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chat de romieu

Tout est paré pour aborder le jour. Donné pitance à mon corps, eau, biscuits, miettes de soleil. Pris soin de lui: poli, léché, parfumé. Gestes de galante pour la parade… Tout est paré pour aborder le jour.

Nourri mon petit esprit. Quelques nouvelles brèves du monde pour le mettre à flot des savoirs de la conversation. Gavé mon âme sensible; le pinson du jour, un violon merle de Bruch, ce regard sur l’arbre qui électrifie chaque jour mes sens. Catalogué mes devoirs, obligations, horaires, parcours, nécessités de sable, réunions de colocotaires. Tout est paré pour aborder le jour.

Moi droite, propre, à peine vieille, avec ma panoplie d’égale humeur, mon distributeur à douceurs mes mots tout faits, pour dire vrai tout en n’engageant pas grand-chose… Ligne de cœur ineffaçable comme celle de mon eye-liner, lèvres rosées. Tout est paré. Alors suis-je prête?

Je ne sais ce qui adviendra de cette journée? Me marquera-t-elle à jamais, finira-t-elle en torchon dans le dernier ciel de son lit? Glissera-t-elle rugueuse comme de l’émeri? N’aura-t-elle aucune odeur? Ne sera-t-elle qu’un jour ou le dernier jour. Tout vraiment est-il paré?

Mais tant de moi qui flotte, qui cherche à être contenu, la mouvance de ma vie, de mon corps et souffle errant entre sol et air? Et ce cri très doux qui y dort, germe d’éternel et qui doit éclore? Tout cela qui n’est peut-être pas à l’ordre du jour. L’anse des bras. Des bras.

Rien ne m’oblige à m’asseoir patiente devant une tranche de lumière servie sur la tranche -tiens donc- et d’y graver par griffes interposées la petite histoire du jour, pas plus. Je m’installe face à elle. Pourquoi? Ici, ailleurs, solide, vapeurs. Je suis absente et présente, les deux à la fois. Asservie à une quantité de bruits qui m’envahissent, à mon sang qui tape, à des bouts de conversations qui, sans cesse, paradent devant mon portail. Cette difficulté nouvelle, perturbante à rassembler mes pensées, à me percevoir même comme vive. Enroulée sur mes membres. Tout semble intérieurement convulsif. Intérieurement. Comme une image trouble, peut-être…? Je suis parée, est-ce que je le sais, moi?

J’abrite un bourdon qui frétille juste sous l’épiderme et qui allume la quiétude.

Puis vient le soir simple, le soir des petites craintes cousues sur les murs de l’appartement. Le soir où je m’effrite, grimace, livre sous paupières les états de l’âme achevée et qu’on devine alors quel chat mouillé je suis.

 

 

Texte : Anna Jouy