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ce serait - 39 - la fascination

Ce serait se trouver là, sous elle
Ce serait se trouver, tête levée vers son sourire, entre ses pattes, comme à l’intérieur d’un enclos pénétré d’air
Ce serait se trouver dans l’incapacité de m’enfuir hors de sa sphère, et dans l’horreur d’être si démunie,
Ce serait d’ailleurs imaginer, tétanisée sous sa domination, les immenses jambes, maigres, fortes, nerveuses, se jetant à ma poursuite, et la tête tendue vers moi,
La tête tendue vers moi avec ce sourire, le même qui me domine.

Ce sourire attentif, ce sourire cruel qui se veut bienveillance sévère, cette sollicitude.
Ce sourire qui fait naître en moi un début de réponse.
Un début de réponse contre lequel me raidit ma peur.
Une peur que je veux chasser puisque instinctive, et sans doute injuste : il y a ce sourire attentif.
Ce sourire attentif dont je sens qu’il fait émerger malgré moi, dans mes yeux, un sourire un peu tremblant, un peu contraint, un peu implorant, en désir de confiance.
Ce sourire qui s’efface pendant que la tête se redresse pour voir au delà, à sa hauteur, devant elle, vers une partenaire.

Et je n’ai plus au dessus de moi que le corps, le dessous de la tête, ce qui pourrait être une idée de gorge.
Une absence de regard, un désintérêt..
Je n’y tiens plus, je laisse déborder la révolte qui était tapie, je me rue à l’extérieur du cercle des pattes.
Cercle dont se détache une patte qui vient me cueillir, me cueille, me ramène avec une caresse rude –
fin faisceau de muscles durs et sombres, avec ces renflements de bijou baroque qui sont les articulations –

contact rude comme de métal

Et la révolte se rendort, se mue en maussaderie, maussaderie venant colorer faiblement la résignation, le soulagement de mon corps tranquille, assis, contre la patte rapteuse, comme contre une colonne.

Texte : Brigitte Celerier
Image : Une araignée de Louise Bourgeois – exposition «les papesses»
Palais des papes – été 2013