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Strop Blog

Le vieux cosaque dit à Borislava :

“J’ ai aimé de faire cette traduction de « La bague », mais ouf  j’avais des problèmes, il y a des mots en Hollandais qui n’existent pas en Français et vice versa. En Malais on dit : ‘pisa persa’. Oui, Borislava, c’est une autre histoire. Mais patience …  une histoire polyglotte à la fois !”

“Vous souvenez-vous d’un exemple? ”, murmura Borislava, car elle avait appris de prendre tout ce que racontait Syvorotka avec un grain de sel.

“Ne me parle plus de La bague, je suis soulagé que ce projet ait finalement fini”, dit l’atman, “mais si vous insistez, il y a quelque chose qui me vient à l’esprit.

J’ai connu un vieux gentleman nommé Louis de la Coste qui vivait en retraite dans un village zélandais et considérait toute chose des deux côtés. Surtout quand il s’agissait de calvinistes. Quand il s’agissait de Calvin, il rajoutait toujours quelques côtés en plus. Émigré français aux Pays Bas, Louis était un traducteur en retraite et un raconteur captivant. Mon sensei aussi – je t’explique ce mot quand je te raconte mes aventures japonaises.

En guise d’introduction, il frappait toujours, à plusieurs reprises, solennellement, avec le plat de la main droite sur son ventre. Cela sonnait comme un gong (il me l’a expliqué une fois, en privé évidemment, par la présence d’une plaque en acier inoxydable, que l’on avait montée en lui après la réception d’un coup de balle au ventre d’un Schmeisser en mai 1940).  Puis, il ajouta : “voyons por aquí, voyons por allí, je vous en donnerai un exemple” (sa mère était Espagnole, de Barcelone).

L’histoire la plus éducative que je l’ai entendu raconter est la suivante. Tout en sachant que j’aspirais de devenir un bon traducteur comme lui, il me dit :

“Un jour (j’étais encore dans ma vingtaine), je reçus une lettre plaintive de mon ancienne gouvernante à La Rochelle, mon lieu de naissance. Le mauvais œil l’avait touché. Son petit ami était disparu avec une femme beaucoup plus jeune, une italienne. Donc ma gouvernante avait un besoin urgent d’un noeud coulant vraiment utilisé pour punir un criminel.

En vue de sa situation pénible qui exigea une action immédiate, je visitais, à bicyclette bien sûr pour pouvoir me déplacer rapidement, tous les antiquaires au centre de La Haye mais tout ce que je pouvais trouver était un bout de corde ‘ayant appartenu à quelqu’un qui méritait d’être pendu’. ”

Louis pausa quelques minutes, pour créer un plus grand effet de ses mots, me regarda dans les yeux, et continua :

“Voilà. C’est un bel exemple d’un problème de traduction. Pourquoi ne pouvais-je pas trouver dont ma gouvernante avait besoin ? Je te l’explique : on ne me comprenait pas, parce que je ne pus pas m’exprimer bien, à cause d’une différence culturelle !

Hors de la France, quand on cherche ‘une corde avec un noeud glissant’ on est présumé gaga, ou on pense au patinage ou aux cowboys. Je ne maîtrisais pas bien le Hollandais encore et je ne savais pas que ce que ma gouvernante cherchait s’appelle en hollandais : un ‘strop’. Comme ça, juste un seul mot clair qui ne peut avoir qu’une seule connotation :  ‘à la potence !’ Personne ne comprend ici les mots ‘nœud coulant’!  En Anglais on l’appelle un  ‘noose’, en Allemand un ‘Strang’. Un tel mot n’existe pas en Français, mon cher! On ne le trouve pas dans le dictionnaire quand on cherche la traduction de ‘strop’ !

En France, la justice a fait tuer les criminels condamnés à mort humainement, par la guillotine. Le couperet est plus humain que la corde ! Tschakk ! Pas Uuughgghhh ! …  ”

Il ne put pas continuer son histoire, car Borislava était si choquée qu’elle disparut dans la cuisine, laissant le vieux cosaque en un état de légère confusion. Il reprit son travail.

Il était en train de faire une traduction en allemand et chercha la traduction de lollypop. Voilà : ‘Luxus Saugbonbon mit Edelholzgriff’.  Hm, bien voilà donc, sucette, pas mal, le Français, après tout.

Texte: Jan Doets