A quel moment vais-je me dire
tiens je suis une femme ?

Le matin quand je me lève
Je SUIS
Je suis une personne
Habillée en moi

Le matin quand je choisis mes habits
J’ai envie de moi
Envie de moi en couleurs

envie de bleu de rose de jaune
de rouge ou de noir

J’ai envie de moi
Me faire plaisir
envie d’être à l’aise
Toujours être à l’aise
Baskets ou sandales plates
pour faire corps avec mes pieds
embrasser le sol de tout mon être
-un temps j ai été une personne portant talons
portant hauteur, on dira une femme

Aujourd’hui la hauteur est dans mon espace
tout entier des pieds à la tête

Mais ne point m’empêcher de me hisser quand je veux

Où vais-je aujourd’hui ?
Comment m’habiller ?

Habits conforts pour jambes taillées
tailleur dans l’herbe
Ou short jupette pour pédaler
Ou petite robe trapèze le ventre à l’aise
Ou jupe courte emboiter la taille
Je demande à mon corps
Comment ventre te sens-tu ?
Oui c’est avec lui que je cause
Si besoin d’air je le laisse tranquille
Pas de compression
en cas d’expression gonflante
Oui c’est avec mon corps que je parle
Mon corps mon miroir
C’est ensemble qu’on s’habille
Et c’est lui qui me dicte sa loi ( ha ha )

A quel moment je me dis
tiens si je m’habillais en femme ?
C’est fini tout ça
j’ai opté pour le corps de moi (enfin je crois)

pas de gorge à soutenir
pas de regard à alpaguer
Juste les couleurs pour dire aujourd’hui
je vois la vie envers et contre tout
en rose en bleu en noir ou en rouge

A quel moment vais-je me dire ?
tiens je suis une femme !

Il y a longtemps
que je ne suis plus une femme

Les règles se sont tues

Les pertes blanches se sont asséchées

Les poils se sont taries

La peau de mes jambes et celle de mes aisselles est devenue muette

A peine
un poil au-dessus de la lèvre supérieure
pour me rappeler
que se sont agitées ici et là
secousses sismiques hormonales

Et je vis seule sans regard au quotidien
Pour me déshabiller

A l’abri dans mon cocon le fils à mes côtés
Je suis seule à nos côtés
Pas l’ombre d’un vivant miroir
Pour me faire croire à des histoires

Juste moi et moi
entre le miroir et mes histoires

A aucun moment
un retour improbable
sur la femme que je ne suis plus

Et sous mes cheveux
très courts très blancs
jamais maquillés

Je ris de me voir si moi
De me voir si Une Personne

Seule accompagnée de mes couleurs
et de ma liberté
Lunettes de soleil jambes et bras nu.es

Petit haut (in)tranquille où mes seins
s’animent s’entrecroisent et s’impriment
ou bien dociles dans des mailles ajustées

Je fais ce que je veux
Et répète plusieurs fois les mêmes mots
Et m’amuse à choisir mes habits

Chez moi dans mon abri mon cocon
je suis moi

Pourtant il suffit d’en sortir

Et la rue me rappelle que je suis femme

moi la personne de 60 ans
cheveux blancs
peau qui se lâche
S’alanguit
Plissures au vent
Chair qui s’effrite

Je redeviens femme quand dans la rue
Les épaules nues petite robe courte et légère
Des mots d’homme m’épinglent
Surprise à l’improviste
Ma liberté ratatinée
Ma fantaisie capturée
Oh la la une vraie sportive !
Oh la la quelle jolie robe !

Je redeviens femme quand sur Facebook
Après avoir accepté une invitation
Je reçois un bouquet de roses rouges
Je m’étais dit de ne plus accepter
d’invitation masculine

Je redeviens femme
toutes les fois où je suis assignée femme

Toutes les fois où je cherche des mots
à mettre au féminin

Je redeviens femme quand

Je rejoins mes sœurs
Là où elles sont
Là où se niche l’audace
de débusquer
débouter
L’Homnipotent

Je suis femme toutes les fois où j’écris sur ma condition de femme

Je redeviens femme
quand je commence à y penser !

Et vous messieurs ?

Poétesse performeuse, Virginie Séba écrit, dit, publie, anime et intervient pour des projets artistiques en milieu scolaire et culturel.
En solo ou à plusieurs, accompagnée de musicien.nes, Virginie a créé 3 spectacles dont le dernier est un hommage vibrant à Sister Rosetta Tharpe, pionnière du rock’n roll. Retrouvez toute son actualité sur www.slamchante.fr