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Le blog n’est pas silencieux, il est « effacé ». Je suis dans le frottement continu d’éléments contradictoires- Puis-je trouver dans l’effacement, un terrain neuf pour la parole et l’écriture ?

Bonjour chez vous.

Eprouver la distance. Dans le silence, c’est l’écart qui compte le plus. La mesure. Le métrage qui me sépare de la parole. Est-ce un pays, un continent? Une maigre coudée ? Je l’ignore mais ce n’est pas important. Ce qui importe, c’est l’intervalle de soi à l’autre. Pour la pesée ou l’évaluation du silence, je ne trouve pas d’autres termes que ceux de l’espace.

Il faut découvrir le terrain, la géographie qu’il y a dans la parole, le cheminement plus ou moins chaotique des phrases, des mots, circulant dans sa cité intérieure. Voir le parcours que fait la voix qui traverse la feuille de gauche à droite, qui quadrille l’écran ou le cahier qui ratisse le blanc espace du non dit.

L’effacement pourrait valoir son pesant d’infini, d’horizons et de possibles. L’effacement, comme un projet de voyage, une ébauche intime de la longueur d’une randonnée. Une estimation retenue, une économie de pas. Le silence fixe la cible dans le mental du sagittaire.

Je suis loin encore

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Falloir penser seule, agir aussi, ravaler le délabrement de l’idée commune. Choisir des moellons à même son territoire. Construire une écriture équitable ou bio. Economie autarcique. Rendre ses exotismes, l’ara emplumé de son vocabulaire. Chercher le rudiment, l’élémentaire de ce qui est en soi ou ce qui entoure. Reprendre sa campagne, son enclos. Rassembler la terre, butter le soupir qui fait le cœur gros…. Attendre le germe.

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Certains disent se recentrer. J’entends cette formule comme la nécessité de la toupie. Son élan qui finit par s’affaisser dans des soubresauts déjantés et qui réclame une impulsion neuve. La plume est pointée sur la surface du blog. Elle tournait d’une force encore suffisante mais maintenant mon centre de gravité penche; je suis une révolution qui claudique. Le moindre appel perturbe le blanc des feuilles, mouchetées aussitôt de bruissements et d’interventions comme des gouttes de pluie tombant sur le buvard. Je tends ma feuille vers un ciel neutre, l’aube. Moi aussi, je m’attends à de bonnes nouvelles. En viendra-t-il ? Je m’y attends mais c’est l’heure de l’encre sympathique. Des gouttes citronnées tombent, le mystère se poursuit sur les pores du papier. Le bec de métal trace. Est-ce un poème, un simple baiser mouillé ?

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Remplir mon ventre d’incroyables.

Y mettre des ficelles, des boutons ; on parle d’inutiles et je suis avide. Chercher dans des montagnes, des Cervins tendus, l’envers des falaises, et ce ne serait que farines que granits qui me plomberaient au sol. Avant que de m’en aller pour l’ascétique mort, je me dirais alors, ça y est je reconnais mes limites et je n’en finirais plus de creuser la plénitude. J’ai dévoré le tapis de feuilles, le champ de l’herboriste, j’y ai laissé mes crocs et ma salive. L’ai ruminé, il le fallait. Il y a des choses dont se repaitre. Je voudrais mon ventre remplir, outre froissée de sécheresses, en gonfler les peaux, mésentère obèse, havresac des désirs et des soifs. Et m’enfiler la Terre entière par les pores, aiguilles vives.

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Le bruit du vent, la transparence se déchaîne. Finalement disparaitre de la vue n’est pas forcément s’abstraire dans le silence. Je regarde les arbres sous la violence de l’air ; j’écoute le vacarme que font les choses quand l’invisible les agite.
Ce vent est la preuve des effets inaccessibles de ce qui n’a pas d’images. Stupéfactions partout mais de choses aussi fascinantes que la réalité de la transparence, on ne s’étonne guère.

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Pêche à la ligne. Le subreptice contenu des lignes, les autres de la vie, celles de nos textes. Espérer, dedans, dans les dévers du sens y trouver ou voir apparaitre quelque chose d’un peu insaisissable. De la même façon que les rues s’imprègnent d’anciens pas, de rencontres, des jours du passé qui ont choisi autrefois le même chemin. Et vous les traversant, endossant le rôle du passant, et la voie se chargeant de l’emploi du passeur…

A l’affût de ces bribes tracées ou de ces étincelles parfois qui évoqueraient ou convoqueraient. Et quand rien, quand la rue déserte, se sentir perdu en soi-même, invité à des sensations d’exil, d’étranger. Ce besoin du relais des références !

Je ne sais comment et où se déclenchent les mémoires porteuses des gamètes de l’écriture.

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Relever le gant en peau de peine, déporter la main, de la gorge vers son baiser. L’élever en somme.

Attendre, que se battent la lumière, la nuit. Le désir te gagne. Il faut te lever. Ring parfait du monde. Autour, ces cordes dans lesquelles tu restes accroché, qui te retiennent et te remettent au combat sitôt, ressort des reprises. Une lutte aux poings parfois et d’autres à paumes nues. Tu ne choisis pas la couleur de tes coups. Et dans le vide, souvent tu gesticules, tu brasses, tu frappes. L’air plie, se contorsionne et tombe à terre. Tu comptes jusqu’à dix mais il est déjà derrière toi avec ses gifles secrètes, ses martingales, ses clés et ses prises. Tu reprends la position, les deux mains en protection sur ta bouche. Ton visage fermé.

Texte : Anna Jouy