’avoir chanté Rimbaud, Hugo ou Baudelaire, elle étonne (détonne ?) par la force émotionnelle de ses textes et son foisonnement artistique tous azimuts. De la poésie, elle passe à la prose (et de la photo à la peinture). Et c’est donc après un premier recueil À l’est, d’une étrange densité en écriture, et dont la quête de l’Éden est la clef de voûte, paru en avril 2015 aux Éditions Unicité (mais écrit en 2002), et après la parution d’un recueil de poésie (Eaux d’avant, Échappée Belle Édition, septembre 2015) que Jeanne Morisseau nous revient avec un tout premier roman – incrusté de poèmes – au titre annonciateur de beauté et de douceur : Mauve avant (mars 2017) d’un style qui pourrait se situer (de façon improbable) entre George Sand et Virginie Despentes. Pour Jeanne, ce livre est bien plus que la lecture qu’il propose ; en effet, de par sa sève poétique et de prose, de même que sa quête charnelle autant que spirituelle, il constitue davantage une expérience profonde de l’amour, la vérité d’un monde et la quête de création et d’altérité qu’il brasse, dans une expression fouillée, tel un voyage intérieur, empreint de sensibilité toute féminine environné de nature sauvage et océane, lequel rime avec l’univers. Mais l’art de cette artiste complète ne s’arrête pas à l’écriture, elle excelle aussi dans la photographie et la peinture, pratiquant notamment de façon presque exclusive l’aquarelle depuis janvier 2019.

Galerie peinture : www.pascalejeannemorisseau.com/aquarelles2019/
Site de Mauve avant et autres liens : www.pascalejeannemorisseau.com/mauve