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Toucher du doigt ce que Shelomo Selinger a déposé là, comme un « rocher dans le desert ».

Et toute la nuit par un feu éclatant  me nourrir de ces bureaux futuristes qui fleurissent en lotissements, comme des murailles. Ces flots abondants de l’avenir. La fin si lente du délabrement. Des implosions  qui n’ont pas livré toute leur fureur. Mais qui retiennent au fond tant d’erreurs.

Habiter un peu la désindustrialisation. Toute la banlieue Nord contre son héritage. A la merci du glaive économique. Et puis cette mémoire presque intégralement effacée. Celle des usines disparues. Ne reste que les faits divers comme les prémices de ces temps saccadés, pixélisés. Une voix inconnue par des générations à présent. Elles ne savent rien. Des cris de joie vers Dieu. Et c’est tout.

Il y a cette face menaçante. Il y a ce que l’on évoque pour reconstituer. Sauver peut-être. Des correspondances, des tours transformées, des centres commerciaux hard discount. Et de nouvelles zones pour clientèles aisées. Tout cela mélangé. Utilisé comme le décor d’un film immense.

Je pense au souffle imperceptible de Selinger. A sa bataille contre la pierre. Pour la mémoire. A cet enfant juché sur une pile de cadavres. Souffrance souverainement élevée au-dessus de projets urbains, de friches transformées en quartiers de vie. Et comme une offrande, l’implantation des archives, pour faire régner l’éternel. Étrange paradoxe. Un peuple dont le cœur s’est égaré pourra ici retrouver du sens. Un espace public qui manifeste son salut entre pôles scientifiques et historiques. Des bâtiments gigantesques, éteints après un siècle, connectés au Bauhaus, qui renaissent ainsi.

 

Texte et vidéo : Yan Kouton