Qu’est-ce qu’un prophète ?
Un pauvre dévoré par un ver.
Qui ne fait que trembler et mange de l’amer.
Qui ne peut échapper à cette dévoration.
Qui ne possède plus, même ses propres mots.
Un parleur qui dit le contraire,
mais pas comme tout le monde.
Élie
Suivie, la veine, jusqu’à la fente du rocher,
jusqu’à la béance de la pierre, au flanc roide du Lieu.
Un long chemin, de fuite, d’errance, de calvaire,
devant les fantassins d’une femme sans dieu.
Qu’importe ! Il était là, lui, si petit.
Mais ce désert, si grand, et plein d’épines,
d’ossements, et de phantasmes en son midi.
Une mort certaine. On voudrait bien choisir,
qu’elle en vaille la peine, qu’elle ne soit pas donnée
par tout le monde, sur un coup de colère.
Je sais ce qu’est faire périr. On n’a pas le sang fier.
Que voulez-vous, leur dieu dormait.
C’est un veilleur qu’il faut aux hommes, un guetteur
sur les remparts du ciel.
A peine distinguait-on la sente, même en pleine lumière,
les cailloux roulaient sous le vent, un vent de mer,
de Carmel, qui tourne sept fois, fait monter les nuages
en forme de main. Qu’il était loin, le grondement
de la mer, et ses oiseaux.
J’avais encore les reins ceints. Mais un jour de marche
sans eau ni pain, avec seulement la peur au ventre,
c’est assez pour vouloir mourir.
Assis sous un genêt, qui soudain fleurit.
Un faisceau d’or et de poison.
Dormir. Il viendra bien quelqu’un ou le cœur
qui s’arrête. Fermer les yeux, ne plus voir,
ne plus lorgner l’image sur le miroir.
S’étendre et s’éteindre, sans un mot.
On me toucha l’épaule. Un homme, dans la trentaine.
L’ange de la confiance. Près de ma tête, une galette,
cuite par réfraction, d’une brillance d’étoile, une outre d’eau.
Je les pris, tout levé. Mais une fois ne suffit pas.
Jamais. Il faut toujours recommencer.
Même lui, là-haut, qui sait pourtant faire.
Le chemin, sinon, serait trop long.
J’ai marché. Quarante jours. Quarante nuits.
Dans ce désert sans repos.
Tout droit, connaissant par le cœur la condition humaine,
jusqu’à l’Horeb prophétique, la montagne de Dieu,
d’un seul trait. C’est assez maintenant.
Que fais-je ici ? Lui, passe.
Je suis rempli d’un zèle formidable. Toi, tu fends
les montagnes, tu brises les rochers, en avant de toi.
Tout tremble, là où tu n’es pas. Moi, dans la caverne
de mon désir. Tu n’es plus dans le feu, dans le vacarme
des tempêtes. Dans le fracas des pluies.
Ni dans les anathèmes. Mais là où je suis seul.
A l’entrée de la plaie, mon visage voilé. Une voix délicate,
c’est toi. Avec toutes les couleurs de la musique.
Et tous les chants d’oiseaux, en nuances.
Une petite musique murmurante*.
Je suis redescendu. Parti de là.
J’ai jeté mon manteau. On me poursuit.
Qu’ai-je donc fait ? J’attends un char de feu,
le tourbillon de ton baiser.
18 septembre 2009
* Julien Green
Texte : Serge Marcel Roche
Dans la peau de Quelqu’un….inspiré à son tour. et la lecture nous accorde l’élèvement
splendide
l’élévation comme par un ascenseur vers le ciel…