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Les Cosaques des Frontières

~ refuge pour les dépaysés

Les Cosaques des Frontières

Archives de Catégorie: Gwen Denieul

Dans cette nuit à l’avant du jour

20 dimanche Sep 2020

Posted by ykouton in Anh Mat, Gwen Denieul, Marine Riguet

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Au commencement de la nuit est le mot. Tu en cherches un. Tu n’en trouves aucun. Rien ne commence. Lassitude de n’être plus qu’une succession de soupirs. Les minutes passent, amnésiques, elles ne racontent rien. Tout est sec. Chaque souvenir débouche sur un désert. Où s’est cachée ton histoire ? Dans quel quartier à l’intérieur ? Tu cherches à revenir sur tes pas mais tes empreintes ont disparu. La bouche ouverte sur un trou, tu décides de suivre celles d’un inconnu, un inconnu peut-être déjà mort…

Dans l’envers de la ville, je remonte le temps. L’alcool me rend le passé tout proche. Strasbourg – Saint-Denis, Château d’Eau, Gare de l’Est. Les différentes époques de ma vie me font signe. Le temps a une beauté froide. Barbès, Anvers, Pigalle. J’arrive dans le quartier des premières blessures. Je marche très amoché sous le masque. Ma malédiction, je la porte au visage depuis l’enfance. C’est la marque des bêtes infirmes de naissance qui passent leur vie terrées dans les fourrés. Les autres condamnés, je les repère d’emblée. Comme moi, ils sont défigurés de l’intérieur. Les fils sans père se reconnaissent d’instinct.

Flux sinueux des solitaires à la sortie du métro Pigalle. Promeneurs fiévreux, fêtards désœuvrés, fantômes entre deux âges. Des flots et des flots de langueur et d’espoir. Comme eux, je cherche un lieu. Je cherche un lieu sans désir bien défini de le trouver. Les mains nouées dans les poches de mon manteau, je tourne autour de ce que j’ai oublié. Dans l’atmosphère, une sorte de menace, et dedans la tête, quelque chose de fatal, de tendu à l’extrême. La mémoire se met en marche d’elle-même. Je suis de nouveau ce jeune garçon abandonné dans la nuit. En silence, comme un chat, je m’approche de mes monstres. Dessous en vinyle, cuir et latex, la tête prend un coup de chaud devant les vitrines aux mille gadgets de carnaval. Ces cases de soi-même qu’on préférerait oublier… Je changerais tout si je pouvais, je vous jure, j’aurais préféré une vie simple et droite.

 

Ça rit comme avant les dimanches au loin les clochers 

Et les draps qui claquent tout près des fleurs sauvages

Mais ici, sans draps sans corde à linge sans bosquets

Les églises enchevêtrées aux grues qui tissent à tour de bras des pièces vides

 

Ça rit

Ça rit comme ça recommence

comme les jambes qui s’acharnent encore contre la ville

À bout de lumière et de béton

Même si plus personne ne nous porte sur ses épaules

pour traverser la rue comme avant la rivière qui nous donnait un nom

 

La ville s’assombrit, un néon après l’autre. Si on tend bien l’oreille, on peut désormais distinguer le silence. Et pourtant, tu soupçonnes la présence de nombreux témoins derrière. Peuplent-ils les murs ? Même seul en scène, il y a comme un mouvement de foule en coulisse, des murmures qui semblent souffler le texte à écrire…

M’éloignant des boulevards, j’erre dans les ruelles les plus sombres et les plus crasseuses de la ville. Quantité de morts sous mes pas. Bouffées de réminiscences qui vont finir par me rendre barge. Tout ce que j’ai aimé, tout ce que j’ai touché. La somme de mes gestes, les erreurs de mes doigts. Le passé est une maladie qui ronge. Tout au fond de l’ombre, le commerce caché bat son plein. Je connais par cœur ces palais de reflets dont l’escalier central, derrière le guichet vitré, s’enfonce dans le sous-sol. Tout en bas, enfermées dans de grands aquariums, les filles étourdies d’alcool miment les exaltations véritables, tandis que des fantômes respectables, égarés dans l’ombre des cabines, gigotent en silence. Fatigue des visages.

 

Les voix, éclats luisant dans les passages

Miment les glycines

Elles empruntent la joie

qui se coupe entre les lampadaires, se vend se troque sans être vu

Le temps de remouler un visage

 

Ça rit comme : c’est encore là

Dans cette nuit à l’avant du jour

Où l’on marche 

dans ce temps que le jour met à venir

c’est encore là

Tout ce qui nous ressemble mais ne sait pas me reconnaître

Les odeurs intermittentes, les façades aux reflets de carton

Et le sol sous les talons qui fait plateau de théâtre

Sans mémoire de forme

Le son mat

 

Je n’ai rien à imprimer

je suis l’ombre ambulante du monde que je porte

Et que j’ébruite encore un peu sur les vitrines éteintes

Tout ce qu’on raconte sous ce qui vient

Tout ce qu’on retient en marchant

la ville le recommence

sous ses néons de scène, on rejoue

un instant

Les jours, les jardins, les disparus de la maison natale

C’est encore là

Dans les rues

On joue

On joue à faire forêt avec nos vaincus

à prendre pour peuple les souvenirs dressés à hauteur de grue

Leurs troncs titans, leurs branches

Élargissant la nuit

 

Mes pas sonnent creux dans les rues désertes. Vertige de la marche le ventre vide. L’insomnie bouscule tout dans ma tête. Je marche longtemps, longtemps pour épuiser mon amertume, je marche jusqu’à m’en faire trembler les jambes. La rue semble vaciller. Des bouts d’idées comme rêves. Ce qu’il faudrait faire, comment il faudrait vivre… Simplement être, à peine visible aux autres. Les idées folles qui nous traversent. Nos êtres comme vent. J’avance dans la nuit désorientée sans nulle place où habiter. Je m’égare dans les rues mortes pour ne plus jamais dormir…

Ne plus jamais dormir… plus jamais, préférer t’engouffrer dans une phrase dont tu ne reviendras pas. Malgré le risque tu t’y jettes, à l’aveugle, la main devant toi, à la recherche d’une voix à adresser aux morts. De ta bouche ne sort qu’un souffle inaudible. Le mutisme te condamne à la nuit blanche, malgré la fatigue accumulée, les cernes pleines de rêves en latence, la nuit lutte de toutes ses forces contre ton sommeil, elle règne sur ta conscience, force les confidences, révèle tes secrets. La nuit se souvient des rues, des noms, des paroles, des regards, des gestes — toute son obscurité te compromet.

J’ai besoin de la nuit pour voir. Le jour, tout est tellement là que mes yeux ne voient rien. L’alcool m’aide aussi, il creuse chaque détail. Je reste longtemps assis sur le banc de la petite place. Tandis que la ville continue, je m’absorbe dans la contemplation de l’infime, au ras du réel, à même sa peau. Les minutes passent. Fragilité des formes qui m’entourent dans le brouillard nocturne. L’extérieur s’incorpore doucement en moi. Peu à peu, l’habituel se révèle insolite : coups de frein sur la route, passage piéton à demi-effacé, éclats de verre de l’abribus, canettes vides, mégots écrasés… Je reste là dans le calme. Je respire lentement, profondément. Ma chemise est trempée de sueur, serrée sur ma peau, mais la fièvre est retombée. Dans la brume et dans le noir, je suis relié à toute chose au hasard du corps. Désir fou de ce que je suis en train de voir et de sentir, ici, maintenant. Je n’invente rien. Tout est là, devant moi. Le réel palpite dur à chaque instant.

 

Je vous vois

Je suis encore un peu de la terre des vergers

qui vous porte parmi les rires et les ombres

Et le reflet d’un soleil ancien sous lequel vous poussez

Je marche, la nuit croît

Il est si tôt pourtant

Trop tôt pour s’arrêter

 

Les coqs de combat commencent à chanter. Il est temps de se battre. L’écran est noir. L’insomnie meurt à la lumière du jour. Tu arrives au bout de l’épreuve avec un sentiment d’inachevé. Il reste bien quelques aveux. Qu’importe, l’aube efface déjà tout. La nuit brûle… et tu ne fais rien pour arrêter l’incendie.

Dans l’aube fraîche, reflets mobiles comme des frissons, détails au-delà du fixe, dans les intervalles, éclairs de presque rien. Un monde neuf apparaît à la surface tremblante des choses. Une brise légère fait danser la poussière du décor. Un sac plastique au milieu du carrefour joue avec le vent. Le ciel change. La lumière revient.

 

Texte/Vidéo : Anh Mat – Gwen Denieul – Marine Riguet

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Simon et L (3) – la lenteur de son sang

31 dimanche Mai 2020

Posted by ykouton in Gwen Denieul

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Cette fois c’est mon corps tout entier qui se tient au bout de sa langue. La chaleur se propage immédiatement, se ramifie dans des zones jusqu’alors inconnues. Ses douceurs réveillent la source. Je regagne un peu du terrain perdu. L me prend dans sa bouche, langue gorge salive, pas comme dans les pornos mais dans une douceur d’eau. J’allonge bien les jambes. Elle me fixe dans le fond des yeux. Le cœur bat fort. La queue obéissante gonfle et se tend. Elle défait le nœud, ouvre le kimono bleu pâle (léger bruit de soie et de sang), prestement me fait glisser en elle. Ses cuisses dures m’enserrent les flancs. Elle se cambre, la tête légèrement levée. Bête captive entre ses jambes, je la regarde comme pour la dernière fois : côtes apparentes, main plaquée fort sur le sein durci, bouche entrouverte et pointant le bout de sa langue, tout son visage s’abandonne. Elle est effroyablement belle. Je ferme les yeux pour mieux entendre ses vastes soupirs. Le corps brûlé fou ravi est une corde tendue. Jeté vif dans la chair tremblée, il s’accorde au moindre de ses désirs. Elle bouge lentement d’abord, puis accélère tout doux, graduellement, se balade à l’aise dans le plaisir. Elle me chevauche longtemps. Éblouissante profondeur, fond de chair humide et dense. Nous sommes un seul murmure, comme un long sanglot. C’est maintenant elle qui bande et moi qui l’accueille. A fouailler l’inexplicable, je me sens inépuisable. Elle décide de s’allonger sur moi et de ralentir le rythme pour apaiser l’urgence, retarder l’éclair qui nous fera disparaître. Elle met ses mains dans les miennes, ailes sur ailes ouvertes, comme Christ écarte nos bras. Sa langue humide délie mes lèvres, décrispe la mâchoire. Sa bouche s’ouvre sur la mienne. Sueur de nos souffles, de nos peaux crues, de nos corps tout ciel entremêlés, ajustés l’un l’autre, prêts à exploser. Des larmes aussi, prêtes à sortir mais toujours retenues.

Après l’amour, elle se blottit contre moi. Elle ferme les paupières et respire calmement. Ses mains chuchotantes caressent mon dos. Ses lèvres sourient. Elle fait tout comme si elle m’aimait. Le son de la radio erre dans l’appartement. Chan Marshall et son étrange prière à la lune. Je n’ai pas grand-chose dans ma vie mais j’ai la musique. La mélodie dépouillée, au bord du vide, me contamine. Tout est métamorphosé. L m’offre un nouveau commencement. Elle m’a défait de mes origines. Peu à peu je m’acclimate à sa présence. Le temps se met à revivre. Elle m’ouvre à son propre rythme, à ses silences, à la lenteur de son sang. À mesure que la sève me revient, je règle ma fréquence à la sienne. Elle a effacé l’intolérable. Je dors mieux, mange mieux, respire mieux. Mes gestes s’adoucissent. Sa calme présence me fait perdre mon agressivité naturelle. J’ai retrouvé l’émerveillement devant les choses telles qu’elles sont. Ce n’est pas un bonheur à conquérir, simplement un don à accueillir. Saisir la joie dans l’inouï de l’instant. Éprouver plus que comprendre. Le cœur s’emballe de lui-même.

Trouble qui me fait venir des larmes, trouble surgi d’un lieu qui m’était jusqu’alors inconnu. Un coin reculé de mon cerveau semble avoir été miraculeusement épargné. Alors que l’habitude du malheur avait été prise dès l’enfance, je commence à entrevoir la possibilité du bonheur ; je découvre, étonné, que la vie peut être aussi faite pour moi. Je ne me méprise plus. L est pleine de délicatesse envers mes faiblesses, mes difformités physiques et morales. Ça m’oblige au courage et à la dignité. Je m’étonne de ce qui monte doucement en moi. Elle est le contraire de ce à quoi je m’attendais. Sa tendresse comble le trou béant du dedans. Son incroyable bonté, c’est le soulier de Van Gogh, plus réel, bien plus réel que tout le reste. L a bon cœur, le soir et jusque tard dans la nuit j’aime me chuchoter cette expression désuète : Elle a bon cœur. J’en pleurerais. Quelqu’un de bon est quelqu’un de bon. Que dire de plus ?… Non, il n’y a pas rien. La bonté n’est pas un mythe. Toutes les doctrines du monde ne peuvent la réfuter.

Bonté oui, mais avec tout de même une goutte de froideur : L est une merveille à la fois de douceur et d’indifférence. Même quand elle est là, son absence est impressionnante. Il y a toujours une part d’elle-même très loin de moi et de l’instant. Elle m’écoute, elle hoche la tête régulièrement et garde pourtant quelque chose de froid ou de sceptique dans le regard. Son visage reste figé comme si elle ne me voyait pas. Ou peut-être voit-elle des choses que je ne vois pas.

Toute la nuit à l’attendre, l’œil ouvert. Dans la cour intérieure, il pleut des cordes. Pour oublier le noir dedans, je trace des signes obscènes sur la page de garde d’un livre. Du monde entier au cœur du monde. Amour naissant qui torture. Je ne pensais pas autant m’attacher à elle. La mémoire sait pourtant que je ne devrais pas m’attacher autant. J’ai maintenant tout le temps peur qu’elle s’en aille, qu’elle disparaisse de ma vie sans laisser de trace. Je rêve qu’on vive enfermés tous les deux dans un présent éternel, oubliés du monde. Aussi qu’on meure ensemble, qu’on se tienne par la main, comme ça, jusqu’au dernier soupir. J’ai honte d’avoir ces pensées de gosse… Je vérifie dix, vingt, trente fois par heure qu’elle ne m’a pas laissé de message. Léger tremblement de la main quand je repose le portable sur la table de chevet. Ça ne passe pas, ça ne retombe pas. Je suis en manque physique de ses caresses secrètes, de son corps de foudre et de soie.

Texte/Vidéo : Gwen Denieul

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Simon et L (2) – lumière de visage à visage

10 dimanche Mai 2020

Posted by ykouton in Gwen Denieul

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« L’amour qui ne ravage pas n’est pas l’amour » Omar Khayyām

Ivresse dès le matin. Pluie de pellicules sur coussins rouges. La Très-Pâle est partie à son cours de danse. Elle vit sur les pointes depuis l’âge de huit ans. Je commence à vivre quand je danse, m’a-t-elle dit l’autre jour. Son souffle traîne encore dans l’appartement. Tel un chien à sa maîtresse asservi, j’hume l’air que son corps a traversé, passe la matinée à suivre à la trace les miettes de son odeur. Je l’aime de toutes mes narines. Son parfum de sueur, je le sens jusque dans la cage d’escalier, jusque dans le hall d’entrée. Dehors, la ville se change en paysage charnel et végétal. Je marche dans l’ombre bleue des marronniers. Je marche dans son souffle jusqu’à l’ancien vertige.

La douceur, la folle tendresse, tu les connaissais à peine. L te civilise. Son corps ouvert à l’abandon éduque ton corps sec, crispé. Ta jouissance s’affine à mesure que les douleurs passées s’effacent de ta mémoire. Elle t’enseigne le sale et la lumière, l’embrasement simultané du haut et du bas, la crasse et la grâce. La nuit dont elle me sort à peine, dis-tu à voix haute avec une sorte d’étonnement tranquille, elle est ce qui m’est arrivé de mieux dans la vie, facile. Amour d’elle et du monde, au bout de l’angoisse. Flux de sang frais qui t’apporte un léger vertige au moment de tomber dans cet état comateux qui, chez toi, a depuis longtemps remplacé le sommeil. Avant de faire sa connaissance, la souffrance et la tristesse conditionnaient tout. Tu n’avais qu’une vague idée du bonheur. Avec elle, tout est devenu un peu vagabond. Quelque chose s’est dénoué et ton angoisse a fondu comme rire. Donc se permettre d’aimer ? Tu t’interroges. Ne cherche pas trop à comprendre, Simon, et surtout ne lui dis rien, c’est pas le moment de la faire fuir. Tu as besoin d’elle pour guérir, et de croire qu’elle seule a le pouvoir de te ramener à la vie. Sa légèreté exacte va t’ouvrir à une autre histoire.

L’amour ne s’obtient pas. L’amour ne réclame rien. Il rénove les coups de dés, invente une nouvelle partition, appuie sur la blessure, file entre les pattes. L’amour éperdument parce que non, pas d’autre choix.

Matinée d’un jour gris. Son va-et-vient entre la chambre et la salle de bain. Je m’immobilise dans le silence, écoute ses pas légers, la nonchalance souple de sa démarche, le son métallique des bracelets, sa voix aussi, tendre et musicale, sa triste voix d’enfant qui chantonne la mélodie d’Avec le temps. Je tente de décrypter les signes qu’elle émet malgré elle. Son corps quand il vacille, sa voix quand elle s’altère légèrement, l’étincelle fugitive dans son regard quand, devant la glace, elle obscurcit ses yeux avant de filer en douce pour rejoindre la chambre louée à l’heure où je l’ai connue. Est-ce que je compte un peu pour elle ? Je me récite tout bas la prière d’enfance :

« Je m’offre tout à toi ;

et, pour te prouver mon dévouement,

je te consacre aujourd’hui

mes yeux, mes oreilles, ma bouche,

mon cœur et tout moi-même. »

Serrés l’un contre l’autre sur le canapé. Lumière de visage à visage contre le soir qui vient. Elle mouille ses lèvres. Ses paupières tremblent légèrement. L est la première femme qui regarde avec une attention bienveillante, teintée de curiosité, l’atroce laideur de mon visage. Elle passe ses doigts sur le lambeau que le crabe a grignoté à l’adolescence et parvient à avoir tout de même son merveilleux sourire. Grâce à elle, je peux vivre sur terre, avec cette gueule cabossée et ce corps squelettique qu’auparavant je n’osais montrer à personne. Dans une heure, elle aura disparu, forme et ombre. Je tremble du bonheur précaire qu’elle m’accorde.

Ça y est, elle est partie de l’autre côté de la ville. Les lumières de l’appartement d’en face s’allument. Tu restes dans la pénombre, les yeux fermés. Que dire d’elle que tu connais à peine ? Tu aimerais tant savoir ce qu’elle ressent. Pourquoi tu traînes avec un type comme moi ? lui as-tu demandé ce matin. Elle s’est contentée de te répondre par son aimable sourire. Tu l’aimes maladivement, tu l’aimes comme on délire. Tu te recroquevilles dans le vide du lit, cherches le bercement de la pluie du soir. Tu es si loin de sa lumière. Viens, approche-toi de moi, je vais te réchauffer. Tu serres ton corps entre tes bras, des broderies de chair tapis derrière les paupières. L’attente impossible, l’absence intolérable. Milliers de miettes à vivre séparé d’elle, chaque minute supplémentaire renouvelant l’angoisse première, creusant un trou toujours plus profond. Tu n’en peux plus de silence. Tu te caresses, tu trembles tout entier, tu pleures, tu t’insultes. Le fantôme de son corps jusqu’à l’obsession : la pleine rondeur des cuisses, du ventre, des hanches, la dure saillie des seins, l’extrême finesse des mains — paume ouverte comme un salut — la nacre du cou, la pâleur du visage, l’obscurité des yeux — arctique par le cœur — le fil aigu du sourire, à te fendre l’âme. Pourtant tu sais bien que ta nuit la magnifie, et que ses gestes à elle ne sont que simulacres d’amour. L offerte. L interdite. Double toujours. Tu vas déguster, mon ami. Le cœur est une zone dangereuse.

Texte/Vidéo : Gwen Denieul

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Simon et L (1)- et tout le fragile qui m’échappe

29 mercredi Avr 2020

Posted by ykouton in Gwen Denieul

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« Mais jouir de ne plus savoir feindre » Françoise Morvan, Brumaire

Soudain le dégel. Dans sa seule présence. L panse les plaies, tendrement. Ses sourires rendent l’atmosphère plus légère. Des chemins s’ouvrent. L’appétit revient. Elle m’a ôté le poids énorme sur la poitrine qui m’empêchait de respirer. C’est avec elle que je veux tout recommencer. La catastrophe semble avoir été comme retardée. Mais l’espoir, non, je n’en veux pas. La joie, c’est maintenant, en dépit du pire.

Je suspends la lecture de mon livre pour l’observer du coin de l’œil. Elle fume en silence, assise sur la chaise de bar, main abandonnée sur la cuisse, paume offerte, visage tourné vers la fenêtre ouverte sur la cour intérieure. Elle porte une discrète étoile à son cou. Elle cligne légèrement des yeux. Des bruits de casseroles. Des chants d’oiseaux. Il fait bon. Les rideaux blancs ondulent faiblement. C’est comme un après-midi d’enfance, au cœur du bleu intact. Don de son visage qui apporte sourire et consolation, mais avec aussi quelque chose de perdu au fond des yeux. Peut-être y a-t-il la nuit passée dehors dans son regard ? On devine l’obscurité qui la cerne. J’aimerais prendre ses mains dans les miennes ; il y aurait tellement à apaiser. Sous mes pieds nus, la tiédeur du parquet. Un rayon de soleil traverse obliquement la pièce. Ses jambes baignent dans la lumière du jour. Elle porte une robe courte bleu marine. Vertige du ventre. Je ne me lasse pas de la regarder. L’épaisseur des secondes avec elle, c’est la vie revenue. Je suis heureux, heureux jusqu’à l’angoisse. Poison goutte-à-goutte au bout de la langue. Ses caresses, ses baisers à chaque fois me réaniment. Non, je ne me déroberai plus à mes désirs. C’est une conquête du corps sur la mort. Terminées les soirées à picoler en douce pour se chauffer le sang et faire taire le vacarme intérieur. Désormais c’est le vin de foudre. L a débloqué mes empêchements. Elle a réveillé mon intimité dans des gestes neufs, mélange de délicatesse et de cruauté. Je suis passé d’une drogue dure à une autre. Tout ce qu’elle respire entre direct dans le sang, bat à mes tempes. Joie neuve, primitive. Joie qui donne un incroyable sentiment de liberté. Joie si forte qu’elle oppresse. Joie invraisemblable qui naît au creux d’une blessure qui dure et dont on ne veut pas guérir. C’est plus qu’un miracle, une joie pareille. Première fois que la vie semble tenir ses promesses. Plus la peine de faire semblant, je suis pleinement là, à ses côtés, heureux sans tricher, enfin débarrassé des vieux masques. Combien de temps ça peut durer à ce degré d’intensité ?

Heures creuses, engourdies. Nos corps allongés sur le lit, l’un l’autre hésitant semblablement. Tendresse des gestes retenus. Deux êtres paumés qui se trouvent, quoi de plus romanesque ? L’amour, ce serait donc encore possible ? Ce dénouement, ce jeu d’angoisse et d’attente. Ça vient de si loin. Anciens éclats rescapés des décombres. La nuit dernière, j’ai rêvé qu’on se sauvait l’un l’autre de la noyade, et ce matin, j’imagine qu’on est tous les deux sur la seule portion de terre épargnée par l’engloutissement. Nos hantises tombées droit au fond de l’océan. On chauffe nos corps au timide soleil d’hiver. Les quelques centimètres qui me séparent d’elle, l’écart infranchissable qui toujours sépare deux êtres. L’ombre lumineuse de ses seins sur les draps défaits. L’oreille, l’œil, le nez, les lèvres. Sa douceur m’enlève du cœur la douleur sourde de l’enfance. Elle ouvre la possibilité d’un avenir. Flammèche consolante dans le corps convalescent. Un chien aboie dehors. Un piano joue à côté. Par la délicatesse de son regard, elle sait entretenir le silence entre nous. Tout semble aller de soi. Depuis qu’elle est là, on s’aménage ensemble un petit espace de survie. J’avais tant besoin d’un abri pour mon esprit délabré. J’allonge le bras, pose ma main sur son épaule — léger sourire qui se joue autour de la bouche. En moi il accomplit son tranquille miracle. Elle me sort doucement de la maladie, me renouvelle. Je retire ma main, j’ai peur d’être maladroit. Elle s’approche, tourne sur la hanche jusqu’au frôlement de nez. Je me tiens immobile dans la chaleur de sa respiration. Son souffle lent, régulier, la masse noire de ses cheveux, la pâleur de sa peau, ses yeux très noirs et le merveilleux dessin de ses sourcils, ses longs cils dorés de lumière et tout le fragile qui m’échappe, j’aimerais m’éveiller chaque matin dans son visage. Elle m’embrasse le front, comme une mère, elle m’embrasse comme ma mère ne m’a jamais embrassé. Puis elle a sa moue pensive qui me fait mordre l’intérieur de la lèvre. Maintenant j’ose, très doucement. Je caresse sa joue, ses cheveux, pose ma main sur son bras, son sein, sa hanche, sa cuisse, du bout des doigts remonte jusqu’au point entre les jambes. Tout son corps de pain chauffé, vivant, contre moi. Je n’en reviens pas.

Sa bouche s’entrouvre, L murmure quelque chose d’indistinct qu’il ne lui fait pas répéter. Simon imagine ce qu’il veut, la plus grande des béances. Elle entrouvre les jambes, lentement, ne dit pas un mot. Le grand agenouillé se met alors à ses pieds, docile, lui qui ne l’est jamais. Il tend une langue dure pour tenter de rendre rien qu’un peu de la joie qu’elle lui donne le long des jours. Elle agrippe ses cheveux. Son sexe tout en tressaillements léché jusqu’au vaste tremblement d’allégresse. Il lève les yeux. Elle détourne la tête comme quand on va pleurer. Son ravissement le bouleverse. Le péché d’origine n’existe pas, se dit-il, L fout en l’air mes vieilles certitudes. Elle sait des choses que j’ignore. Elle me fait découvrir un monde bien plus riche que je ne l’avais imaginé. Plus d’émotions censurées, elle a délivré mes envies. Grâce à elle, je monte en chair, sans rougir, ivre d’une joie barbare, folle. Il m’arrive même de suffoquer de trop d’air.

Texte/Vidéo : Gwen Denieul

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Nuits d’enfance 3 – recueillir les voix qui viennent de l’autre côté

19 dimanche Jan 2020

Posted by ykouton in Gwen Denieul

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Notre goût commun pour le fantastique nous réunit après dîner dans le coin le plus sombre de la salle à manger aux murs de pierres noires cimentées de blanc. Je m’allonge sur le vieux canapé piqué de roses d’où l’élégante vieille dame se plaît à me faire voyager dans le légendaire breton. Elle étend sur moi une couverture en laine, s’assoit sur le fauteuil en rotin, juste à côté du vieux poêle qui réchauffe mal la grande pièce humide. Derrière elle est accroché un miroir loupe en forme de lune dont la simple vue m’effraie à la nuit tombée. Le fantastique, c’est l’impossible et c’est la transgression, me chuchote-t-elle de sa voix d’ombre. Pour introduire le récit et en éclairer les points saillants, elle prend plaisir à créer des liens entre des notions apparemment éloignées. Ce grand talent lui vient des livres de poésie qu’elle ramène de la bibliothèque municipale de Guingamp, et dont la lecture l’absorbe durant les mornes journées d’hiver et la splendeur de ses nuits. La transgression, tu sais, c’est comme la souffrance morale, elle mène soit à la connaissance soit à l’engloutissement… et, sans plus de transition, elle enchaîne sur la légende de la ville d’Ys. Le temps alors se dilate. Je l’écoute me raconter les mythes bretons qu’à l’occasion elle s’amuse à réinventer. Je sais qu’elle aime mettre dans la bouche des grandes héroïnes sa propre vision du monde. Lorsque je lui en fais la remarque, elle me répond en souriant : Il n’y a rien à inventer, Léo, il y a juste à recueillir les voix qui viennent de l’autre côté. Elle me parle durant des soirées entières du peuple des âmes qui vit sur l’autre rive, de ce dieu celte dont le nom ne doit pas être prononcé, de la beauté fatale des femmes de la mer qui entraînent par le fond les marins égarés, des douze vierges de Loqueltaz belles de corps comme des anges et perverses d’âme comme des démons, de Dahut, fille unique du roi de Cornouaille, qui au bout de la nuit fait jeter ses amants épuisés dans un gouffre, de cette mère au visage hagard et aux cheveux trempés de sueur, tirant la charrette où s’entassent les corps de ses neuf enfants morts, ou encore des chevaux qu’on écorche vivants au marché de Pontrieux. Alors la vieille femme de chantonner de sa voix un peu fêlée : « pendant que leur peau est au marché, leur corps est aux champs ». Rien n’est plus surréaliste que ces contes archaïques qui mêlent la grâce à l’effroi : les femmes et les hommes échangent leur rôle et leur sexe, le temps y est réversible, la mer se dévore elle-même, le passage de la mort à la vie une affaire courante parce qu’au fond les morts restent des vivants. Le quotidien est entouré de faux murs qui cachent les vraies histoires, m’explique ma grand-mère. Ses récits extraordinaires effacent, le temps d’une longue veillée, la détresse presque déchirante de l’écolier renfermé et solitaire que je suis le reste de l’année. Ils révèlent aussi la nudité sauvage du paysage qui nous environne : la lande rase, le grand ciel gris, le chapelet d’îles désolées éparpillées aux vents du large, l’herbe brûlée par l’acidité marine, l’odeur de terre, de racines et de cendre, le chêne, la grotte, le granit. Malgré les horreurs que ma chère mamie prend, parfois, un malin plaisir à me rapporter dans leurs moindres détails, à ses côtés je suis en sécurité. Les nuages accourent de l’ouest, un vent chargé de pluie secoue par rafales les bouleaux du jardin, j’imagine au loin la mer démontée, mais le contact de sa main sèche sur la mienne me rassure. Je sens que ses phrases fissurées me soignent. Elle parle avec lenteur, sans crainte de faire de longues pauses. C’est à peine si j’ose respirer dans ses silences – j’aime tant écouter son souffle au ralenti. Son visage d’une extrême pâleur, aux traits comme venus d’ailleurs, est plongé dans l’obscurité. Je ne l’aperçois que par instants, lorsqu’elle se penche en avant pour changer de position. Chaque fois je suis surpris par son regard incroyablement clair et la noblesse aiguë de sa maigre tête de rapace. Long nez et menton affirmé, tête tendue en avant lorsque quelque chose retient l’attention, voilà au moins ce que j’ai hérité d’elle. Le reste du temps, j’observe sa main droite aller et venir comme la marée à mesure que le récit s’enfonce dans l’inconnu. J’aimerais vivre pour toujours dans le règne de sa voix et de ses gestes. Lorsque le sommeil me gagne et que les bâillements se font plus fréquents, elle me conduit dans la petite chambre aménagée sous la charpente, garnie du sol au plafond de vieux romans et dont le plancher craque comme la coque d’un navire. J’aime sombrer comme ça, submergé de livres. Après m’avoir bordé, ma grand-mère s’assoit sur le lit et finit l’histoire en cours. Ce sont des histoires qui méritent d’être racontées jusqu’au bout, me dit-elle doucement. Elle parle de plus en plus bas, de plus en plus lentement. Je l’entends à demi-endormi, déjà dans la vie du rêve. Sa voix un peu sorcière qui sait faire advenir le murmure des disparus est bientôt entièrement recouverte par le sifflement du vent.

Tu es mûr pour le rêve, Léo. Tu aimes tant ce moment où tu perds pied, le vide qui s’ouvre lorsque tu t’abandonnes à la fatigue. L’eau est bleu sombre comme le paysage. On doit être au petit jour. Une épaisse nappe de brume masque le soleil. Tu barbotes encore quelques instants aux frontières du réel, puis l’amarre se détache de l’anneau et la barque glisse sans bruit dans la pénombre liquide. Ton corps d’enfant est cette barque sans rame qui s’arrache des rives de la conscience pour rejoindre celles du monde en suspens. Il n’y a pas un souffle de vent, mais un courant surnaturel t’entraîne doucement vers les lieux très anciens, vers l’endroit d’où tu viens. Tout est léger, irréel. Le ciel qui s’éclaircit file lentement au-dessus de la barque. C’est ta grand-mère qui te guide en silence, tu le sais, tu la sens près de toi. Ses bras entrouvrent le brouillard. Il existe des passerelles entre la mort et la vie, t’a-t-elle prévenu, ça se passe du côté des marais. Les limbes et le purgatoire et même l’enfer se traversent. Tu te frayes comme tu peux un passage entre les deux mondes parmi les roseaux, les souches et les branchages. Des algues longues comme d’épaisses chevelures s’enchevêtrent à ta coque. L’environnement se réinvente à mesure que tu t’éloignes des masses d’ombre arrêtées sur la rive du monde connu. Tu te forces à ne pas te retourner. Quel délice de se laisser entraîner toujours plus avant dans cette dérive hallucinée, à une vitesse qui sans cesse s’accroît… L’eau fraîche sur la peau de la coque est une caresse électrique. L’horizon peu à peu s’ouvre, le marécage se change en pleine mer. Tu files maintenant grand large vers les âmes heureuses et le monde au début du monde, toute honte suspendue. Mais les craquements incessants de la charpente dérangent ton rêve. Le coup de vent de la soirée s’est dans la nuit changé en tempête et ta barque se met à tanguer dangereusement. Tu ouvres grand les yeux sur la presque obscurité de la chambre. Ta grand-mère a éteint la lampe de chevet mais la douce lumière sous la rainure de la porte te rassure. Comme toutes les nuits, elle veille tard dans la salle à manger, un livre à la main. Tu peux de nouveau glisser dans le sommeil au rythme des gouttes d’eau qui s’abattent sur les vieilles ardoises.

Quand le monde s’écroulera et que je ne souhaiterais plus vivre qu’avec les morts, c’est dans cette maison de pêcheur aux murs épais que j’irai trouver refuge. Je sais qu’alors, dans l’habitation vide comme une épave, son fantôme viendra s’asseoir près de moi, en face de l’horloge tournant à vide. Son souffle d’ombre me fera de nouveau frissonner et, au plus profond de la nuit, avec ce qu’il restera de mots, sa voix rassurante ranimera le feu ancien.

Texte/Vidéo : Gwen Denieul

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