
Poupée
La première fois elle a vu que dans une flaque d’eau géante au milieu d’une forêt
un matin d’automne elle pouvait scruter son visage.
Un visage au milieu des feuilles déchirées des ombres des branches des arbres
venues du dessus.
Un visage se froisser légèrement au souffle du vent nez yeux bouche ondulés petits cheveux
au milieu de l’autre de l’autre nature la nature de l’autre.
Son épuisement ou son feu. Sa chaleur aux confins des baisers. Sensuelle répétition.
L’odeur dans le cou comme au creux de l’écorce, elle s’est souvenue.
L’arbre entouré de ses bras confiants. Pleurer de peur de perdre.
Perdre son chapeau pointu son ciré clair à petits pois blancs.
Son enfance.
L’homme vert, grave son passage sur les troncs d’arbres sème des énigmes sur les mystères de sa présence.
La journée passe la profondeur de la forêt attire autant qu’elle fait peur.
Femme coiffée de lierre chevelure verdoyante la frange cache un œil celui qui assemble des bouts de temps comme morceaux de tissus pour en faire d’autres vêtements, celui qui tape la vase du pied à la recherche de myes qu’il grattera un peu étourdi.
Femme verte compose feuille à feuille sa forêt de prose d’œil à œil avec les jours.
Aimer dans l’embrasement des écorces des racines des reflets de l’autre.
Le coin caché où traîne la poupée de chiffon.
Maquillée de tes pastels gras de tes feutres à la pointe écrasée.
Tu lui as aussi coupé les cheveux plus courts d’un côté que de l’autre.
Tu l’as tapée quand tu avais mal toi aussi la poupée maltraitée la rejetée de ton estime le coin caché où trône ta méchanceté l’écharde cachée aux yeux.
Quand tu aimes elle surgit la poupée maltraitée. Elle crie dans ton ventre et se venge.
En parfaite petite fille malaimée elle sort par ta bouche enferme les baisers dans une toile
d’araignée.
Immobile
honteuse
paralysée
dans une prison froide.
Quelle liberté pour les poupées maltraitées ?
Je veux parler ouvrir la bouche articuler sortir des mots.

Refrain
J’ai éteint la lumière encore ce soir. Comme tous les soirs avant que la nuit tombe je ferme les portes et entre.
Entre dans l’ombre du théâtre du vide. Je tâte les contours de mon corps afin de vérifier que je suis bien là.
J’aimerai que tu mesures chaque soir l’état de mes frontières. Que tu mesures l’énergie de mes hanches
de mes seins
de mon nombril
de mes fesses
de mes cuisses
de mon dos. Démon sensuel de l’envie.
L’énergie sous mes paupières dans le fond de ma gorge dans ma langue.
L’énergie de mon âme plongeant dans tes frontières sans gardes.
Je cherche mon garde-folle à la vitesse d’une enfant qui fait une bêtise chute disparaît dans le magasin attrape la fourchette fais tomber son assiette ou son verre joue de l’inquiétude de sa mère fais semblant d’être morte sans savoir qu’elle est vu en train de respirer.
Je cherche ton sexe la lanterne de mon sommeil le donneur de somnifère le sirop de l’apaisement. Je veux la sensation du liquide blanc coulant entre mes jambes prisonnier de ma vulve dansante entre les lèvres chantant le repos de l’amour.
Je m’endors dans ces flots dans la douceur du chaud étranger entre mes jambes.
Le miracle entre les jambes. Le mélange des liquides des opacités des sangs blancs de nos âmes. Transe-lucide de la fusion.
Je veux rester allongée pour ne pas en perdre une goutte. Une miette.
Seule ce n’est pas la même idylle. Je tourne et retourne l’emballage. L’intérieur remue dans toutes les directions pense à ce qu’il ne faudrait pas penser à cette heure.
Remue l’arnaque de la solitude des draps de la solitude de la feuille de salade flétrie au fond du réfrigérateur.
Impossible de voir l’apaisement dans ses yeux ni t’entendre ses souffles réguliers.
Je pensais pouvoir m’endormir. Refrain des paupières à clore pour dormir.
Textes/Illustrations : Aline Recoura