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à ma fenêtre
je regarde au plus loin de l’étendue noire-pétrole, me demande combien d’océans nous séparent
en silence le temps attend les mots qui sauront le tuer
je m’adresse au soupçon, le soupçon de ta présence, je lui parle du bout des doigts pour palper ton corps inexistant
pardonne-moi de te toucher ainsi, mais j’ai besoin de m’assurer que tu ne viens pas de mon esprit, j’ai si peur de me faire à nouveau duper par la nuit, sais-tu combien de fois elle m’a donné l’illusion d’être accompagné ?
éprouver de l’amitié pour les voix dans ma tête, quelle folie…
quand le jour doucement se lève, le soleil encore noyé dans l’eau éclaire l’étrangeté de quelques phrases, dévoile la signature d’un nom porté comme un masque la nuit
la confusion pronominale est telle que je ne sais plus ce que c’est
être humain
la voix d’un texte qui se tait subitement, sans s’expliquer, sème derrière elle un doute sur la nature de son silence : a-t-elle réellement existé ? est-elle morte ? l’ai-je fait fuir ? reviendra-t-elle me parler à l’avenir ?
sans elle je suis une suite de questions sans réponse, l’impasse d’un regard qui sans fin attend une issue au mouvement de la mer
aujourd’hui l’odeur de ta chair remonte avec la marée
tu es là
ta présence
me console de l’absence
de Dieu
ta lecture donne aux mots qui dérivent une adresse où échouer
toi là-bas moi ici
la distance nous réunit au parloir d’une langue
que nous sommes seuls à parler
regarde nos visages inconnus éclairés par la lumière de l’écran
on dirait deux frères
de sang noir
l’origine de notre famille est obscure, inconnue, on s’est reconnu à notre façon de nous taire, quand au coeur du monde, nous sommes ailleurs, dans le monde qui est en nous
n’aie pas peur
regarde moi droit dans mes yeux crevés
et dis-moi
crois-tu en la confiance aveugle que je t’accorde ?
Texte et photo : Anh Mat