
« Il faut la face de l’abandon pour que se laisse voir la plus absolue liberté. Mon premier film (j’avais votre âge, 20 ans) ne disait pas autre chose.
La femme, dont j’étais amoureux et avec qui je vivais, y jouait le rôle d’une femme qui se laisse voir.
Au-delà de la tendre naïveté qui enveloppait chacune de mes images et les troublait précisément de par leur innocence, la beauté de mon amoureuse nue se masturbant sur la scène fut le pourquoi de mon film. J’avais souhaité qu’elle se caressât sur l’air qu’il y a dans la Passion selon saint Matthieu de Bach : Blute nur, du liebes Herz. Mélodie que j’avais choisie parce qu’elle préfigure la forme préférée de la musique post-classique, c’est-à-dire la phrase de huit mesures, dans laquelle une figure est répétée, puis suivent deux variations de cette figure et, de nouveau, elle est répétée. Répétitions qui annoncent la musique dodécaphonique qu’on peut résumer par cette phrase de Kierkegaard qui m’est chère : « La répétition, voilà la réalité et le sérieux de la vie. »
Le cinéma, c’est une chose très simple : c’est quand la caméra tourne, a dit Jean Eustache. Aujourd’hui c’est mon cœur qui tourne. Oui, vous voyez comme tout pourrait être simple.«
Le Pantalon Ivre – Roman graphique de Jacques Cauda – Editions QazaQ – ISBN : 978-2-492483-20-2
Ce « Pantalon Ivre » peut se lire comme le récit, aux heures qui sont les nôtres, comme l’entrée dans l’enfer d’une bibliothèque. Il n’est pourtant question que de poésie, de beauté, d’exaltation de la vie, et de ses plaisirs forcément proches de la souffrance. C’est que Cauda parle à Bataille et Sade. Entre autres. A tous ceux qui savent bien que le tabou est la vraie matrice du mal, et que la chair s’ouvre sur le ciel.
Jacques Cauda est homme d’images aussi. Derrière la caméra longtemps, et peintre – et quel peintre, l’inventeur de la surfiguration ! -. Sur la page, il fait surgir des scènes brûlantes, prodigieuses de liberté et d’outrances libératrices. Un récit fulgurant, consumant le désir et les corps. Dans une époustouflante leçon d’écriture bien plus qu’érotique, totalement et viscéralement artistique surtout. Une manière sans la moindre retenue – sinon celle d’un style ciselé, quasiment classique – d’explorer non pas l’interdit – cette liberté-là est à notre portée, il suffit de le vouloir – mais de faire exploser les épaisses murailles derrières lesquelles nous nous sommes, nous avons été, dangereusement enfermés.
Cauda est un peintre prodigieux, à l’écriture surfigurative – à l’image de ses toiles – imprimant sur la rétine des sensations que l’on est pas prêt d’oublier.
A lire un premier article concernant « Le Pantalon Ivre » :