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Ce serait un déversement
ce serait le grand toit de chaume un peu pelé, usé, que l’oeil dégringolerait en même temps que la lumière, emportant les branches, le petit pan de mur de terre, la palissade jusqu’à la coulée de terre, de foin flétri, où cela s’étalerait en or vieilli, rejaillissant, venant réchauffer tous les bruns pour les enrichir.
Ce serait la teinte de douceur glorieuse sur laquelle reposeraient les paysans en rudes toiles, ce serait la contamination qui se répandrait, qui mettrait des reflets d’or dans les nuages du ciel.
Ce serait cette tendance de Jan van Goyen au monochrome…
et puis les accents,
la petite branche argentée qui se détacherait à gauche, au sommet de la palissade, appelant la torsion éloquente de l’arbre
les trois oiseaux, et le ventre blanc du plus haut
les deux petites silhouettes, avec épaules courbées et parapluie qui suivraient le chemin et la diagonale tombant du toit, pour disparaître, vers ces arbres pointillistes et cette idée de maison, palis par la distance.
les deux bandes qui encadrent la coulée de lumière, la terre hérissée, presque noire, au premier plan, et les ondulations de caramel chaud contre l’horizon, le basculement de la terre, et, pour parfaire l’équilibre, la colline ou le bosquet sombre sur lequel se détachent l’arbre torturé et la maison
Ce serait l’immense ciel vivant
Ce serait une invention, une nature pleine d’air humide, de terre lourde, de chaume qui auraient pris naissance dans l’esprit, le métier parfait, le long apprentissage d’un homme nommé Jan Josephsz van Goyen, né à Leyde, passé par Horn, la France, Harlem, revenu à Leyde se marier, installé à La Haye, peintre, marchand d’art et expert, qui eut moult disciples et élèves, certains glorieux
qui aimait la mer, les fleuves et les ciels
qui préférait les valeurs aux tons, la lumière à la couleur, l’atmosphère d’une vue aux détails
qui laissa des dettes, des carnets de dessins, des oeuvres et une maison.
Texte : Brigitte Celerier
Image : Jan van Goyen, Leyde, 1596 – La Haye, 1656
Peintre rentré at home…
un grand Jan encore, un peintre solaire…
» Ce serait », quel magnifique programme ! Et quel beau tableau