30 ans
30 ans sur ce banc, un peu avant vous,
30 ans avec ces carnets ouverts,
30 ans sur ce banc, à tout écrire,
30 ans sur ce banc, à réécrire,
30 ans de blancs à me relire,
30 ans sur ce banc et ces reflets,
30 ans d’oubli sous ces bleus,
30 ans sur ce banc à patienter,
30 ans que je cherchais votre adresse,
30 ans et vous arrivez là en lumière.
30 ans devant pour nous rappeler ou bien
30 ans à votre tour, quand viendra le moment,
30 ans pour raconter nos ombres si proches,
30 ans à raconter cette histoire aux oiseaux,
30 ans de plus ont passé, invisible à présent,
30 ans sur ce banc, la main sur votre épaule.
Et à la fin de tout, comme il est tentant
Ce grand large des jours, alors puisque vous
Retournez voir la mer, parlez-lui de moi des fois
Et même si les jours raccourcissent un peu
Fermez les yeux sur ce parfum, vos cheveux
Remontés sur votre nuque, comme j’aimais,
Sans jamais avoir pris le temps de vous le dire.
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Moi aussi, je voudrais,
Je voudrais longer la Seine
Le vent dans nos faces
Mais doucement,
Je voudrais continuer
Le souvenir, le faire grandir
Mais doucement,
Je voudrais marcher avec vous,
Prendre toutes les rues
Mais doucement,
Je voudrais vous offrir
Cette pierre blanche
Que j’ai posée en attendant
Sur La plus que vive,
Je voudrais la lumière
D’automne sur un pont
Pour voir loin devant
Mais doucement,
Je voudrais ne pas me poser
Tout de suite, m’épuiser
Mais doucement,
Vous murmurer que tout ira
Quand je fermerai les yeux
Pour ce soir, pour demain
Je voudrais nous trouver un arbre
Un abri pour la nuit,
Me réveiller avec deux chevaux
Car nous aurons quitté la ville
Et le reste, sans nous retourner,
Et tout sera tranquille enfin.
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De peu
Il s’en est fallu de peu pour que nos yeux ne se croisent pas un jour. Il s’en est fallu de peu pour que le temps des autres ne nous rattrape pas un matin ensemble et que je ne t’ouvre pas cette porte.
Il s’en est fallu de peu pour que je ne tremble pas, mais je n’ai fait que cela. Il s’en est fallu de peu pour faire croire à l’autre que tout peut se tasser à coups de sabliers retournés. On le dit pour rassurer parce qu’il faut bien avancer.
Il s’en est fallu de peu, de si peu.
Un jour, après l’éloignement, nous nous attacherons, j’espère, à faire un feu pour nous rappeler que le presque rien, à qui sait le regarder, est une invitation à être présent pour l’autre, au même titre que le reste, même en son absence, surtout en son absence, parce que la vie continue. Elle ne sait faire que cela.
Sur l’auteur

Né en 1970 en Bretagne, non loin de la forêt de Brocéliande, David Jacob aka Le Monocle découvre les joies de l’écriture à 19 ans. Il rencontre l’artiste Julien Mellano avec qui il commet deux petits livres textes/photographies : « La saison des puits » et « Je ne suis pas un héron ».
Il participe à différentes aventures littéraires, fanzines, revues et recueils dont le livre-objet « Terres neuves Revisions » de Jérôme Sevrette où il collabore avec Olivier Mellano et Filip Chrétien (qu’il retrouvera sur l’album Devant). Depuis 15 ans, son travail photographique fait l’objet d’exposition. Il a collaboré à l’émission radiophonique Le Cabinet des Curiosités dirigé par Greg Bod pour Radio U. Son prochain livre (textes/photos) est prévu en décembre 2020 intitulé « 50 » .
Il aime marcher loin devant, s’arrêter dans les flaques, le vent, la mer et fermer les yeux quand une main ou une coccinelle se pose sur son épaule.
Site de l’auteur : http://lemonocledemononcle.weebly.com/
Textes : David Jacob
Visuel : Julie Wolf
Bravo, l’artiste ! Merci d’investir dans l’humain et son mystérieux quotidien.