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DermatologueBlog

L’autre jour, je feuilletai un vieux calepin (datant d’avant mes lectures françaises), au point de le jeter dans la poubelle . J’y retrouvai des notes personnelles que je veux bien partager avec vous, au cas où vous prévoiriez de visiter un dermatologue. Je lus :

“Ça démange partout. Cela me gêne pendant l’écriture. Impossible de me concentrer. Tronc et membres couverts avec des bosses qui vont et reviennent mystérieusement. Je vais chez le dermatologue.

Je lui raconte qu’avant ma douzième année, j’étais couvert d’urticaire chaque fois après avoir mangé du porc, des fraises et des épinards frais.

“Une fois allergique, toujours allergique,” me fait remarquer le dermatologue, “et c’est bien probable que dans l’intervalle vous êtes devenu intolérant aussi au gluten et toutes sortes d’histamines fortes, comme on trouve dans le vin rouge. Mangez-vous souvent du hareng cru ?”

“Oui, deux par jour”.

“Et le vin rouge ?”

“Quelques verres par jour, mon  fils habite près de la Bourgogne.”

“Arrêter tout”, me dit le dermatologue et il ordonne à sa belle assistante de gratter mon dos avec quelques trente substances nocives et de les numéroter avec un crayon-feutre.
***
Deuxième rendez-vous dermatologue. Les démangeaisons se poursuivent sans relâche. Mon dos ressemble un champ de bataille.

Il me dit:

“La recherche d’allergies n’a donné aucune indication. Félicitations, tout est normal.”

Un brin déconcerté, je lui réponds:

“Docteur, j’ai fait la désintox de tant de choses que j’en ai fait une petite liste pour vous, voilà, je ne mange plus presque rien sauf du sarrasin, trois fois par jour.”

Le dermatologue lit, à haute voix.

“Plus de sofa en cuir, plus de trousseaux de clefs en poche pantalon, plus de gluten, plus d’épices odorantes, plus d’oignons, plus d’ail, plus de vin rouge, plus de hareng, ni d’autres poissons sauvages.”

Il me demande de me mettre à poil et inspecte chaque millimètre carré de mon corps à travers une lunette à projecteur, comme une capitaine d’il y a  quelques siècles.

Il s’assied en poussant un soupir.

“Désolé, des bosses partout, mais comme je vous l’ai dit : tout est normal, je ne peux rien faire pour vous”, dit-il.

“Docteur, le stress pourrait-il en être la cause ?”

“Balivernes”, répondit le dermatologue, “au revoir.”
***
Après, plus de notes sur le même sujet.

En écrivant ces mots, je  me souviens soudainement  (je vous le confie en confidence) que quelques quatre mois après, les démangeaisons avaient disparu aussi mystérieusement qu’elles étaient venues, après la lecture, jour après jour, de La recherche du temps perdu et ma consommation d’une abondance de vins de  Bourgogne, des Côtes du Rhône, de Champagne Brut Nature de Drappier (sur ordonnance de ma belle-fille française, elle aime les sensations pures, that’s why), de hareng cru, de nourriture extrême-orientale, de toutes sortes d’épices méchantes, bref d’une grande variation d’histamines.

Proust est Bon. Proust conserve.

Texte: Jan Doets