Dérivant lentement mais sûrement vers son antithèse la littérature telle que formatée, conçue et propagée par les blockbusters de l’édition et diffusée dans les mass-médias, meurt d’une mort qui n’est pas belle du tout. Le livre, cet objet sacré, est dévoyé. Réduit à un simple produit, dont plus personne ne peut aujourd’hui raisonnablement mesurer ni la qualité réelle, ni l’utilité artistique, ni l’importance pour l’art de l’écriture, le livre s’éteint. Non pas dans l’indifférence générale. C’est bien pire que cela. Dans l’hystérie d’une industrie et de ses faux satellites faussement indépendants. Ce vacarme assourdissant orchestré par les monstres d’un secteur en crise, dont l’ultime compétence semble être l’organisation événementielle et l’allumage sidérant de contre-feux permanents destinés à étouffer l’édition réellement novatrice et/ou sincère ; ensuite à maintenir la création numérique à la marge, et cela coûte que coûte. Quitte in fine à scier la branche sur laquelle la littérature est assise. Au fond, vu des bilans comptables et des audiences diverses et variées, cela n’a pas d’importance. Un livre est un livre, un succès est un succès. A ce compte-là, on se demande bien pourquoi les tenants de l’exception culturelle ont si longtemps méprisé les auteurs populaires, qui eux avaient au moins le mérite de jouer franc jeu. Ils ne se servaient pas d’une quelconque caution intellectuelle ou ne recouvraient pas leurs œuvres du vernis de la « grande littérature ». Cette dernière n’est plus qu’un mythe, un triste et glorieux passé arpenté inlassablement par de faux écrivains mais de vrais escrocs de la phrase. Savoir techniquement écrire et truffer son travail de références n’ont jamais suffi à faire de la littérature. De la même manière qu’il ne suffit pas de savoir peindre et dessiner pour faire un chef-d’œuvre pictural. La technique est un préalable absolu, mais en aucun cas le but artistique. S’arrêter à la forme, c’est mettre en péril le fond de son art. Tous les arts le savent, la littérature sous cellophane l’a oublié et ne sait plus faire que semblant. C’est tout le problème.
Les Cosaques aiment passionnément les livres, le rapport à l’objet, aux lieux littéraires. Ils aiment encore plus le texte. Le rapport viscéral aux mots, à l’intime qu’ils dévoilent. Et cet amour ne souffre d’aucune compromission. Ce que l’on aime ici, c’est l’art littéraire. L’expérimentation, la liberté du créateur, les supports du passé oui, mais seulement si ces derniers ne servent pas de barrage à la vague novatrice, à cette pensée littéraire en mouvement. Chaque auteur des Cosaques défriche, loin des contraintes rutilantes mais malveillantes d’une industrie qui ressemble de plus en plus à une sorcière défigurée et figée devant son miroir. Chaque auteur des Cosaques déploie son identité artistique sous toutes les formes, loin des lumières avilissantes d’un secteur qui a depuis longtemps pactisé avec le diable et se meurt de son immobilité. Un secteur qui ne respecte plus le passé mais ne fait que s’en servir, et qui se vautre dans l’opportunisme en permanence. Chaque auteur des Cosaques est un artiste, tout simplement, manipulant les mots comme une matière noble, et évolutive par essence dans toutes ses dimensions, pour exprimer une vision du monde, une sensibilité.
Les Cosaques n’ont qu’une seule injonction : lisez. Des livres, du numérique. Mais lisez authentique.
Texte : Yan Kouton
Il fallait le rappeler ! Merci Yan !
se rappeler qu’un Claude Simon a été déclaré impubliable par les temps qui courent..