L’éclat du soleil me dévisage. Virage à droite, tout droit. Jusqu’à la fin du trajet. Toujours le même. Ce même trajet jamais pareil. Combien de fois l’ai-je pris ? Je commence un calcul absurde. Puis j’abandonne à la vue du fleuve. Ici les bateaux ont des yeux. On leur peint des yeux oui. Tous portent le désir d’un départ. Vers un destin que j’ignore. Je rêve d’yeux camera, d’oreilles enregistreuses, de phrases écrites à la seconde où elles jaillissent dans la pensée. Parce-que combien de ciels, de scènes, de postures, de voix, de lignes, de couleurs, d’instants ratés. Ratés pour toujours. Je suis des milliers de notes jamais écrites, d’images jamais saisies. Je pense toujours m’arrêter ici ou là, faire un détour, cinq minutes suffiraient. Mais je remets à plus tard. Ne m’arrête jamais. Qu’est-ce qui me presse autant ? Pourquoi je me laisse ainsi passer à côté du monde ?

Texte/Vidéo : Anh Mat