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En un enclos

volutes blanches
pour caresser mon cerveau
crâne soupesé

.

ne suis qu’attention
au déchiffrement ardu
de cette pensée
qui s’énonce devant moi
sur papier jauni

.

non ça ne va pas

concentrée, hors du monde qui trotte et galope et bruisse et crie et survit végétativement et rit et souffre et gagne sa petite vie ou entasse sans compter, yeux sur la page, une cigarette au bec pour bercer mon cerveau, le cajoler, le préparer au sens, je plisse un peu les yeux à cause de la fumée et pour l’attention, ne suis plus qu’une intelligence déroutée, tentant de sauter une marche

non ça ne va pas

je laisse, j’élargis

lectrice épaulée
par la falaise ocre
de livres dressés

ce n’est pas ça

à côté du monde, cloîtrée sous les livres, la falaise rongée, déformée par le temps, en partie écroulée, maintenue solide, parce que désirée

la falaise de livres niée, oubliée, par le choix de l’élu posé devant moi, auquel je veux réduire mon univers pour quelques heures

en un confort douillettement enfumé et doré sombrement

et puis quand l’attention faiblit, se lever, regarder avec gourmandise les livres pierres qui m’isolent, en prendre un, reposer le précédent, un peu de travers pour le retrouver, dans un plus tard éventuel

plonger dans le plaisir d’une langue, les volutes d’une poésie, la sensualité des mots, s’y perdre, un temps, un long temps, peut-être, ou intense et bref, non mesurable puisque n’existe pas, jusqu’à la pointe, le moment où il ne peut plus grandir sans disparaître

écraser la cigarette qui se consume, oubliée, dans une coquille, poser cet émerveillement jusqu’au souffle retrouvé

allumer autre cigarette et choisir dans le mur de livres une sottise, sottise affichée au prix d’un effort de celui qui nous l’offre, sottise discrètement drolatique, y trouver une autre sorte d’allégresse

retarder le moment de sortir de cet enclos… et surtout ne pas tenter de manier les mots,

 

Texte : Brigitte Celerier à partir d’une toile de Miquel Barcelo