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fenêtre nuit

Vraiment belle expression que celle de nuit blanche… Ce détournement de pâleur dans le noir, ce noir masqué de lumière. J’associe volontiers les contraires ou ces extrémités de ligne qu’on pourrait placer n’importe où sur un cercle. La nuit tourne. La Terre est une ellipse lumineuse; ce qui s’éloigne n’en finit pas de se rapprocher. Ainsi on écrit sans cesse son futur. La parole devine ou crée.

La nuit est devenue le gîte solitaire. Je fouille le hâle de la lune, des étoiles et la course poussiéreuse des piqûres des heures. J’ai baptisé le blanc d’un nom, à l’index, et sur le noir mis  le mien. Familiarité ou possession. Blanc noir- noir blanc. Ce serait le titre d’un recueil jamais ouvert de peur d’y croiser des fantômes en linceul grappillant de l’ombre. Ai-je, à force de formuler ce damier, mis  au monde le duel ? Pile ou  face d’une vie qui n’a aucune autre consistance que le temps, l’intouchable temps qui claque, ouvert fermé ouvert ; binôme tout- puissant.

Il fait noir partout. Sur moi. Autour. Ces petits désespoirs en latex,- de dos je ressemble à la nuit-, habitent mes songes en cavalier. Ces levers d’orange, ces crépuscules trop mûrs. La blancheur attend dans les rideaux et il ne me reste que de vivre à aube chassée, à aube perdue.

Le tisserand de fenêtre quant à lui préfère les intérieurs nuit et les couvertures diffuses. Parce que ça sent le pommier et Eve qui marchande son fruit. Je franchis mes bottes d’océan, j’estime à l’empan l’étroitesse des horizons et je défie chaque lune qui passe. Parfois, j’avoue ma faiblesse sur des enveloppes sans voyage mais c’est de l’encre rêche, l’illusion bâtarde de tenir la brette. L’escrime à blanc des tueurs de temps. Mes yeux ont plus d’hiver que de prés,  cartouches opaques ; ce qu’ils fusillent est conquis pour toujours.

Je veille pourtant la lumière. Tout ce qui nous est pareil et m’ouvre la porte. Cette présence intense comme la fourrure d’un ange qui entoure le froid. Je vais au centre  de ces choses imbéciles ou belles, le rêve magique de l’Hombre idéal. Poème à induction. Je colle ma bouche contre la sienne et la lune en sort comme une montgolfière. Avec un filet de soupirs pour la tenir en l’air. Ses brûlures chauffent l’air et  mes poumons. J’étreins le feu contre moi avec des grouillements de soleils et des spasmes lumineux. J’écarquille les couleurs comme les doigts d’une arène ciel pour le trouver entre les schistes dépenaillés d’un peu de café. Dans l’amour, il fait si sombre. La lune ne vole pas. Elle plafonne comme une ancre dans un tas de corail, furieuse de voyage et attachée de restes.  La lune assise en rond dans ma bouche étonnée, toute baignée et propre après un baiser.

Crème lunaire, le bain des plantes se termine au rassoul, argile noire pour frictionner  mes nervures. Massage profond du songe. Cerveau contre cerveau. Poème contre poème. -M’envisages-tu? – Gommée de ces vieilles textures, ces croûtes, ces cicatrices, presque propre,  blanche comme la lumière qui a poudré la nuit. Bientôt comme une truite avalant des rivières.

Alors l’aube, ce mouroir de stars déchues, fauche mon champ de comètes.  Les dernières gouttes de lait sur les lèvres d’un astrologue matinal, prédiction mortelle, des magnitudes solaires à noyer les planètes.  J’accuse réception, mon rôle est bien de passer la muleta sur des joueurs de damier. Je prends les blancs, c’est moi qui commence, mon petit trot coudé de picador et tant de peine à arrondir les angles. Corrida corrida ! Lutte cerclée, ventre alourdi de mon carquois de banderilles. Puis l’horoscope vrille. Déjà le liseré du matin a franchi un autre parallèle. Il va vers l’Est et ses autres configurations d’étoiles. Je rentre mon canasson.

Crème solaire, la pluie fait un onguent potable. La peau ruisselle dans ses dessus de houille. Le jour désaltérera peut-être ce vieux corps  tout crispé d’obscurité, tout raidi sans raison. Comme on se tient quand on attend un mauvais coup. Je revêts la carcasse, mon squelette. Osseuse à vernir les catafalques comme des toiles à la galerie boulot métro dodo. Tout cela trempe désormais  sur le balcon des revers.

Crème vulnéraire, laquée sur l’insomnie éruptive. Je guérirai… si je veux!

 

Texte : Anna Jouy