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pour les cosaques - un soir

Ce seraient deux êtres un peu tristes, assis sur une marche aux rives d’un jardin dans la nuit.
Ce serait leur silence, la contemplation muette de leurs jambes étendues, de leurs pieds et du gravier sur lesquels bougeraient très lentement les ombres des feuilles.
Ce serait, dans une gorge, un petit sanglot muet, réprimé, troublant d’être sans raison, la rousseur des lumières du salon et le souvenir de la chaleur du soleil.
Ce serait la gaité factice et entraînante d’une musique de danse latine derrière leur dos, des rires et des voix passant devant les porte-fenêtres ouvertes sur leur nuit.
Ce seraient des regards qui ne se croiseraient pas, des coups d’oeil furtifs sur un profil têtu.
Ce seraient des phrases qui se formeraient et ne seraient pas dites.
Ce serait l’odeur de la terre exhalant la chaleur du jour, et des parfums indécis,
par moment un ressac murmurant plus loin,
une fraîcheur légèrement plus piquante de l’air qui annoncerait la fin des vacances
deux rêveries devenant nécessités, presque désirs,
deux timidités.
Ce serait, venu d’on ne sait où, un petit chien blanc doré surgissant dans la flaque de lumière et s’arrêtant devant eux, les regardant en penchant la tête.
Ce serait un petit rire musical.
Ce serait une soudaine rafale de brise faisant danser vivement les taches d’ombre sur le gravier et le pelage du chien.
Ce seraient des épaules frissonnantes et un bras venant les réchauffer.
Ce serait une question, ce serait une réponse, ce seraient les regards qui se rencontrent.
Ils se lèveraient, se feraient face avec un sourire naissant, montant dans les yeux.
Ce seraient deux murmures.
Ce seraient deux adolescents légers et graves, se tenant par la main, rentrant dans le salon pour aller danser.

Texte et image : Brigitte Celerier