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~ refuge pour les dépaysés

Les Cosaques des Frontières

Archives de Tag: Anna Jouy

Personnages

23 mercredi Jan 2019

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Anna Jouy

Personnages

Chaque matin, en rupture de nuit, je crois redresser l’aube. Parce qu’entre chacun de mes jours, j’ai le sentiment de revenir vivre. De commencer à chaque fois le monde. Pas de sensation de continuité, je ne poursuis rien. Je disparais dans le sommeil et soudain, ici, à la lumière naissante, je débute une vie, une vie de 18 heures, une vie sans passé mais pas sans histoire.

C’est le soir que tout prend cette forme, c’est le soir que me rappelant du matin, de l’aurore, je constate à quel point c’est loin, c’est ailleurs, c’est autre chose. Je ne connais plus la femme du début du jour. Je vais ainsi dans ce présent noir de la soirée. Avec des pensées vagabondes, des projets nomades. Je me dirige vers le sas de transformation. Celui des déportations, le pays des résidus de tous les jours oubliés. Perdus. Je pars vers ce lieu, ces terrains vagues, ces villes identiques, ces repères venus d’autres anciens rêves. Je vais dormir, remettre le tableau noir au propre. Un coup d’éponge. Demain je serai neuve, je renaitrai demain.

Au réveil, je n’aurai pas l’idée d’un domaine, d’une saison, d’une année. J’arriverai avec ma chair presque pareille mais l’âme différente. Je serai le monstre, l’épouvantail. Je serai l’ouvrière, la vendeuse du supermarché, je serai peut-être l’homme qui a écrit une phrase sublime qui ouvre mon cœur à l’aube. Je ne sais jamais qui je serai et parfois, le matin je m’aime et parfois je me hais. Parfois, je suis la sainte et d’autres la pute, la catin, la précieuse.

Alors vêtue de mon personnage, je passerai mes heures, envoutée et comédienne, prisonnière des émotions de l’aube.

Avez-vous appris qui vous êtes, vous ? Avez-vous une idée de vous-mêmes ? Vous sentez-vous, corps et âme ? Habitez-vous votre être, habitez-vous votre existence ?

J’essaie chaque jour la forme neuve. Mon corps, quand il passe devant les miroirs, me semble un étranger, un étranger insistant, mystérieux et impénétrable. Je pense que cette chair se promène et croise souvent les mêmes visages. Je me dis qu’eux seuls savent qui je suis et me reconnaissent.

Etes-vous comme moi ? Vous sentez-vous dépossédée de vous-mêmes, sans ancre ? Revenant chaque matin dans l’instable de votre personnage ? Etes-vous, vous aussi, à écrire chaque jour pour remplir le moule vide de votre silhouette et êtes-vous à espérer que tous ces mots, vous feront une présence ? Et non ces costumes de pantins essayés et puis abandonnés, chaque jour fini.

 

 

Texte et dessin : Anna Jouy

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Le vent qui pousse

09 mercredi Jan 2019

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Anna Jouy

train

Marcher, vent arrière. Résister, appuyée sur lui de tout mon poids, de tout mon corps. Force 10.

Marcher avec l’esprit qui tire à reculons, qui ripe et s’accroche derrière moi. Et le temps mauvais qui pousse, qui pousse droit devant.

Pas le choix. Le vent est le maitre ; il manipule.

Je vis avec l’échéance. Elle est arrivée devant moi, comme un panonceau. J’étais soudain dans la périphérie, à l’approche, dans le catimini de la fin.

Bientôt sans doute, – je me méfie-, je ralentirai de tous mes pas pour ne pas frapper de plein fouet le terminus. Je me planterai sur les patins des freins. Pour ne pas faire le dégât, comme on fait le fantôme, comme on fait la statue. Pour ne pas faire le dégât mort.

« On dirait que tu serais disparue et moi je ferais semblant de te sauver »

Marcher entièrement vautrée sur mon passé. Entièrement concentrée sur ce point de gravité de mon dos. Y mettre toutes mes intentions. Pitonner ma corde dans le granit des anciens jours, planter l’ancre sur la côte du début du monde. En arrière toutes.

Ah ! ce mouvement, cette synergie de fin de course, ces derniers tours de roue qui ne sont là que parce qu’il y a longtemps j’ai foncé tête baissée, qu’il y a toujours en moi ce résidu de mouvement qui poursuit l’élan, et que le torpedo de la vie ne fonctionne plus ! Cette avancée, passive, mécaniques éteintes. Comme un train, comme un navire, moteur coupé.

Alors il ne me reste plus qu’à chercher à prendre du retard, qu’à affirmer ma résistance, qu’à planter mes talons dans la route, bien malgré le vent, bien malgré cette foule de jours derrière moi qui me pousse, me chasse, m’envoie garrocher vers des butoirs célestes.

Je suis dans le train. Il s’est arrêté pour rien dans une gare inconnue. Sur le quai, un homme qui semble léger, souple et jeune, les mains dans ses poches, avance avec un fort vent dans le dos. Il semble un moment s’être assis sur l’air et ses pas le font presque courir malgré lui.

Je suis dans le train. Comme lui sur ce quai.

Il y a des jours où ce qu’on fait nous conduit exactement à l’opposé d’où on voudrait aller.

Pas le choix. Le chemin est le maitre, il manipule.

 

Texte et dessin : Anna Jouy

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Nouvel-an

01 mardi Jan 2019

Posted by lecuratordecontes in Anna Jouy

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Anna Jouy

2019-2

La balançoire descend lentement et le garçon regarde la fillette monter. Parfois sous l’élan, décoller légèrement du bois, les deux tresses battant des ailes. Le rire ensuite lui vient comme des bulles d’eau gazeuse, l’élevant à son tour. Rapide ou lente, la surprise arrive par les mollets d’en face ; parfois grand bonheur, la bascule tourne, ajoutant une ivresse de plus, celle de charrier le paysage, de flouter les images et défaire les repères. Entre le vol et la gravité, toupies de chevelure, le jeu est spatial, astronome. Le jour soupèse la nuit. Au jardin d’enfants, on devient cosmonautes.

Quelque part, Sirius sur l’horizon monte à l’aube du solstice ; il monte avant de redescendre jouant avec Fomalhaut des équinoxes à la balancelle céleste. Et la nuit qui a conquis tout le ciel pendant les beaux mois de l’année, va lentement s’effacer et la pesanteur de son obscurité la pousser désormais à lever la lumière. *

En fin d’année, pendant quelques jours, le sombre velours de décembre et le tulle des brumes de janvier s’attardent sur ma robe des fêtes, comme si c’était à moi de choisir entre eux deux. Ils se confondent. Entre eux, quelques jours, quelques heures, quelques secondes, s’emmêlent les sexes du temps. Galas androgynes des apogées astrales, la nuit et le jour s’embrassent.
Mais le 31 décembre, soudain une nuit entière éclate pour inverser le cours de la lumière. Une nuit de bascule, une nuit pour aligner mes planètes et pousser de mes talons avec ardeur mon boulet vers les heures neuves, les heures lumineuses. Pour forcer le braquet des guiboles, choisir l’amplitude puissante, qui lance la roue de fortune dans le sens du soleil. Il est temps de nourrir le sol de nouvelles battues, de chasser les idées noires, de prendre un vol léger d’oiseau du matin. J’échange ma chouette contre des poignées de moineaux, des piailleurs pour remplacer le hululement obscur. Dernière nuit du temps compté. Je festoie, je brave la mort de la mort et j’envie la vie. Je touche le sol, je plie mes genoux, je ramasse mes muscles, j’impulse, je propulse. J’amorce d’un essor le retour au sommet du ciel.

Quelle que soit l ‘obscurité de décembre, elle est à la déchirure du temps, une fissure noire sous les jambes. Dans la cloche du pas, l’autre année tape à mon cœur. J’ai dans mes yeux fermés l’agrafe et le cil qui reprisent mes pensées et mes paroles, bon côté contre mauvais côté. Je fais le bilan., je solde. Le premier de l’an, je dis adieu à la nuit. À l’aube, quelle que soit la lumière, aveugle ou brillante, je passe. Je franchis la barrière et je ferme derrière moi le parc d’enfants.

Nouvel-an: nom masculin singulier, s’articule lentement au rouge baiser, lèvres appliquées à des addictions parfaites. Je lève mon verre. Je tiens le rang, je le dis, je conjugue ou décline les vœux du jour, bouche à bouche à gober bien frais, tête au cornet.

Pour l’an, c’est bon j’ai déjà purgé la peine. C’était long, cette mesure de margelle, si profond le puits, à dessouder du rêve à la mitraillette. Toutes ces emplettes de glycérine explosive, mes cris de mouette à jeter sur le passage, ma colère jaune, ma frayeur de fin du monde… j’ai déjà donné.

Mais nouvel est-il écrit… ? Qu’il en soit ainsi.

 

Texte et dessin : Anna Jouy

*Sirius apparait à l’horizon aux solstices
Fomalhaut apparait à l’horizon aux équinoxes

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Aimer un père

25 mardi Déc 2018

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Anna Jouy

mains

La tension que c’est d’aimer un père ! De l’aimer et de s’en faire aimer. Cet amour ressemble à ces ponts de bateau. Solides et mouvants sans cesse. Je me tiens dessus, je tangue, je risque de tomber, j’ai le mal de mer. Je glisse, des vagues me cinglent, je suis battue fouettée d’éléments contraires. Je suis sur le ponton. Il est dur et il tient bon. Seule, je perds l’équilibre et vacille, jamais confiante et tranquille. Rien ne coule de source en l’amour du père. Le doute le tue et puis le nourrit,- que ne faut-il faire pour lui, pour lever l’alarme affreuse de ne plus le mériter-; c’est un amour qui demande de la foi. C’est presque un pari, un amour qu’il faut entretenir, jamais acquis en soi.

Je ne sais pas comment un père aime son enfant. Mais je sais comme il est instable d’être l’enfant du père. Il semble toujours que ça va s’écrouler, que ça va s’effondrer d’un rien, que même le vent peut l’effacer, en moi comme en lui. Il est incertain, imprécis, friable. C’est un sentiment qui ne cesse d’être remis en question, un amour qui pose d’entrée de jeu de multiples exigences. L’amour du père, c’est ce qui se noue au travail d’aimer. Tandis que l’amour de la mère est sans paramètres ou alors n’est pas.

Devoirs. Devoir. Ces mots me collent au cerveau, ils me collent aussi à l’âme. Le devoir d’amour, de famille, de filiation, le devoir envers les donneurs de vie. Envers la mère, c’était une évidence, entortillée dans une sorte de détestation, tant je lui en ai voulu parfois de m’avoir portée en elle, moi avec ce cumul grotesque d’imperfections dans un monde dont elle avait étalonné haut l’indice de satisfaction.

Mais le père, le père. Pourquoi y être attachée, pourquoi ? Ne suis-je pas née d’un instant gratuit, probablement même pas d’un vrai besoin d’enfant ? Un instant comme ça. C’est peut-être par défi que je l’aime, parce que son amour est une conquête, une série sans discontinuer de devoirs à accomplir, afin de le faire grandir, cet amour. Une série sans discontinuer de preuves, de raisons à lui fournir. Maintenant encore, et chaque jour qui passe, je vais chez lui chercher mon ticket de rationnement. Peut-être est-ce pour ça que j’y suis attachée ? Parce que c’est impossible à atteindre et que je ne peux pas renoncer.

Je ne doute plus. Je n’en doute plus. C’est le travail à faire. Et entre moi et toutes les formes dont j’use pour me montrer à lui, il y a cette servitude opérante, cette nécessité impérieuse de rendre le devoir d’amour. J’agis, je m’agite, je boutique sans cesse afin de pouvoir rentrer le soir chez moi et me dire que, oui, le père, cet élément aléatoire dans ma conception, cette présence physique dans le monde, dans la multitude du monde, m’a reconnue encore une fois ce jour et que je suis dans le camp des aimés. Des bienvenus. Sans le savoir, il est ce potentat. Cette puissance occulte sur mon existence. Jamais je ne conviens au père comme suffisante. Et si je le suis un jour, le lendemain qui sait… Le plus difficile à admettre c’est que les règles du jeu entre lui et moi ne sont pas de nos volontés. Juste importées sans doute de l’essence malade de l’arbre de famille.

Texte et dessin : Anna Jouy

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Livres de mon père

23 dimanche Déc 2018

Posted by lecuratordecontes in Anna Jouy

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Anna Jouy

d'atarmand

J’étais passée par surprise, ce n’était pas mon jour, mon usage. Nous avions en effet nos rites, ce qui est utile parce qu’en me contraignant à venir le voir à certains moments précis, ça m’autorise à mes égoïsmes par ailleurs. Sans ces habitudes, viendrais-je si régulièrement le trouver ? Non, et je serais sans cesse happée par la culpabilité de ne pas le faire.

J’arrive, le garage est ouvert, la porte du bas aussi. Visiblement, il doit être là. Mais non, personne, la maison vide, les appels sans réponse. Dans les pièces du bas, je vois des sacs en papier emplis de livres, comme si on allait entreprendre un déménagement. J’attends et bientôt le voici. Devant mon regard interrogatif, il me dit qu’il fait des transports. Il jette en vrac les livres de sa bibliothèque. Il les empile dans des sacs et puis s’en va vers la déchetterie bazarder ses lectures. Il ne me regarde pas. Ce geste symbolique et hargneux, c’est «après moi le vide, le désastre».

Je vois qu’il a déjà bien travaillé, que le trou dans les étagères est bien visible. Lisible, aurais-je envie de dire. Je lis dans ce trou mieux que dans tous les livres. Cette envie coléreuse d’effacer les traces de la vie avant que la vie ne l’efface, lui. Il vient d’apprendre qu’il est malade, que lui aussi il va devoir payer son quota au mal. Ce ne sera pas de vieillesse, mais de douleur donc qu’il lui faudra quitter le monde. L’homme à la santé de roc, fauché par des cellules indomptées, quelle ironie ! Sa bibliothèque, ce sont des murs entiers d’ouvrages, de livres d’histoire, de livres de théoriciens du savoir, et quelques romans par-ci par-là. Ce sont eux qu’il liquide en premier. Les vieux Poche de sa jeunesse, les auteurs de son temps, oubliés maintenant, mais mes petits maîtres. Il a pris les sacs d’histoires et s’en est allé les déverser dans les bennes à papier. Je lui sens cette colère, ce dépit, cette envie d’envoyer tout péter à la gueule de tous et de personne. Comme on voit dans les films, ces gens furieux et révoltés qui démontent leur maison, fracassent le mobilier. Détruire quelque chose avant que quelque chose ne les détruise.

« Pourquoi ? J’aime ces choses que tu as choisies… » Je ne trouve rien d’autre à dire. Il s’arrête, ses gestes suspendus dans le vide. Mes mots semblent le réveiller. Il en devient muet, presque honteux. Et dans ce regard hébété, je comprends à quel point, dans cette affaire qui s’annonce, c’est sa solitude quotidienne, celle de sa pensée et du sentiment, c’est le trou, le vide – tout pareil à celui de la bibliothèque- qui va tout diriger et prendre en mains. Ce n’est pas le lien, mais l’absence de partage qui va donner le ton. Ce n’est pas l’acceptation, mais l’obligation de se plier.

Il pose ses sacs. Il reste parmi eux quelques instants, humain emprunté dans le débit de livres. Qu’était-il en train de faire au juste ? A-t-il l’air de se demander. J’en sors un du tas. Je lui lis quelques lignes. Le hasard fait un miracle. « Elle n’aurait certainement pas deviné qu’elle était à ses yeux, celle qu’il avait laissée échapper ; certes, elle… » C’était du Kundera- Que les vieux morts cèdent la place-… Je lui cache le titre, je me tais pour maintenir entre nous le juste niveau de délicatesse. Il s’empare du livre, le jette dans le tas. « Fais-moi un café. » Tout ce que cette fortune de lecture sous-entend et met à jour, que je comprends instantanément et qui lui échappe, tout disparaît aussitôt. Je reprends le rôle dévolu.

Le père est l’homme qui sait. Pour de nombreuses raisons. Il a lu, expérimenté, pratiqué. Je m’imagine un arbre, l’arbre de la connaissance, et je suis dessous. Un savoir vertical qui coule de lui vers moi. Il connaît tant de choses. J’en connais d’autres, mais cela a-t-il de l’importance ? Je suis vieille, presque du moins. J’ai moi aussi agi parfois, lu parfois, compris parfois. Pourtant, dans chacune de nos discussions, il s’agit encore et toujours de rester sa progéniture, de rester l’apprentie ou l’élève. Je suis l’enfant de son expérience. Peut-être n’a-t-il jamais su comment se comporter avec des gosses autrement qu’au travers de son métier ? Que c’est le seul chemin qu’il ait su prendre, celui du professeur, du maître ? Et peut-on éprouver pour un enseigneur autre chose que crainte et admiration ? La peur de la mauvaise note m’a entravée et maintenant encore, elle est toujours là, plus puissante que jamais. Je n’ai jamais eu autant besoin d’être la bonne élève.

Texte et dessin : Anna Jouy 

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