30 ans 

30 ans sur ce banc, un peu avant vous, 

30 ans avec ces carnets ouverts, 

30 ans sur ce banc, à tout écrire,

30 ans sur ce banc, à réécrire, 

30 ans de blancs à me relire,

30 ans sur ce banc et ces reflets,

30 ans d’oubli sous ces bleus, 

30 ans sur ce banc à patienter, 

30 ans que je cherchais votre adresse, 

30 ans et vous arrivez là en lumière. 

30 ans devant pour nous rappeler ou bien

30 ans à votre tour, quand viendra le moment,

30 ans pour raconter nos ombres si proches, 

30 ans à raconter cette histoire aux oiseaux,

30 ans de plus ont passé, invisible à présent, 

30 ans sur ce banc, la main sur votre épaule.

Et à la fin de tout, comme il est tentant

Ce grand large des jours, alors puisque vous 

Retournez voir la mer, parlez-lui de moi des fois

Et même si les jours raccourcissent un peu

Fermez les yeux sur ce parfum, vos cheveux

Remontés sur votre nuque, comme j’aimais,

Sans jamais avoir pris le temps de vous le dire.

******

Moi aussi, je voudrais,

Je voudrais longer la Seine

Le vent dans nos faces

Mais doucement, 

Je voudrais continuer

Le souvenir, le faire grandir 

Mais doucement,

Je voudrais marcher avec vous, 

Prendre toutes les rues

Mais doucement,

Je voudrais vous offrir

Cette pierre blanche

Que j’ai posée en attendant 

Sur La plus que vive, 

Je voudrais la lumière

D’automne sur un pont

Pour voir loin devant

Mais doucement,

Je voudrais ne pas me poser

Tout de suite, m’épuiser

Mais doucement,

Vous murmurer que tout ira

Quand je fermerai les yeux

Pour ce soir, pour demain

Je voudrais nous trouver un arbre

Un abri pour la nuit, 

Me réveiller avec deux chevaux

Car nous aurons quitté la ville

Et le reste, sans nous retourner, 

Et tout sera tranquille enfin.

******

De peu 

Il s’en est fallu de peu pour que nos yeux ne se croisent pas un jour. Il s’en est fallu de peu pour que le temps des autres ne nous rattrape pas un matin ensemble et que je ne t’ouvre pas cette porte.

Il s’en est fallu de peu pour que je ne tremble pas, mais je n’ai fait que cela. Il s’en est fallu de peu pour faire croire à l’autre que tout peut se tasser à coups de sabliers retournés. On le dit pour rassurer parce qu’il faut bien avancer.

Il s’en est fallu de peu, de si peu.

Un jour, après l’éloignement, nous nous attacherons, j’espère, à faire un feu pour nous rappeler que le presque rien, à qui sait le regarder, est une invitation à être présent pour l’autre, au même titre que le reste, même en son absence, surtout en son absence, parce que la vie continue. Elle ne sait faire que cela.

Sur l’auteur


Né en 1970 en Bretagne, non loin de la forêt de Brocéliande, David Jacob aka Le Monocle découvre les joies de l’écriture à 19 ans. Il rencontre l’artiste Julien Mellano avec qui il commet deux petits livres textes/photographies : « La saison des puits » et « Je ne suis pas un héron ».

Il participe à différentes aventures littéraires, fanzines, revues et recueils dont le livre-objet « Terres neuves Revisions » de Jérôme Sevrette où il collabore avec Olivier Mellano et Filip Chrétien (qu’il retrouvera sur l’album Devant). Depuis 15 ans, son travail photographique fait l’objet d’exposition. Il a collaboré à l’émission radiophonique Le Cabinet des Curiosités dirigé par Greg Bod pour Radio U. Son prochain livre (textes/photos) est prévu en décembre 2020 intitulé « 50 » .

Il aime marcher loin devant, s’arrêter dans les flaques, le vent, la mer et fermer les yeux quand une main ou une coccinelle se pose sur son épaule.

Site de l’auteur : http://lemonocledemononcle.weebly.com/

Textes : David Jacob

Visuel : Julie Wolf