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echos

Dans un angle obtus de ma porte-fenêtre, se tient un hexagone humain  parfaitement  solide, lié d’une même colle, l’esprit du vainqueur et la rigueur morale du devoir citoyen. Ils sont six, tous sortis d’un moule identique, le fils ressemblant au père, les enfants identiques, authentiques jumeaux et spermatozoïdement filiaux, et les deux femmes pures repousses d’une Merkel à poils courts et  d’un Fox terrier  de jardin.

Ce serait beaucoup dire que je les connais. J’ai droit seulement par secousses dans mon audiomètre  à quelques échantillons de leur mode de communication premier et des efforts contraints et liquoreux de la parentèle pour modérer les tempêtes vocales de leurs marmots. Et dire que j’aime les enfants ! Comment peut-on en arriver à ce rictus amusé qui cerne mon sourire quand je vois ces affreux discuter entre eux à hauteur de décibels.

C’est à moi !

Nooon

C’est ta faute !

Vas- y ramasse !

Non mais tu fais exprès–…..

La pièce est si bien orchestrée que jamais elle ne fait faillite. J’assiste au grand spectacle de rue,  Guignol et Gnafron. Oh ! Que je suis mauvaise, mais que ça fait du bien de voir les autres se taper dessus sans qu’on ait besoin d’y mettre du sien. Le castelet s’ouvre à toute heure. Suffit d’être sur son banc et voilà c’est parti. Tout y passe : les rigueurs de la fraternité, les esclandres de terrains de sports, les batailles rangées, les mises à sac, les gémissements des vaincus, les ricanements des vainqueurs. La Vie ! La Vie ! Quoi…

Présentation des personnages.

Lui 1: droit raide, mesuré, musculeux, cheveux courts, sportif. Porte volontiers sa casaque de Police.

Elle 1 : rousse, la guibole blanche, le style so british, lunettes de soleil et chapeau et une forme aérienne de danser des spartiates entre les pâquerettes.

Lui 2 : sept ans, le cheveu parfait, maigrichon, avenir de ténor puissant ou de caporal, ne connait pas le modérato, sportif, agressif, combattif, prometteur.  Adapté quoi.

Lui 3 : sept ans, le cheveu parfait, maigrichon, vox lamentita, commence ses phrases et les finit en hoquets rageurs. Jamais, jamais encore il n’a eu le dessus. Looser définitif. (putain de tarot !)

Lui 4 : grand-père, teigneux, autoritaire, contrôleur, menaçant, proférant, dominant. Le froc un peu bas, la démarche pleine le slip.

Elle 2 : la femme du vieux, bobonne voûtée, muselée.

J’entretiens avec eux un parfait distinguo. Je froufroute de la pédale, je roule au 20km à l’heure, je tonds mon gazon quand ils gueulent, je ne rôtis pas de poisson le dimanche, je cuits mon choux -fleur dans le secret des bouillons de onze heures.

Mais je ne suis jamais sûre qu’ils ne m’en veuillent pas d’être au bout de leur lorgnette, le fameux  silence perturbateur.

Un dimanche neigeux où j’avais sorti ma pelle pour décrotter ma voiture de sa blancheur,  le grand-père est sorti. Il m’a vertement reprise, dites-donc vous et le règlement de quartier ! Pas de pelle à neige sous les fenêtres le dimanche. ! Crévindiou !

J’ai haussé les épaules et j’ai raclé le sol. Ah ! Cet apaisement du goudron qui crie vengeance ! Depuis, entre nous la relation reste glaciale. Mais quel délice !

 

Texte et dessin : Anna Jouy
cette interprétation féroce et grimacière du voisinage n’est que pure fiction littéraire, naturellement