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Borislava, dans la bibliothèque, a souri un peu de travers, levé la tête vers Oksana
– «M’est avis que la prochaine fois nous devrions lire TOUT le conte avant de nous lancer»
– «Hum, oui – surtout pour les enfants, à moins que cela les fasse rire»
– «Oh que ça excite les plus grands je n’en doute pas – bon il faut finir,… je propose que nous adoucissions le sort de Zulma»
– «oui, tuons-là simplement – reste la morale finale..»
– «le mieux est de ne pas s’y risquer – ou si, je crois que je vois..»
– «bon tu prends la fin»
– «et je te laisse tuer Zulma»
– «oui mais toi tu commences avec la reconnaissance»
Et le soir, elles sont arrivées en grandes robes rouges brodées de noir «allons y franchement, avait dit Oksana» accompagnées par un petit air de marche vive joué par le maître sur son tsymbaly et Borislava a commencé
«Donc Orlanko est entré, s’approche d’Orlik qui git sur la table, entre les bras du vieux Neczaj, et l’apostrophe avec un air de défi triste mais triomphal «ah maudit ! tu m’avais volé la jeune-fille que j’aimais, je te l’ai reprise !» mais l’attaman lui répond dans un souffle «mon fils, ne me maudis pas» et le serviteur tend au jeune homme la lettre et la reconnaissance. Orlanko lit, se jette à genoux à côté du mourant l’embrasse, gémit sur lui.
Son père lui prend la main, regarde la bague qu’il porte, la bague remise par la staroste sur son lit de mort, la reconnaît – «Je la lui avais donnée, quand nous nous sommes séparés, quand elle a préféré à son amour pour moi, simple kosak, l’union avec Woronicz, ce seigneur polonais qui est passé pour ton père. Nous nous sommes revus, des années plus tard, je l’aimais toujours, elle m’a dit que Woronicz lui reprochait ta naissance, je l’ai tué, lui. Et comme Mazeppa ne voulait pas de l’inimité des polonais, on a fait courir le bruit d’une mort par maladie, et Jeanne est rentrée dans son domaine avec le cercueil scellé. Tu es mon fils, embrasse moi, et pardonnons nous pour Zulma, je ne savais pas que vous vous aimiez.»
Alors tous s’attendrissent et le père et le fils se tiennent embrassés, Orlik balbutie pardon, et puis hausse un peu la voix pour demander pardon à tous ses frères kosaks, ferme les yeux, sa tête ploie, retombe, et il expire.»
C’est au tour d’Oksana de s’avancer
«Orlanko se lève, regarde autour de lui avec un air égaré ; il pleure. À ce moment entre Zulma, plus belle que jamais, sans voile, les cheveux épars, dans une longue robe légère ; elle ne voit rien, ni l’assistance en désordre, ni les armes, ni le cadavre ; elle s’élance vers Orlanko et veut se jeter dans ses bras.
Mais il fait un pas en arrière «je suis un parricide», et puis il la repousse «démon ! À cause de toi j’ai commis un meurtre !».
Elle le regarde, elle regarde le corps, elle blêmit, trébuche, glisse au sol. La nourrice et son père se précipitent, tentent de la ramener à elle, se redressent, elle est morte.
Alors Orlanko pousse un grand cri «j’ai tué mon père, j’ai tué ma bien-aimée, je suis voué au meurtre, et il sort en courant, suivi par ses compagnons.»
Et, très vite, Borislava reprend la parole
«À Bender, le khan s’est retiré dans ses appartements pour pleurer sa fille, après avoir donné ses ordres, et on s’active à préparer, au lieu du mariage, les cérémonies pour les deux enterrements, pendant que les kozaks galopent vers le campement près de la Czertomelik.
Leur arrivée est accueillie avec soulagement, ils annoncent la mort d’Orlik et ses remords ; les vieux, les femmes pleurent leur attaman.
Le lendemain il est décidé d’élire son successeur et, contre sa volonté, Orlanko est désigné. Il reste silencieux un moment, tête baissée, et puis, il sourit et debout sur un perron, face à l’assemblée des kosaks, il proteste de sa jeunesse, il fait le serment de se consacrer à leur indépendance.
Et la vie continua, sur leurs terres, la vie normale, mes enfants, pas comme dans les histoires.»
FIN
Texte : Brigitte Celerier
Image : sculpture de Yevgueni Alexandrovitch Lanceray
une autre histoire bientôt j’imagine et attends…;-)
si oui je prendrais le soin de connaître la fin en commençant – on ne peut pas le faire dans la vie, mais là c’est souhaitable