XIX

Expansion des faiblesses sur le glacis des palabres
Les lames de jade sur des planètes oubliées et cristallisées
Les singes mélodieux entrent dans l’Histoire par des soupiraux défoncés dans les murailles
Rumeur des ports de combat quand les marins tanguent
Allant grand-erre de Strasbourg à Recouvrance
Les croiseurs du passé hantent encore ma base marine
Brest des nuages Brest des ponts Brest des canonnades Brest suspendu
La salaison du poisson se fait toujours dans les courants d’air frais
Au tournant des bordels grillagés où les poules caquètent pour deux balles
La modernité aura beau nous mordre le bulbe rachidien
Le passé aura toujours le goût du vrai dans les entrailles de nos songes
Etoiles immenses et feuilles à la volée sur les falaises de gypse
Larmes de sirènes échevelées fouettées jusqu’au sang par des barbares drogués à l’estime
Catalepsie voulue par les bêtes vouées au mal
Le néant est un astre fou lancé à toute allure vers ton corps de déesse
Et ton sexe de louve abrutie par la musique
Vibration des cordes à pendre des sourds
Tu iras là où je te maudis le plus
Je t’aimerai de loin ma muse
Afin que les livres s’embrasent d’eux-mêmes pour que renaisse le sens
Je quitterai la maison d’arrêt sur images et ses rets sémantiques
Pour me jeter dans l’ailleurs profond
A la vitesse d’un fou dans la tempête d’équinoxe
Explosion de sèmes ! Eruption d’images !
Les étraves enflées de trirèmes poétiques
Emplissent la pensée d’une inouïe conception
La magie du verbe rend l’univers lisible
On peut le raconter en quelques gestes nobles
Avec des neurones plumes et des sabres pinceaux
La violoniste nue engagée dans son dire
L’archet tendu d’amour et le sein gonflé du lait verbal
Promet la révélation

Des fleurs aussi surgiront dans nos antres
Et les formes éclatantes de muette lumière diront
L’exhortation des niais à devenir pensants
L’extirpation du lucre au fond des darses noires
L’exfiltration des cœurs purs vers les îles
L’exaltation des masses
L’exultation des muses
L’extase enfin

Pour rien

Mugissement du navire
Cris des promontoires
Vent fort mer grosse
Et les mots au grand large
Comme des nuées d’albatros

Poème extrait de «Horizons intérieurs», éditions Sémaphore, 2023

Sur l’auteur

Jean-Jacques Brouard est né en 1952 en Bretagne. Après des études de lettres, il a été barman, routard, gardien de phare, banquier… Passionné de littérature, il est devenu professeur de lettres et de lexicologie, traducteur, conférencier et homme de théâtre. Artisan de l’écriture, il est l’auteur de plusieurs recueils poétiques : Bout du monde, Extases, Fulgurances, Visions, Horizons intérieurs (éditions Sémaphore 2023) Voyage en Anthropie (à paraître aux éditions Tarmac), Ressacs de la mer obscure, Griffures du néant, Souffles) et un essai sur Blaise Cendrars, Braises ardentes sous la cendre (à paraître aux éditions Sémaphore). Il a publié dans des revues (La Vie Multiple, La Piraña , Décharge, Instinct Nomade…). Il a aussi écrit des romans (Sine qua non, La Passante, Chimères, Hôtel du Ponant, Anamorphose…), des nouvelles (Fatale, Récits corrosifs, Fonds abyssaux, Sortilèges…) et une pièce de théâtre, La Horsaine. Il est le fondateur et le co-animateur (avec le poète Miguel Angel Real) du blog poétique Oupoli.fr.