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pour cosaques - je vous souris

Je vous souris, je fais le gracieux,

et d’ailleurs ne trouvez-vous pas que je le suis -différent, bien sûr, c’est mon emploi -, mais surtout gracieux…

J’ai la cuisse avantageuse, bien moulée dans ce costume, n’ai pas besoin de la cacher sous vos pantalons mornes… ni sous mes pantalons habituels, surtout eux, qui ne sont pas d’aussi bonne coupe et d’aussi souple et noble lainage que les vôtres, mais ça vous n’avez pas à le savoir, juste peut-être à le deviner.

J’ai la taille forte, mais pas trop, des épaules juste assez larges, je ne joue pas les malabars, gracieux je suis, vous le rappelle, et souple, même mon petit estomac est assez discret pour dire jouissance désirée et médiocrement accessible.

Et puis je suis de couleurs gaies, d’oeil que l’ombre du bicorne rend brillant et surtout je souris, largement.

Un sourire large, complice, presque comme un plaidoyer, et un accessoire indispensable à ma personnalité, mais qui vous demande de négliger, si vous l’avez noté, qu’il est large mais fort mince.

Comme l’éclat de mes yeux vient surtout de l’ombre qui les abrite et leur donne une lumière qui est surtout contraste.

Parce que si je me tais le plus souvent, si je ne me manifeste que par des lazzi, et quelques insolences soigneusement calibrées pour vous chatouiller sans vous faire réagir, ma légèreté d’esprit, ma petite extravagance affichée et humiliée, sont peut-être – vous le soupçonnez un peu, mais sans vous y attarder – la convention qui nous lie ne vous y autorise pas – un leurre.

Et, en plaisantant, et même en attaquant parfois avec prudence, vous désarmant par le rire et s’il le faut un petit bond en arrière et un salut, je vous regarde, mes yeux inexpressifs sont un scalpel qui vous fouille – et d’ailleurs devant mon peu d’importance vous ne vous masquez guère.

Tant vous connais, tant le pense, que silencieusement vous juge, et suis ainsi, au delà de petits désagréments passagers – ou moins – que j’accepte puisque le monde est ainsi fait, inatteignable.

Sur un dessin d’un grand-oncle Charvet

 

Texte : Brigitte Celerier