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ce serait - 62 - une rue

Ce serait une rue, le plus souvent très vide, qui s’étirerait.

Ce serait, parfois, l’emboquer avec tel désir du but qu’il emporterait les pas dans une coulée insensible, régulière, inconsciente.

Ce serait des jours de marche rêveuse, de flottement absent, avec juste, pour maintenir dans le courant du jour, la sensation, assez faible pour rester présente mais ignorée, du contact plus ou moins rude du sol avec les plantes de pied gonflées.

Ce seraient des jambes entraînées à la suite des yeux ravis par la lumière caressant les façades en longues variations jusqu’à l’embouchure invisible dans un boulevard, au loin.

Ce serait certains jours une alacrité dans l’air, un idée souriante, une envie de danser.

Ce seraient des jours où l’on avance à contre corps.

Ce serait l’amitié des murs qui accompagnent la fatigue, lui servent de repère, rythment l’avancée.

Ce serait l’amitié des murs qui subissent le froid, qui prennent un aspect désolé sous un ciel gris, gorgé d’humidité, qui accueillent les jeux de lumière et d’ombre.

Ce serait l’amitié pour les murs qui fait croire qu’ils ressentent un peu des attaques subies, des plaisirs furtifs des corps cheminant entre eux.

Ce serait l’amitié des murs qui portent la trace des vies, et du temps.

Ce serait l’amitié pour les murs qui veille à leur entretien, qui les soigne ou au moins les farde en les protégeant.

Ce serait l’amitié d’un coin de porte qui accueille, tant qu’un humain ne vient pas chasser la détresse qui s’y est abritée.

Ce serait l’amitié du mur sous une main en quête de soutien.

Ce serait la familiarité des murs entre lesquels passent nos cheminements quotidiens, qu’elle soit désagréable, pesante, démoralisante ou qu’elle appelle une caresse des yeux, un plaisir si discret qu’on n’y pense que par éclats passagers.

Ce serait : bon suis arrivée au bout, pour aujourd’hui, et s’en vient l’oubli de la rue.

 

Texte et photo : Brigitte Celerier