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La balançoire descend lentement et le garçon regarde la fillette monter. Parfois sous l’élan, décoller légèrement du bois, les deux tresses battant des ailes. Le rire ensuite lui vient comme des bulles d’eau gazeuse, l’élevant à son tour. Rapide ou lente, la surprise arrive par les mollets d’en face ; parfois grand bonheur, la bascule tourne, ajoutant une ivresse de plus, celle de charrier le paysage, de flouter les images et défaire les repères. Entre le vol et la gravité, toupies de chevelure, le jeu est spatial, astronome. Le jour soupèse la nuit. Au jardin d’enfants, on devient cosmonautes.
Quelque part, Sirius sur l’horizon monte à l’aube du solstice ; il monte avant de redescendre jouant avec Fomalhaut des équinoxes à la balancelle céleste. Et la nuit qui a conquis tout le ciel pendant les beaux mois de l’année, va lentement s’effacer et la pesanteur de son obscurité la pousser désormais à lever la lumière. *
En fin d’année, pendant quelques jours, le sombre velours de décembre et le tulle des brumes de janvier s’attardent sur ma robe des fêtes, comme si c’était à moi de choisir entre eux deux. Ils se confondent. Entre eux, quelques jours, quelques heures, quelques secondes, s’emmêlent les sexes du temps. Galas androgynes des apogées astrales, la nuit et le jour s’embrassent.
Mais le 31 décembre, soudain une nuit entière éclate pour inverser le cours de la lumière. Une nuit de bascule, une nuit pour aligner mes planètes et pousser de mes talons avec ardeur mon boulet vers les heures neuves, les heures lumineuses. Pour forcer le braquet des guiboles, choisir l’amplitude puissante, qui lance la roue de fortune dans le sens du soleil. Il est temps de nourrir le sol de nouvelles battues, de chasser les idées noires, de prendre un vol léger d’oiseau du matin. J’échange ma chouette contre des poignées de moineaux, des piailleurs pour remplacer le hululement obscur. Dernière nuit du temps compté. Je festoie, je brave la mort de la mort et j’envie la vie. Je touche le sol, je plie mes genoux, je ramasse mes muscles, j’impulse, je propulse. J’amorce d’un essor le retour au sommet du ciel.
Quelle que soit l ‘obscurité de décembre, elle est à la déchirure du temps, une fissure noire sous les jambes. Dans la cloche du pas, l’autre année tape à mon cœur. J’ai dans mes yeux fermés l’agrafe et le cil qui reprisent mes pensées et mes paroles, bon côté contre mauvais côté. Je fais le bilan., je solde. Le premier de l’an, je dis adieu à la nuit. À l’aube, quelle que soit la lumière, aveugle ou brillante, je passe. Je franchis la barrière et je ferme derrière moi le parc d’enfants.
Nouvel-an: nom masculin singulier, s’articule lentement au rouge baiser, lèvres appliquées à des addictions parfaites. Je lève mon verre. Je tiens le rang, je le dis, je conjugue ou décline les vœux du jour, bouche à bouche à gober bien frais, tête au cornet.
Pour l’an, c’est bon j’ai déjà purgé la peine. C’était long, cette mesure de margelle, si profond le puits, à dessouder du rêve à la mitraillette. Toutes ces emplettes de glycérine explosive, mes cris de mouette à jeter sur le passage, ma colère jaune, ma frayeur de fin du monde… j’ai déjà donné.
Mais nouvel est-il écrit… ? Qu’il en soit ainsi.
Texte et dessin : Anna Jouy
*Sirius apparait à l’horizon aux solstices
Fomalhaut apparait à l’horizon aux équinoxes
un an qui commence ainsi… ne peut qu’être beau
comme c’est doux…merci brigitte
Beau
quand tu dis comme
tout passe ainsi par la porte
de l’aube nouvelle.
A quatre heures
ce matin
revenant à pieds
de chez des amis
par la route du col d’…
non éclairée
la nuit était un peu ainsi
en « heures lumineuses »