Les volets bleus
J’irai à Murissons sous un soleil empiété.
Je reviendrai chez moi
là où les vieilles pierres sont polies
les maisons rodées par les pluies
et les lanternes cassées depuis plusieurs étés.
J’entendrai en mon âme fantôme
la mélodie d’un music-groom
aux côtés d’un vibraphone
où crépitent des éclats de rire
sous les jetées.
J’entrerai par la grande porte sans me cacher des fenêtres.
Derrière le long couloir il y aura un jardin extraordinaire
où tout chante et ne vit qu’un jour.
Je m’allongerai
paisible,
insensible
sous les voix du grenier en rut.
Mes jambes dans l’herbe folle
je caresserai de mes yeux usés les volets bleus.
Je panserai de là les blessures des carreaux.
Je ne bougerai pas parce qu’il n’y aura rien à faire.
Je contemplerai le sang des violences passées séchées sur les poignées des portes injuriées.
Et, dans le torrent des larmes jaillit du jardin magnifique, je me baignerai dans le défi d’un ciel
jusqu’alors inconnu.
La reine des abats
Un traître messieurs-dames peut-il émouvoir la tendresse ?
A ma droite, un fils coupable porte la soupe. Funeste poison.
A ma gauche : la vieille reine savoure les abats qui troublent sa raison,
goûte du bout des lèvres le plus beau sang de la Grèce.
Sonne l’heure de l’aveu. Dans les larmes. Dans les feux.
Auguste passe le temps, dit les courses, des détails ne négligeant rien,
pendant que dans les flancs de la vieille reine, l’assaille un mal de chien.
Auguste fils voit venir la mort lente ployer sous le joug de sa démence.
Dans un soupir l’Innocente murmure : “Il ose me trahir”.
Quand l’oeil farouche picore encore les merveilles du repas,
Auguste fils rejoue pour son plaisir la mise en scène du trépas.
Près du corps froid, Auguste fils, Auguste maître,
place sous les lèvres royales une pièce de choix.
Dans les prisons d’Epire, Auguste tourne en ses lambeaux.
Questions à choix métrique
Tu voudrais-tu que je t’écrive ?
Tu voudrais-tu que je te lise ?
Tu voudrais donc que tu m’épuises
quand je voudrais que tu séduises ?
Tu voudrais-tu que je t’écrive un pavé sur le sable ?
Tu voudrais-tu que je te lise un poème d’un air grave ?
Tu voudrais-tu que je t’écrive ?
Que tu voudrais-tu que je te dise ?
Tu voudrais-tu que je te narre
comment deux adolescents
mains rouillées et chemise blanche
se sont retrouvés noyés au fond d’un volcan ?
Non.
Je te voudrais
agile comme un dard.
Je voudrais que tu me dises
de ces saveurs exquises
dont me pique le nectar.
Textes/Illustrations : Laëtitia Testard
[Je n’ai lu qu’un poème … je reviendrai lire un autre … puis]
L’envie prend
de
ne pas bouger
au creux de ce poème
et des couleurs qui l’entêtent.
Très beau.
Puissant antidote et poison rare