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chaiselongue

La plage est loin. Je peux tendre les bras sur n’importe quelle image, je ne l’atteindrai pas. Pourtant tout en moi s’y accorde. J’ai l’esprit en vacances. Le matin ressemble à une berge, une promenade sur la rive des goelands. Et ce bruit qui vient de par là-bas, le flot continu des voitures se diluant dans un peu de vent et qui me fait des vagues et du ressac. Je marche sans me presser, je marche d’un pas de sandales. Et je vais ainsi cabotant d’une heure à l’autre, à voler les perles de quelques mots, d’une pensée sans aspérité. Je ramasse du gravier, des couteaux, des coquilles.

Si loin, la plage.

Je suis des climats continentaux, de ce pays noué aux pitons et pourtant, -et pourquoi ? -, j’aspire tant à cette caresse plane d’une mer. Là-bas où les éperons sont de vagues et d’eau, où l’étendue n’est pas faite pour les pas, ni pour la pesante course des granits mais pour l’espérance.

Si loin la plage.

J’ai tiré le transat de l’été dans le cœur du séjour, une barque à bascule. Je l’ai vêtue d’une couverture bleue, je l’ai tournée vers la fenêtre, le ciel, le teinturier de mes petits flots. Prête au voyage.

Je m’y étends, prise entre deux images. Les sanatoriums d’autrefois en haute montagne, quand les souffreteux respiraient là sec et léger, et la grève douce d’une Normandie idéale. Je ferme les yeux, mon corps reste sage, il écoute mon histoire. Je lui dis le sel, l’iode, le marin que j’aime. Je lui dis parfois ce guide parti un matin recoudre des crevasses dans les neiges éternelles. Il reste sage, le bleu miraculeux des fenêtres le pénètre.

Pourtant bien plus que l’imaginaire, cette manière d’accommoder les restes des festins ordinaires, la plage entre et s’installe. Je respire un jour cousu de bruine, d’algues douces, un temps pour « l’allongeade », un temps contre lequel je ne vais pas, mais qui vient en moi et assouplit et déplie mes bosses. Un temps pénétrant dans lequel je me sens en osmose, mi- rivière mi- gravière.

Parfois c’est étonnant, la vie que j’ai s’imbibe de la vie que je veux, oui, la plage vient à moi, à l’estran d’une chambre

 

Texte et dessin : Anna Jouy