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l autre

Sans l’autre, sans mon frère l’amour, je meurs de soif et mon esprit ne connaît plus aucun dieu, je ne porte plus ma vue au ciel, je perds d’eau en eau mon parcours de rivière, dissolue.

Sans mon homme l’humain, sans sa voix pour toujours tout créer, le matin, la nuit et mon anse utérus à poème, sans ses épis plein soleil, je ne porte plus ma vue au ciel, j’enterre sous le temps ma lumière et les abeilles, disparue.

Sans mon autre l’ami, son mystère, cet inlassable besoin d’y faire un trou, de revenir sans cesse, d’ouvrir sa poitrine pour y trouver ma soif, ma lumière ma vie, sans toi je ne porte plus ma vue au ciel, la mort venue.

 

Mon poème d’amour les mains vides, cueilli dans un ciel de savon, mouillé dans les paumes. Un souffle titubant, instable averse. -quand on aime paraît que ça chavire- et puis du rouge aussi sur les cuisses.

Mon poème d’amour à pendre aux oreilles, griottes de l’été, qui coulerait son jus dans le creux des épaules. Entre des boucles ivres, entre des lèvres grises.

Mon poème d’amour modeste, dressé comme ça sur la place de fête, détaché des attaches, tout droit fiché en l’air, totem de vers libres, un monument au désir inconnu pour n’effaroucher personne

Ce poème que chacun dirait sien, mais sous lequel c’est toi qui dormirais longtemps.

 

Je suis à la fenêtre comme une vieille anglaise assortie à son thé. Je sors d’un livre, d’un intérieur poème où j’ai cru te voir marcher, comme un grand brouillard incertain. Tu as les mains dans les poches d’une lourde veste. Tu arpentes l’avenue d’arbres courts et de jardins privés. Le ciel est gris et c’est comme le tout premier bord du soir.

J’ai emprunté le chemin sans nom qui me fait plus légère et plus rapide et je t’ai suivi, quelques instants dans tes pas et puis je suis rentrée chez moi m’endormir. Quelques instants une vie brièvement ouverte.

J’aurais aimé votre amour
J’en aurais fait des boucles
Des cheveux
De l’ombre d’église
Des fruits d’oiseaux dans le coude où je dors
Une rivière habitant la fontaine
Je l’aurais touché à n’en jamais cesser
Humé fumé mâché
Je m’en serais piquée jusqu’au sang
J’aurais perdu tout mon souffle à en suivre la course
J’aurais aimé votre amour
Sa couleur entre des pots- aux -roses
et sa clique affolée dans les rues du soleil
J’aurais parlé
dit
été
J’aurais aimé
Et tout je crois alors
Tout aurait hurlé de vivre.

 

Texte :   Anna Jouy
Image : Marc Chagall