PARTIE # 39 – fois –

– humeur et effets de vérité ¿ –

1 Il y a – il faudrait vérifier, me relire, compter – une vingtaine de jours de cela j’y repense d’un temps certain il me semble de PRESQUE lointaine mémoire maintenant : comme cela : Koh Phangan : Ile la plus grande des trois de ce côté-là du golfe de Thaïlande. Sirthanu, village branché, haut lieu des connected connecting people. En groupe, en famille, couple, deux copines ou copains – à deux c’est mieux -, peu de voyageurs solitaires, en grande majorité russes, allemands, italiens, français, moins de chinois on dit ici cette année. Partout on va et là on l’a déjà fait aussi. Discussions alignements de divers registres de paroles toutes personnellement connectées vont s’enchaîner, concernant le gecko par exemple, quelques données locales glanées essaimées de ci de là, l’exhaustivité de la planète, quelques expériences de mort imminente PRESQUE chacun. Drivers aux corps bien droits -alignés ¿- bronzés huilés de coco, en maillot, tricot ou short moulé moulant, la beauté des corps au minimum, ficelle pour les filles si et seulement si cul musclé, sac banane en cuir peau de bête -du Maroc il y a fort à parier- et petit haut crocheté à la main -par d’autres-, sandales allemandes oblige. Roots tribal style sur des scooters on fait le bruit de la nouvelle vie du monde qui vient entre connected connecting people. On se prend pour easy rider, revival mad max pour les plus harder. Ici on se sent puissant et fort heureux everywhere, mais pas la facilité, la liberté d’aller librement, c’est pas ça non c’est autre chose. Assurément on existe cela saute aux yeux jusqu’à s’entendre fort. On dit festifs les rassemblements dans le sud de l’île, intuitifs, à la grande plage on se rejoint, la tribu all night long, les lampions seront lâchés à perte de vue danser la vraie nature d’être vibrants et sains, expérience unique. Célébrer la nuit et les étoiles et la lune, le BBQ out of the box, le bar on the beach, le brunch, the sunset, le steak, les tribal shops opened, le tout, l’évènement est gratuit. Les souvenirs sont gratuits on the beach all night long. (De PRESQUE lointaine mémoire maintenant : c’est l’amour à la plage haou tchatchatcha et j’ai le cœur tout retourné, quand je dansais PRESQUE aussi belle que Niagara dans toutes petites chambres que je payais d’une manière ou d’une autre, souvenirs in the box.) Entre people des grandes puissances, l’expresso au prix d’un plat thaïlandais, plats vegan tofu, les energetic balls, le bracelet sept chakras en pierres naturelles non invasives respectueux de l’individu et de l’environnement pour presque tout dire objet eco-responsable, le racleur à langue en cuivre, l’attrape rêves au prix global local éthiquement équitable à tout point de vue durable. Mais c’est pas ça non c’est autre chose. Où chacun se sent en conscience plus consciente que les autres d’une pleine conscience d’elle-même élargie, augmentée. PRESQUE chacun doté d’atipysmes de toutes sortes. Non non pas la tendance c’est pas ça non mais mouvement humaniste évolutionniste. Chacun nos petits arrangements et discours sur nos petits arrangements avec ce que nous faisons là. Avec nos corps, jusque sur nos corps. Tatouages everywhere piercings la panoplie quoiqu’il soit tendance d’en avoir eu mais plus, avoir dépassé tout ça. Mais c’est pas ça non c’est autre chose. Les novices y vont pas à pas à la tige de bambou moins douloureux, on y reviendra en plusieurs fois peut-être même seul la prochaine fois. Ceux qui venaient autrefois hippies lorsqu’ici les choses étaient toutes autres, authentiquement on ne le leur fait pas, les couleurs des tatouages se sont délavées, souvent de grandes fleurs avec du rouge. Certains de ceux-là n’ont pas fait que passer, restés vivre ici donc là-bas. Plus ça va, plus ceux sont des lignes d’écritures dans une langue perdue oubliée ou morte (je reconnais le tamazigh parfois), aux autres tu leur expliqueras ton choix et le sens de tout ça parce qu’il y en a un, que tu n’inscris pas n’importe quoi sur ton corps, tu ne fais pas entrer n’importe quoi dans ton corps. – Et dans le corps des autres tes petits discours sur tes petits arrangements ¿ (Sur ton avant-bras ce tatouage mal fait dès le départ cela sautait aux yeux encre noire imprécise passée d’un visage de femme et sur le même bras cette ligne la vie est belle, mais je te sais menteur, mais j’ai rien à voir avec tout ça tu disais, mais ce n’était pas ça non c’était autre chose et quelqu’un d’autre.) Je ne passerais pas une seule nuit à Sirathanu, ne chercherais pas une chambre, repartirais empressée, mais sawatdee krap kha bonjour tout de même PRESQUE tout le monde. J’ai eu mal ce jour-là à l’idée de tatouages, mal au cœur d’une femme poursuivant seule – un sac à dos de dix kilos, un plus petit en bandoulière – loin de ses enfants, à l’idée d’écrire de la sorte quant aux autres. Oh solitude my sweetest choice, Purcell, mais c’est pas ça non plus c’est autre chose.

2 Le voyage : Où le lieu et le déplacement viennent chercher l’histoire. Où l’histoire vient interpeller le voyage lui-même. Vis à vis, récursivités et regards tout emmêlés. Pour cela/ainsi peut-être on part seule parfois c’est beaucoup. Déjà de quoi écouter, faire entendre, se répondre, ce qui saute aux yeux, confronter PRESQUE négocier, finir par s’en lasser, s’enlacer. Étreindre atténue un temps certain l’ontologique solitude. Oh le voyage de me reprendre dans mes bras ¿

J26, Koh Samui Ban Lamai, 26/02/2020 – sans réservations, sans tatouages –

Texte/Illustrations : Corinne Le Lepvrier